Josiane, kill ton destin (part 2)

poulpita

Résumé de l'épisode précédent : Josiane fait ses courses, prend connaissance d'un message qui va changer sa vie.

Josiane regarde les articles disparaître dans les mains de la caissière et glisser sur le toboggan métallique. Depuis deux ans, elle passe toujours avec elle. A cette caisse. Précisément. Elle aime bien cette petite jeune. Elle a l'air tranquille, simple.

- Comment tu t'appelles ?

-  Terrie.

- Comme dans Candie ?

- Peut être, je sais pas, c'est pas ma génération.

Les mains s'activent, transaction bancaire en cours, les sacs en plastique se froissent.

- C'est surtout Terrie, comme Thérèse. Mais en moins moche.

- Tu t'appelles Thérèse ?

- Presque plus.

- Tu as changé de prénom ?

- Ouaip. Je te fais un dessin pour t'expliquer pourquoi ?

- ...

- Josiane.

- Non. Terrie, tu sais ce que tu vas manger ce soir ?

- Pas du tout.

- Voilà. Moi je sais. Exactement. De l'entrée au dessert. C'est moche.

Les sacs doublés sont maintenant plein. Les regards des clients autours, comme des faisceaux. Leur curiosité aiguisée, on s'y piquerait.

- Tu finis à quelle heure Terrie ?

- 18h55.

- Je t'offre un verre ?

Une seconde de flottement. Terrie sourit.

- Ouaip. On s'attend devant ?

Josiane empoigne ses sacs, rejoint l'escalator, pose un pied sur la première marche, s'immobilise. Soixante quinze secondes de répit. Les rainures des marches mécaniques, noires, l'obsèdent. Elle imagine le cycle infini des blocs. Monter, s'écraser, descendre, se déployer, monter… Un grain de sel. Un grain de maïs. Une bille. Non. Rien n'arrêterait la machinerie. Un pied coincé. Peut-être. Elle s'élève vers la lumière. Toujours immobile. Restent dix marches avant l'arrivée. Elle imagine les voix. Allez Josiane. Go Josiane. Le sommet Josiane. Josiane. Ce prénom… Qui lui donne quinze ans de trop depuis toujours. Qui apitoie. Tu t'es trompée de siècle, Josiane, a-t-on envie de dire. Elle a essayé de se faire appeler Jo. La tête de son mari. Jo, ça fait boxeur. Jo le boxeur. Jo et Martin, tu n'y penses pas. Jojo. Jojo le lapin. Alors, elle a gardé Josiane.

Elle aperçoit la silhouette des passants. Puis leurs pieds. Ils ignorent les escaliers mécaniques et leur déchargement perpétuel. Le bruit du sachet qui glisse sur la paroi mécanique cesse. Elle fait trois pas mal assurés sur le trottoir. Saleté d'escalator. Jamais réglé à la même vitesse. La lumière l'éblouit. Elle ferme les yeux. Rideau noir orangé, un instant. Puis la rue s'étale devant elle. Le collier de voitures. Enfilées les unes derrière les autres. Alternance de gris, bleu, noir. Un vélo. Une flaque. Quelques gouttes d'eau boueuse maculent maintenant ses sacs. Les chaussures de Josiane sont trempées.

Note :

épisode suivant ici http://welovewords.com/documents/josiane-kill-ton-destin-part-3

épisode précédent ici http://welovewords.com/documents/josiane-kill-ton-destin-part-one


  • J'y étais à la sortie des escalators. D'ailleurs j'ai encore un peu de boue sur mes docMarteens.

    · Il y a presque 9 ans ·
    Amour anarchie

    yeager

  • j'aime comme tu écris et je suis bien content de te relire et je pense exactement la même chose qu'ellis ! bises j'aime bôcou ces deux textes

    · Il y a presque 9 ans ·
    P 20140419 154141 1 smalllll2

    Christophe Paris

  • Accrochée. je lis celui-ci en premier et tant pis. Sourire en moi pour "Terrie comme dans Candy", sourire entendu. Sacrée écriture, rythmée comme il faut. Phrases courtes et images pleines de poésie du quotidien. Ouais. Accrochée.

    · Il y a presque 9 ans ·
    248407193 78b215b423

    ellis

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