juste mes derniers mots...

ninidesrues

ma dernière colère pour elle...et un putain de ras le bol...

Ce soir est la dernière fois que je viendrai te voir. Cela ne me brise pas le coeur, ca me le transperce de toutes parts et cela depuis le jour où tu as décidé que tu ne voulais plus vivre. Je ne devrais pas ressentir cette colère, cette incompréhension face à ce moment et, pourtant, mes points bouillonnent, ma tête explose, je ne peux pas accéder à un moment de répit pour me préparer à ton départ. Je n'y arrive pas, car je ne comprends pas. J'aimerais y trouver de l'absurde à cette situation et non pas l'application d'une loi, d'une fin de vie orchestrée par le biais d'un protocole inhumain. La loi dit que tu as le droit d'accéder à une prise en charge telle que la sédation profonde et continue, on appuie sur une pompe et la machine située à coté de toi et relié par une voie sous cutanée diffuse un bolux de morphine qui te replonge dans les limbes de ton esprit, brumeux et semi-comateux. À côté un pousse seringue d'un tranquillisant puissant se répand en continue dans ton organisme. Il n'a pas encore le pouvoir de chasser ces grimaces de ton visage, juste de calmer tes angoisses. Tu n'as plus faim depuis longtemps, les deux dernières cuillères de compote que tu as réussi à avaler date de 4 jours. Tu as soif, cruellement soif, tu agonises part ce manque, mais tu ne déglutis plus. L'eau part dans tes voies respiratoires et alors tu es prise de quinte de toux incontrôlable. Tu tousses, tu tousses et quand j'approche le canard d'eau de ta bouche pour tenter une nouvelle fois de répondre à ton supplice, tes yeux voilés qui me hurlent, j'ai soif, tu n'arrives plus à fermer la bouche. Elle reste ouverte, sèche, aride, tes dents jaunies et tes bords de lèvres cramoisi et retroussé, donne ce visage squelettique qui me hantera encore longtemps. Alors, je craque parce que c'est trop, c'est insupportable, l'attente est trop longue et je supplie du regard les soignants de ne pas m'abandonner avec toi car la tentation est trop forte. J'ai l'impression de te voir comme une condamnée, à payer le prix d'un dialogue de sourds où personne n'arrive à se positionner de manière objective et humaine. Tu as fait le choix à 90 ans de mettre fin à tes jours et comme tu me l'as répétée si souvent, quand ta voie n'était pas encore éteinte...et pourquoi encore un jour?...

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