Jean-Louis FOURNIER

Aurore Rodi (Ancienne Alice Gauguin)

L'un de mes écrivains fétiches,
Je le vois demain, au salon du livre de Vannes.
Ici, deux extraits de ses livres, souvent cyniques, qu'on accuse à tort comme quand il se moque un peu de ses enfants (hélas dans les nuages), handicapés... Mais le rire contre la peine.
J'ai HÂTE, j'espère qu'il n'attirera pas toute la foire aux livres.

« Je suis veuf, Sylvie est morte le 12 novembre, c'est bien triste, cette année on n'ira pas faire les soldes ensemble. Elle est partie discrètement sur la pointe des pieds, en faisant un entrechat et le bruit que fait le bonheur en partant. Sylvie m'a quitté, mais pas pour un autre. Elle est tombée délicatement avec les feuilles. On discutait de la couleur du bec d'un oiseau qui traversait la rivière. On n'était pas d'accord, je lui ai dit tu ne peux pas le voir, tu n'as pas tes lunettes, elle ne voulait pas les mettre par coquetterie, elle m'a répondu je vois très bien de loin, et elle s'est tue, définitivement. 
J'ai eu beaucoup de chance de la rencontrer, elle m'a porté à bout de bras, toujours avec le sourire. C'était la rencontre entre une optimiste et un pessimiste, une altruiste et un égoïste. On était complémentaires, j'avais les défauts, elle avait les qualités. Elle m'a supporté quarante ans avec le sourire, moi que je ne souhaite à personne. Elle n'aimait pas parler d'elle, encore moins qu'on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu'elle est partie. » (Veuf)


"Cher Mathieu, cher Thomas,
Quand vous étiez petits, j'ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
Je ne l'ai jamais fait. Ce n'était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu'à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures... "

Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi? J'avais honte? Peur qu'on me plaigne?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible: "Qu'est-ce qu'ils font?"
Aujourd'hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d'une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d'enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait: rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines." (Où on va papa ?)

Œuvres et biographie :


Il est le fils du médecin Paul Léandre Emile Fournier (23 août 1911 à Avesnes-le-Comte - 4 mai 1954 à Arras) et de Marie-Thérèse Françoise Camille Delcourt (17 juillet 1916 à Saint-Pol-sur-Ternoise - 20 septembre 1998 à Arras), rédactrice.

Il réalise régulièrement l'émission télévisée Italiques de Marc Gilbert entre 1971 et 1974.

Il est le créateur, entre autres, de La Noiraude et d'Antivol, l'oiseau qui avait le vertige. Par ailleurs, il a été le complice de Pierre Desproges en réalisant les épisodes de La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède, ainsi que les captations de ses spectacles au Théâtre Grévin (1984) et au Théâtre Fontaine (1986).

En 2008, Jean-Louis Fournier publie le roman Où on va, papa ? dans lequel il décrit sa relation avec ses deux fils handicapés. Le livre, qui reçoit le prix Femina, suscite un certain nombre de controverses1 et une réponse de la mère des deux garçons2.

Depuis, il a écrit d'autres romans : Poète et Paysan en 2010, Veuf en 2011 et La servante du Seigneur en 2013.

Jean-Louis Fournier a écrit et joué au Théâtre du Rond-Point deux pièces inspirées de ses écrits, Tout enfant abandonné sera détruit3, donnée en novembre 2011 et Mon dernier cheveu noir4, donnée en novembre 2012.

Œuvres

1992 : La Grammaire française et impertinente (manuel)1993 : L'Arithmétique appliquée et impertinente (manuel)1994 : Peinture à l'huile et au vinaigre (essai)1994 : Le Pense-bêtes de Saint François d'Assise (essai)1995 : Le Curriculum vitæ de Dieu (essai)1996 : Le Pain des Français (essai)1996 : Sciences naturelles et impertinentes (manuel)1998 : Je vais t'apprendre la politesse, p'tit con (essai)1999 : Il a jamais tué personne mon papa (récit)1999 : La Noiraude (album jeunesse)2000 : Encore La Noiraude (album jeunesse)2000 : Roulez jeunesse, un code de la route pour les jeunes2001 : Pas folle la Noiraude (album jeunesse)2001 : J'irai pas en enfer (récit)2002 : Mouchons nos morveux (essai)2003 : Le Petit Meaulnes (roman)2003 : Antivol, l'oiseau qui avait le vertige (album jeunesse)2004 : Les mots des riches, les mots des pauvres (essai)2005 : Satané Dieu ! (roman)2006 : OGM, Organismes Gentiment Modifiés (album jeunesse)2006 : Mon dernier cheveu noir (récit)2007 : A ma dernière cigarette (essai)2007 : Histoires pour distraire ma psy (recueil de nouvelles)2008 : Où on va, papa ? (récit)2010 : Poète et paysan (roman)2011 : Veuf (récit)2012 : Ça m'agace (roman, Éditions Anne Carrière)2013 : La Servante du Seigneur (roman, Stock)2014 : Trop (Éditions de la Différence)2014 : Manuel impertinent. Grammaire, Arithmétique, Sciences naturelles (regroupement d'essais, Payot)2015 : Ma mère du Nord (récit, Stock)52016 : Bonheur à gogos ! (Payot)


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