La dame en manteau de fourrures
Teri Nour
Elle était assise là, dans ce café situé quelque part en Europe de l'Est. Elle avait des bagues à chaque doigt, d'innombrables bracelets de perles et des colliers. Son manteau de fourrure était posé négligemment sur ses épaules, son corps tout entier appuyé sur son coude droit. Elle était l'image même d'une bourgeoise oisive et insouciante. Portant quelque chose dans l'intensité de son regard et la force qu'elle mettait à serrer sa mâchoire masquait une toute autre vérité.
Elle avait été poétesse autrefois dans sa jeunesse. Puis elle s'était engagée dans les forces de libération de son pays. Elle avait prit les armes comme elle l'avait fait avec la plume, pour défendre sa vie, les opprimés et la liberté.
Elle se tenait là, dans ce café perdu d'Europe de l'Est, là où son compagnon d'armes, son compagnon de vie, était tombé sous les balles. Si elle regardait avec autant d'intensité en direction de la porte c'est que, même après toutes ces années, elle espérait encore le voir entrer et venir s'asseoir à sa table. Il sortirait alors deux billets de train pour Paris. Ce voyage qu'ils avaient prévu de faire sitôt la guerre terminée. Cette autre vie qu'ils auraient pu avoir là-bas, elle écrivant, lui publiant.
Cette autre vie, je la devinais derrière le papier glacé de la photo que j'avais prise ce jour-là. Ce jour où elle m'avait conté son histoire.