la fin de son tourment

rechab

peinture: W M Turner


     Je me demande ce que les oiseaux de mer
trouvent près des blanches cathédrales,
ces paquebots, que l'horizon avale ,
pendant que gémissent leurs cheminées de fer.

Ils foncent dans la brume,
pour accoster un jour, peut-être demain
dans ces ports lointains
où le pays change de costume.
                  A la fin du voyage,
                      on s'imagine qu'à terre
les oiseaux retrouvent leurs congénères
comme ça doit être l'usage.

La mer a supporté, dans son attente
ces coques de métal
qui semblent en perpétuelle cavale
incertaines et oscillantes
comme si elles ne pouvaient se poser nulle part
multipliant les parcours
et les allers-retour
hésitant sur leur trajectoire .

                       Je suis resté à terre,
et n'ai voyagé que dans les romans,
               je n'ai vu leurs gréements
              que depuis le quai désert
avant qu'ils ne reprennent
le chemin de l'océan
où il semblent se dissoudre dans le néant
           - que sans doute ils atteignent

             les jours de gros temps - ,
entourés de montagnes liquides
où la sensation du vide
a quelque chose d'écrasant :
           plus aucun point de repère
           dans une furie grise :
les certitudes se brisent
comme une paroi de verre.

               ainsi les hommes
           pensent que la mort
est embarquée à bord
que c'est un vaisseau fantôme

qu'on retrouvera un jour
errant sur le littoral
qui ne pourra plus faire escale
au port de Hambourg
ou de Valparaiso :
         il n'y aura plus de capitaine,
            plus de présence humaine
            dans ces bateaux :

jamais on ne comprendra
ce qui est arrivé,
il faudra essayer
de savoir le comment et le pourquoi.

C'est un de ces monstres abandonnés
condamnés à rouiller,
infiniment errer,
comme de sinistres mausolées.

          Même les oiseaux de mer,
            faute de nourriture
            ont établi leur sépulture
           sur ce navire solitaire.
Des marins ont reconnu sa silhouette
derrière les îles,
          colosse inutile
         les vagues le fouettent.

Ceux qui l'aborderont
n'y trouveront
         que du vent
        et des ossements,

quantité de plumes et de becs
assez bien conservés,
comme si les volatiles avaient proliféré,
au sein même du varech
de la mer des Sargasses
        que l'on peut croiser
         lors d'une traversée
en faisant quasiment du sur-place

emportée par des courants,
l'embarcation reste passive
subit la dérive
et le caprice des éléments .

De fait               le voyage n'aura de fin
     que si des brèches se produisent,
le navire s'enlise :
ce sera son destin
       il y aura bien des brisants
      qui causeront le choc :
l'épave se disloque
marquant la fin de son tourment.

-
RC 

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