Julian

Florent Lassale

Tout est vrai. Le 11 septembre a eu lieu un vendredi 13. La terre est plate et les extra-terrestres sont parmi nous. Les grands de ce monde sont des robots ou bien des mutants. Tout est conspiranoia !



Chapitre Omicron

Julian regardait le ciel gris de Londres par cette même fenêtre de cette même chambre qu'il n'avait pas quitté depuis cinq ans. Les assassins du Gouvernement et les zélotes de la Machine le traquaient sans répit et il était impossible même de sortir de l'ambassade d'un des plus petits états de la planète.

La conférence de Presse du jour avait été annulée à son initiative, ses facultés de télépathe avaient repéré la présence d'un assassin parmi les journalistes. Il avait entendu le signal de cette volonté particulière mêlée dans la cohue des médiatiques : il avait senti cette présence nimbée d'instincts meurtriers, il avait capté et perçu son intention homicide comme tant de fois depuis cinq années. Elle s'était élevée comme une sirène dans la mer des micros et des caméras massés devant son balcon.


C'était une femme, une militaire, armée d'un Ruegger de précision avec silencieux, il avait lu dans son esprit l'image de l'arme de poing et sut qu'elle ferait feu dès son apparition à lui devant le parterre des gens de presse. Il s'était reculé de la fenêtre craignant absurdement qu'elle eut pris connaissance de la sonde mentale qu'il avait déployée et il avait tout simplement refusé de poursuivre la réunion.


A présent, l'accès internet était coupé dans l'ambassade, comme tant de fois, il ne pouvait plus pénétrer l'esprit-machine. Comme eau cours de la dernière campagne présidentielle américaine lorsqu'il avait publié les mails d'Hillary Clinton. Il avait pourtant fait basculer le sort de cette élection en une seconde.

Il songeait parfois à déclencher le Great Motherload, à  contacter les 300 cyber-télépathes disséminées dans le monde dont il était le mentor et le guide et leur dicter d'appuyer sur le déclencheur qui ferait imploser l'Internet sur la surface du monde. Mais le moment n'était pas venu.
Il était sans conteste l'homme le plus adulé et le plus secrètement détesté de la planète.


L'archange Assange l'appelait-on parmi certains des plus fervents de cette communauté secrète de geeks qui pouvaient lire dans les pensées et se trouvaient psychiquement en interconnexion quasi permanente. Anonymous, les grandes cyber attaques au niveau mondial, les hackings d'agences gouvernementales, la suspension de l'internet lui-même pendant une après-midi entière aux USA, c'était eux, c'était lui.

Il s'allongea sur le lit, la fatigue le prenait, il songea à son enfance, dans la secte des douze apôtres qui le nourrissaient de soupe, de LSD et de méta amphétamines. Il se souvint de la première fois où il avait pu lire dans l'esprit de son camarade Joe, un pauvre gamin comme lui, prisonnier de cette bande de fanatiques hallucinés.

Il s'était enfui de là-bas. Ne sachant plus où même il se trouvait exactement ; la fuite en bateau, le retour sur le continent australien. Le bruit que faisaient les cerveaux qui pensaient autour de lui. Une époque difficile comme aujourd'hui. Puis il était passé maître dans l'art de déceler les informations secrètes, mais aussi dans celui de mentir, nichées dans leurs pensées. Il avait étudié alors les mathématiques, le langage des machines, exploré le système nerveux de l'informatique, vu naître le world wide web. Le réseau, puis le réseau des réseaux. Le supernet des cyber-télépathes dont il avait jeté les bases et les lois et enfin compris l'apparition de la Machine.

En face, les psychos précogs se limitaient à une douzaine d'individus, vingt au maximum qui tenaient dans l'ombre du secret la planète dans la paume de leur main. Chaque précog pouvait prévoir le résultat de l'Euro-millions avec une chance sur trois de véracité. Il possédait une sorte de fenêtre sur les futurs co-possibles et pouvait agir en conséquence. On pouvait comprendre qu'ils avaient conquis le pouvoir, la puissance militaire et confisqué la richesse autour d'eux. Les moins fous d'entre eux étaient à la tête des états nations et les autres atteint de schizophrénie monomaniaque. Au milieu de tout cela, il y avait la Machine qui remplaçait ces chefs d'état et les plus hautes autorités par ses androïdes ultra perfectionnés.

Les cyber-télépathes étaient les autres, ceux qui savaient, pouvaient agir, et constituaient un élément d'incertitude dans les plans des précogs. Ils se cachaient dans l'anonymat de l'océan des ordinateurs connectés sur le net. Ils contrôlaient deux milliards de machines truffées de chevaux de Troie. Ils étaient les capitaines de la superstructure informationnelle et de l'internet et le pire cauchemar de la Machine.

Le téléphone de Julian se mit à vibrer. L'écran de son portable affichait appel anonyme. C'était certainement le gros Trump. Le seul qui fut assez paranoïaque pour l'appeler en mode masqué. Il se demanda s'il devait répondre à cet homme grotesque qui était devenu  grâce à lui le maître du monde en quelques jours. Trump ça voulait dire atout en anglais, et Julian avait besoin de celui-ci dans sa manche s'il voulait rester en vie. Il décrocha.

La voix un peu nasillarde mais chaleureuse de Donald se fit entendre :

- Salut Julian, comment allez-vous ? On dirait que les ennuis vous entourent aujourd'hui. C'est la même chose pour moi, les emmerdements n'arrivent jamais seuls. Mais notre marché tient toujours on ne va pas se laisser balader par quelques petits incidents idiots.

- Oui Donald, bonjour. Merci. Comment puis-je vous aider ?

- Haw haw haw, vous m'avez bien aidé déjà mais un truc me chiffonne.

- Quoi ?

- Vous soutenez toujours que Hillary est un….putain de robot ?

- Oui. Parfaitement.

- Je crois que j'ai une confirmation. Elle a buggé comme vous dites !

- Quand ?

- Je vous le dirai plus tar....Mais selon vous, quand a-t-elle été fabriquée et substituée ?

- Vous vous souvenez de cet épisode où elle souffrait de cette  crise de tuberculose aigüe, en 2015, je crois. C'est à ce moment que son remplacement s'est avéré impératif pour la Machine. On l'a vu sortir de l'hôpital toute mécanique et....revoyez les vidéos sur Internet.

- Fuck ! C'est dément. Encore cette histoire de Machine ? Vous me faites toujours marrer Julian.  

- Allons Donald, vous savez que vous êtes manipulé comme tout le monde. Vous le sentez, réfléchissez bon sang ! Mon aide vous a permis la victoire, vous avez affaire à une petite société d'individus très puissants et au dessus à un démon de silicone. Sans doute ont-ils soigneusement calculé votre élection. Ils ont toujours plusieurs coups d'avance. Quant à elle, qui sait ce qu'elle est en train de cuisiner ?

- C'est une histoire un peu incroyable.

- Nous vivons dans un monde incroyable. La Conspiranoïa est une attitude de sauvegarde, Donald, je pense, sans vous offenser que vous êtes le jouet de volontés avec des objectifs heureusement souvent contradictoires et que c'est cela qui vous laisse un peu de liberté d'action. La Machine a besoin de vous pour conserver un peu de spontanéité dans l'arène politique internationale. 

- Ok Julian, tout cela me fait rire au fond vous savez. Je m'en fous, je suis un vieil homme. Qu'ils aillent se faire foutre !

- A bientôt Donald. Prenez soin de vous car vous êtes un des dernier humain au pouvoir.

- Salut Julian. Essayez de ne pas vous faire descendre. Vous savez que les boys de la CIA sont en roue libre, je ne peux pas vous couvrir.

- Je sais. Bye Mr Président.





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