Juste en dessous du grand soleil

stockholmsyndrom

Petite midinette adolescente, issue de la banlieue, la pavillonnaire. Sa vie est un long fleuve tranquille, papa est dans les assurances, maman est infirmière. L'été ils partent dans le sud profiter des congés payés, elle déteste ça, c'est plutôt la honte de trainer avec ses vieux, d'ailleurs elle déteste ses vieux. Elle dit qu'elle est l'enfant d'Artaud, elle a vaguement lu sa bio sur Wikipedia, mais comme c'est une chanson de Saez, elle trouve ça cool. Elle a des égratignures sur le poignet, pas très spectaculaires, juste pour insinuer qu'elle a mal à l'intérieur. C'est proportionnel. Sur son compte trumbl elle poste des photos de meufs désinvoltes à chattes poilues qui smoke des pillons aussi longs que des sarbacannes indiennes en les assaisonnant de citations de Fauve où de Baudelaire qu'elle a rencontré en seconde Littéraire. Elle écrit des textes aussi, sur sa sexualité ambiguë, elle a bien sucé quelques gars au lycée mais trouve pas ça très original. Et puis elle a vu La Vie d'Adèle, ça compte. En vérité, elle est amoureuse de son prof d'espagnol Mr Lopez, faut dire qu'il est plutôt pas mal, encore assez jeune, juste ce qu'il faut de cheveux blancs pour afficher une certaine maturité, et puis son teint ibérique et son accent, ça, ça la fait craquer. Elle tient un journal intime où elle décrit des scènes pornographiques calquées sur les sites interdits aux mineurs. Mr Lopez la prend souvent en levrette sur le bureau pour la punir de ses mauvaises notes. Elle, serre sa trousse en poussant des cris agoniques au beau milieu des monticules de papiers qui s'envolent autour d'eux. Pour elle, c'est ça faire l'amour. Enfin, baiser. Elle a une copine, Chloé, une experte dans le domaine. Chloé elle dit que baiser c'est mieux que la drogue. Elle dit aussi qu'on a qu'une vie, et que les meufs qui la traite de salope, c'est juste des grosses jalouses trop moches pour qu'on veuille bien les toucher. Chloé dit qu'elle s'est tapée Mr Lopez, et qu'il a la verge la plus large qu'elle a jamais vu. Ça fera un paragraphe en plus dans le journal intime de Claudia. Ouais, Claudia, c'est son prénom, en hommage à Claudia, la Cardinale. Une idée de son père d'origine Italienne, tu seras belle ma fille, comme Claudia. Ses origines, elle les revendique souvent. Parfois, elle s'en va au lycée avec le maillot de la squadra azurra sur les épaules, ça lui donne un petit côté garçon manqué, elle aime bien ça. En vérité, Claudia ne connaît rien de l'Italie, mis à part les ravioli et Rocco Sifredi. Sa famille est ici depuis des générations mais parfois elle ressent le besoin de parler avec les mains quand ses potes Algériens sortent les drapeaux. Les Algériens elle les aime bien. Elle aime aussi les marocco. Ça a commençé à l'anniversaire d'une amie quand elle avait seize ans, vas y essaye, tu peux aspirer j'ai pas trop tassé. La première bouffée c'était assez pour la dégoûter, pourtant elle y est revenue, comme tout le monde. Depuis ça elle n'a jamais céssé de rouler des joints. Elle préfère la beuh, le shit la rend turbulente, alors elle en prend qu'en substitut, en plus c'est bourré de saloperies, Claudia elle tient à sa santé. Le soir pour s'endormir elle s'en bourre un pour s'assomer, elle prend plus la peine d'ouvrir les fenêtres, et ça sent jusqu'à la chambre de son petit frère qui s'empresse d'aller cafter, papa! Claudia elle fume de la drogue! Le père raplique, quelques coups à la porte, des menaces et des insultes, en vain, Claudia est déjà K.O. La mère ne jamais dis jamais rien, ni pour la beuh, ni même pour les maîtresses de son mari. Elle est éteinte. Dire qu'un jour eux aussi ils baisaient, quand il étaient pas hypocrites. À quoi ça sert de faire des gamins. Et puis à quoi ça sert de fêter Noël ensemble, à quoi ça sert d'être une famille. Ouais, à quoi ça servirai de sourire. Bordel, faut que je me casse d'ici, elle le répète sans arrêt.

Mais pour aller où? Le monde est si fade. Fade comme son ciel, comme le tic tac des pendules, fade comme l'horizon, la pluie, et puis comme les fleurs qui se fanent, là, juste en dessous du geand soleil.

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