Kanata, un coup de katana au soleil

Christophe Paris

Du théâtre total, du vrai, du puissant.

Celui qui vous secoue les tripes et les neurones.

Celui qui ose, dit, montre, sans filtre et dans un engagement total.

Un spectacle incontournable et redoutable.


Une mise en scène au théâtre du soleil qui dès la première seconde vous hameçonne jusqu'à la dernière, bouche ouverte, muet comme une carpe.
Une claque, plus exactement un mur en pleine face. Une pièce qui vous fait redevenir spectateur au sens fort du terme. Celui qui mouille sa chemise de sueurs froides ou bouillonnantes, de larmes de rires ou de pleurs abondantes.

Deux heures trente de spectacle qui passent à la vitesse d'un TGV que rien n'arrête sur son passage. Crue, drôle, brutale, trash, mais aussi poétique et contemplative, la pièce vous transperce sans répits la boîte à émotions comme un sabre japonais vous ferait Hara-Kiri.

L'intro, belle et éthérée, s'achève brutalement sur une arrivée au chaos très réussi. Une violence scénique qui plante le décor. Un prêtre enlève un enfant et l'on comprend tout. La déforestation, le déplacement des autochtones en réserve et les petits envoyés de force au pensionnat…

Et vlan, rebaffe.

Un centre d'injection où tout le monde se shoote prend vie en quelques secondes. Début de l'histoire. Une héroïne victime de l'héroïne. Une Indienne hachée par une société et un système au racisme suintant, avec l'histoire de son peuple en parallèle.

Un message porté par une bonne vingtaine de comédiens tous raccords et entiers dans leur jeu, capables de vous déchirer le cœur ou de vous étirer les zygomatiques sans pouvoir y résister. Certains doublant même des rôles radicalement opposés avec la même dextérité. Une direction d'acteurs irréprochable qui s'exprime parfaitement avec des personnages comme la mère ou le fermier. Des comédiens, qui chacun dans leur registre, vous mènent par le bout du nez dans une longue apnée.

Les tableaux s'enchaînent et l'histoire se déchaîne, aussi vite que dans un film, multipliant les lieux, les décors, les instants. On pourrait même parler de réalisation avec ses cadres travaillés et cette extrême fluidité qui caractérise la mise en scène. De réels moments de grâce visuelle qui vous font basculer dans un ailleurs. Celui qu'on voudrait ne plus quitter, à l'image d'un drogué qui cherche sans plus ne jamais le trouver, l'effet de la première injection. Jolie mise en abîme du spectateur…


Le spectacle suscite beaucoup de controverse, gage de force et d'originalité. Certains crient au génie, d'autres au voyeurisme racoleur ou au parti pris trop marqué.

Vous serez seuls juges, une chose est certaine en revanche, vous n'en sortirez pas indemne !


Au théâtre du soleil.

Signaler ce texte