La colère sourde

Une colère sourde s'était emparé de lui. Il faut dire qu'elle l'attendait au tournant cette vache. Elle était latente en lui depuis fort longtemps. Désormais, elle paralysait son jugement, obnibulé qu'il était. Son réseau social en patît fortement, les gens ne supportant pas ses remarques aigries et vengeresses, son comportement à la limite de l'incorrection la plus crasse. Il en souffrait de cette désaffection, irrémédiablement. Une quasi-malédiction qui lui semblait bien incurable. Il était allé voir toutes sortes de psy, de marabouts, de rebouteux, de magnétiseurs. La colère ne passait pas. Le pire, pour lui, était qu'il en connaissait la cause : une frustration adolescente (selon ce qu'il racontait). Il pensait en avoir fini avec cette histoire, et non, cette gaminerie le poursuivait, bien longtemps après. Les vieux démons ont encore faim, attendant tels des vautours de se repaître de la carcasse fatiguée d'un pauvre homme esseulé dans son propre désert. C'est un bien triste sort. Je l'ai plaint plusieurs fois, étant son ami, et je le plains toujours. Mais la miséricorde ne le sauvera pas, j'ai essayé de l'aider. Je me demande parfois s'il n'a pas renoncé. Aveu d'échec? Probablement.