La louve du temps

Alison Pernet

Nous marchions sans but, oubliés dans ce désert,
Cette forêt où coule désespérément l'air ;
Et il n'y avait là, hélas, pour nous veiller
Que de tristes hurlements brisés, endeuillés.
Oui, la tristesse est ici, tout près de la mort
Qui, restant tendrement bercée dans nos tords,
Viens en un grisement sinistre poindre en nos âmes
Comme si elle était soudainement la seule arme
D'une vie délaissée, trop longtemps oubliée
Et encore par les hommes lentement saccagée.


C'était par une nuit, voyez-vous, comme celle-ci.
Les arbres perçaient de leur cimes le ciel assombri,
Les oiseaux c'étaient tus, étranglés par la lune,
Un macabre chemin fait de terre et de dune
Trônait entre les herbes, invisible aux prières.
Et c'est tout en haut, après les ruines du temps
Qu'aujourd'hui encore vous verrez en écoutant
Le murmure de ce corps longtemps ignoré
Qui hurle encore face à la voûte éveillée
Par les milliers de lueurs sur son ventre scellées.


Rien ne fut si triste et rien ne m'attrista tant
Dans tout ce que je vécu jusqu'à maintenant
Que ce cri sans espoir face à l'humanité,
Nous qui de sang froid avons si souvent tué,
Voyez et écoutez comme elle souffre la belle,
La belle prière de ces temps irréels
Cette magnifique enfant de la nature damnée
Qui au fond des bois oublie comment chasser

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