La guerre du slip

madikou

L’histoire d’un vendeur fou qui me tient à coeur. N’hésitez pas à critiquer.

    Ce qui est sûr et certain, c'est que je suis l'homme de l'ombre qu'il vous faut! C'est moi, le lutin sombre, qui habille et protège votre corps des milliers d'agressions physiques qu'il subit. J'utilise la ruse et la roublardise pour choisir l'apparence que vous aurez sans que vous ne vous en aperceviez. Mais avant d'aller plus loin, commençons donc par le commencement et laissez-moi me présenter rapidement. Vous pouvez m'appeler monsieur « Jo ». Rien de plus simple et facile à retenir. Si je n'avais pas une personnalité incomprise, et un physique surprenant, j'aurais pu être un digne descendant de la célèbre famille des charlots. Alors qui suis-je vraiment? Un clown? Un acrobate? Non, bien sûr que non! Je suis seulement un drôle de vendeur de vêtements, distributeur de slips et culottes en tous genres. Allez, venez donc voir ce qu'il se passe dans mon monde, où les nuages noirs ont tendrement expulsé le beau ciel bleu si cher à nos yeux.

     Nous sommes en ce moment même en l'an 2018, en pleine guerre des multinationales, armées des panneaux publicitaires et slogans sexuels racoleurs par milliers. Une guerre qui pourrait paraître invisible par la plupart d'entre nous, mais pas pour « Jo ». Heureusement que je sais lire entre les lignes invisibles des livres, publicités et autres médias car chaque jour est une bataille et aujourd'hui, celle du lundi vient de commencer. Au faite je ne vous l'ai pas dit mais j'habite et travaille dans une ville où les êtres humains ne sourient plus, et où ils sont victimes et dépossédés du temps dont ils disposent. Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue dans la plus belle ville du monde: Paris.

     C'est parti! Je me lève de mon lit, me regarde devant le miroir, me dis bonjour avec le sourire, embrasse mon biceps droit, m'équipe de vêtements légers et m'en vais immédiatement à ma séance de course à pied. Un rituel quotidien qui me permet d'évacuer le stress et l'envie quotidienne de casser des poussettes à coups de cuillère à soupe. Une heure de course de rue, où je vais frôler la mort des centaines de fois, en évitant les voitures, les camions, et même les dangereux chiens sans laisse qui n'hésitent pas une seule seconde à me courir après pour essayer de mordre mes deux brioches arrières. Une heure d'entraînement intensif où je vais pouvoir constater que je suis piégé dans la célèbre faille spatio-temporelle: métro, boulot, dodo! Comme je suis prisonnier de celle-ci et que je n'ai pas la clé de ma cellule imaginaire, je ne peux malheureusement pas m'évader. Cependant, je médite longuement et me parle intérieurement ... je suis capable de me mentir à moi-même en me répétant sans cesse que mon boulot est incroyable, qu'il me permet de fréquenter l'élite de la France, qu'il ne me fatigue absolument pas et que je suis indispensable à ma patrie... Attention à vous si un jour vous avez affaire à moi dans un magasin, car si je peux me mentir à moi-même comme je suis actuellement en train de le faire, vous n'imaginez même pas jusqu'où je peux aller pour atteindre mon but...

     Je suis commerçant dans une boutique de quartier. Plus précisément, un magasin de vêtement pour enfant et bébé. J'exerce principalement la fonction de vendeur, et je côtoie tous les jours des femmes mariés avec plusieurs enfants, des grands-mères, nounous... mais aussi des amants, des maîtresses...et là, stop! Trop c'est trop! Je n'en peux plus! Six ans que je me coltine toute la basse-cour de paris. Juste le fait de les imaginer me demander de leur rendre un service pendant que je cours, me fait presque vomir. Six ans! Et oui! Six ans que cette aventure dure, et elle est loin d'être terminée! Mais rassurez-vous, je vais tout vous expliquer depuis le début. Premièrement, quand une femme donne la vie en accouchant d'un bébé, et qu'elle fait le choix d'habiller le nourrisson chez nous, elle prend un abonnement de 10 ans au minimum avec notre boutique, ce qui est tout à fait logique puisque qu'un bébé est capable de grandir jusqu'à l'âge de 25 ans! Ainsi, sa chère maman, enchainé par les liens du sang, revient me voir pour habiller son petit ange, et cette opération est répétée plusieurs fois par mois jusqu'aux deux ans de l'enfant ROI, là où sa croissance ralentit. Alors vous imaginez maintenant, comment je suis enthousiaste, juste à l'idée de penser que je vais voir tous ces enfants grandir, pleurer, hurler, pendant des années...

     Je suis en quelque sorte le « papa » spirituel de ces milliers de gosses, un peu comme si j'avais couché avec toutes les femmes de paris! Pendant ma course, je continue, avec la petite voie qui habitent ma tête, le dialogue de ma vie de vendeur de slips et chaussettes. Une vie en zone de turbulence intellectuelle où je passe la majeure partie de mon temps à me plaindre, à critiquer tout ce qui bouge, et à chercher une issue de secours à un mode de vie occidental qui me satisfait de moins en moins. Si les dix premières minutes avant de sortir du vagin de ma mère, une sorcière avait pu me révéler la prophétie contenant la raison de mon existence : si j'avais su lorsque je suis né, que je finirai vendeur de slip, je peux vous le jurer que même avec une césarienne, je me serais caché derrière des deux ovaires de ma mère pour ne pas sortir. Soyons sincères deux minutes et mettez vos lunettes de vue pour voir où je veux en venir. Si je me plains, c'est que certains problèmes existent dans notre société, et qui sont loin d'être solutionné. Je ne vous parle certainement pas du manque de piste cyclable au bord des routes de paris ou de la sois disant petite quantité de restaurant naturiste à paris. Non je vous parle de l'inégalité des salaires entre les êtres humains, du communautarisme à paris, de l'esclavage... Pour parvenir à résoudre tous ces problèmes, il faudrait détruire tout le système financier dans lequel on vit à coup de bitcoin pour nous mettre tous à égalité. Bien sûr nous créerions une banque mondiale, que je dirigerai personnellement parce que là, on n'y comprend rien, c'est trop flou pour les petits citoyens sympathiques que nous sommes. Je crois que j'appellerai cette banque: « la wouaf bank ». Comme nous subissons au quotidien, les blagues hilarantes des hommes politiques, le système perdurera jusqu'à ce que tous les pigeons qui vendent leur bras, leurs jambes, ou leur ventre contre de l'argent, perdent leur sens de l'humour et se révoltent pour obtenir ce qu'il y a de plus cher à leurs yeux, à savoir la baisse du prix du Nutella... Mais, comme je fais partie de ces pigeons, je peux vous témoigner mon vécu, et affirmer que nous sommes une race d'être vivant qui essaye juste de survivre pour ne pas se « clochardiser ». Mais à votre avis, si nous résistons à un envahisseur, quel race d'extraterrestre pourrait bien dominer la terre? Les Mugul? Les Zugul?

L'heure fatidique approche. Je viens à peine de finir mon entraînement, que mes jambes supplient mon cerveau de ne pas aller travailler. « Reste chez toi, repose-toi » me crient-elles. Mais je n'ai pas le choix, je dois me préparer. Alors commençons par le maquillage. J'ai l'obligation de camoufler le plus de défaillance visuelle possible sur mon visage. J'appelle ça l'hypocrisie de grande échelle. Je dois presque me travestir en gendre inoffensif pour séduire la cliente, l'amadouer et l'endormir dans le but de gagner ma vie. Pour cela, essayons d'être la personne que nous ne sommes pas. Rien de plus simple: commencer par se peigner tendrement les cheveux sur le côté à l'aide d'un peigne rose, puis se brosser l'avant et l'arrière des dents, ajouter deux pschitt de parfum du désir, et pour terminer, l'élément le plus important, épingler sur son torse le badge « je suis à votre service »... C'est fait, je suis prêt pour travailler, mentir, faire du commerce. Un éclaircie dans le ciel nous survole, alors attention, tout ce qui est écrit à partir de maintenant dans ce livre devra rester entre vous et moi.

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