La grande bouche

C'est un lieu du tout bruyant, du tout brillant. Un lieu du tout Paris, du tout perdu. Un dédale où tout se croise où tout se toise, où tout s'entend où tout se sent. Nos peaux s'y frottent en corps à corps d'odeurs et de parfums. Nos yeux s'y perdent en tous sens ne sachant où s'accrocher, sans troubler, sans gêner.
S'accrocher.
Toujours et encore, pour éviter d'y chuter. Résister aux secousses qui vous trémoussent, tellurique mécanique. Se contracter sous ses coups de boutoirs, d'avant en arrière dans un bruit d'enfer. Ses lames de sons qui plongent l'ouïe dans un abysse de douleur métal. Un endroit toujours en mouvement qui  jamais ne reste présent.
Bringuebalés, chavirés, les rires des uns s'y mélangent aux larmes des autres. Combien d'histoires, combien d'amours perdus dans tous ces regards qui cherchent à sortir du noir. Sourires instantanés qui disparaissent le temps d'un courant d'air, le temps de mettre un pied à terre et rejoindre lumière.
La porte du quotidien se referme pendant que deux regard se quittent sans se connaître, sous l'œil de géants impassibles aux sourires imbéciles. Carrés de papier tout juste bon à s'y torcher.
Illusion de vie qui se joue de nos vrais destins. Te faire oublier, pour de toi mieux profiter. Pantins de carnaval qui nous digèrent dans le grand intestin de fer, dans le train à destin d'enfer.
 Celui de notre quotidien, cette misère.
Métro c'est assez, de tes rails je veux me libérer, ne plus te prendre. De ta grande bouche qui m'avale chaque jour je suis lassé, serpent à sonnerie qui rythme ma vie. Plus jamais je ne tomberai dans les bras de tes tunnels, je disparais.
L'été est arrivé, il est temps pour moi de skater.