La cluse

petisaintleu

Alors que l'aube encore se dérobe ils sont là, agenouillés. Indifférents à la douleur de leurs rotules qui grincent puisqu'alimentés d'une nourriture qui les sustente malgré la privation. Qu'est-elle au regard des psaumes qui s'élèvent et déchirent les entrailles de la nuit ?

Oui, ils sont là, pénétrés d'une lumière accompagnée d'un feu qui ne saurait s'éteindre, tant ils sont pénétrés de la certitude que la petitesse de leur humanité est malgré tout un rempart. Ils dressent de leurs prières une forteresse ininterrompue depuis des siècles et qui, malgré l'extrême faiblesse de la chair, n'a jamais cédé. L'intériorité est l'arme de leur âme. Le froid, la faim, la soif s'époumonent à les inciter à une vie plus juste et plus terrestre, de celle qu'ils ont quittée.  Ils auront les derniers maux, mortifiés par la grâce de l'éternité qui déjà les habite. S'ils n'entendent pas la voix que seul leur for intérieur est en mesure de discerner, ils savent que le chemin est déjà tout tracé. Ils n'ont qu'à suivre les sillons creusés par leurs pairs, transmis par les liens filiaux de celui qui mourut par amour pour eux.

Leur cluse n'est pas une prison, bien au contraire. Elle est la dalle qui cimente par leurs suppliques l'entrée des abîmes et dresse vers le firmament les colonnes qui mènent au repos qu'ils auront bien mérité après s'être tués à l'attache de leurs vœux.

Aux heures succéderont les heures, les saisons aux saisons. Unis dans le même esprit, embarqués sous la même nef, ils naviguent sans s'effrayer du déchaînement des flots impétueux du siècle. De leur désert, ils sauvent les pêcheurs qui peuvent parfois et miraculeusement s'accrocher à la berge en venant frapper à leur porte.

Sont-ce des imbéciles ou des inconscients à se sacrifier alors qu'aucun signe tangible n'est encore venu troubler l'ordre établi depuis des millénaires : l'égoïsme, l'appât du gain et l'attraction du sexe ? Peut-être sont-ils bénis d'avoir gardé leur sagesse d'enfant et de ne voir que le bien. Heureux garde-fous que leur folie de croire nous protège tel un paratonnerre, ultime bastion pour ne pas sombrer dans la géhenne.

  • " ils savent que le chemin est déjà tout tracé. Ils n'ont qu'à suivre les sillons creusés par leurs pairs," Amen Saint Friday !

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Mycjq3xv

    Christian

  • Enfermés dans leur foi depuis, certainement, leur plus tendre enfance, ils sont heureux ainsi et pensent, un jour, sauver le monde. Grand bien leur fasse !

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

  • Reculer pour mieux sauter, c'est en effet ce que l'humanité a toujours fait de mieux, voir de louable, selon le point de vue, j'ai deux enfants et je suis lâche, je devrais me battre à leur place, pour que demain soit enfin le leur, dans un monde moins saccagé, oui se battre contre le système et pas l'intégrer comme plein de problèmes….jusqu'à 18 ans je buvais l'eau des sources aux lavoirs des villages, je n'ai aucune excuse!!!

    · Il y a plus de 4 ans ·
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    flodeau

  • Un texte noir, avec de la profondeur cependant...

    · Il y a plus de 4 ans ·
    W

    marielesmots

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