Jeu

franekbalboa

La plume glisse et gratte le papier. Dehors des pneus crissent accompagnant cette course. Des boucles, des courbes, la plume danse sur le parchemin. Des doigts lui offrent sa course. Experts ou amateurs, ils manoeuvrent délicatement cette fragile tige, saignant la feuille de cette encre noire. Le crissement seul brise le silence désormais. L'on entend parfois le souffle de l'écrivain, mais rien d'autre ne vient ternir cette paix sonore. Le moment est apaisant. Au dehors, des sirènes retentissent, brisant cet éphémère silence. L'ampoule d'une vieille lampe s'allume alors. En plus de la plume, l'ombre vient aussi danser. Elles ne se quittent que lorsque la main se lève. La délicatesse de personnage continue, et avec elle l'office de l'écriture. Des mondes se créent par cette manipulation, les mots eux-mêmes se mettent à danser, des dragons, des créatures mythiques, des héros, des aventures à dévorer. Il s'agit du seul monde où nulle limite n'existe, des plus belles aux plus horribles, en passant par les plus anodines, tout prend vie si le magicien des mots en a l'envie. De longues heures, des centaines de lignes, des dizaines de pages, des doigts fatigués et peinant, sales d'encre, mais commandés par un esprit ayant encore moultes idées en tête... Le show continue, la danse de la plume, puis sans prévenir, un bruit sourd d'une tête heurtant un tas de feuilles, une main qui tombe, lâchant la plume, qui s'écrase à son tour sur le sol de la pièce, tachant le revêtement d'encre noire. La fatigue a eu raison de l'auteur, la plume dansera de nouveau demain... À moins que cette danse ne fut la dernière? Au sol, tachée d'encre comme un corps serait tâché de sang, elle attend le réveil, immobile et figée, contrastant avec le show, où elle semblait ne jamais vouloir s'arrêter.

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