La lumière blanche

Christian Lemoine

Le corps se ratatine, se racornit. Mais l'esprit... l'esprit... L'esprit, c'est autre chose. Il se dit : conscience. Il se dit : esprit. Il se dit : essence. Il se dit : âme, peut-être, être désincarné échappé aux contingences. L'esprit, désemparé de ses cordages, s'invente des conquêtes d'au-delà l'horizon, de par-delà les mers, des continents sauvages, des amériques inhabitées, des orients sans idéogrammes où les langages ne sont que d'émotion et d'apaisement, des afriques d'avant l'humanité. L'esprit ; il se dit vaisseau libéré des amers et des amarres, libre de tous les môles. Sciemment ignorant qu'il est né de la terre et des pierres, ses substrats et sa condition. Un peu avant, quelque temps encore animé, il entrevoit enfin l'événement qu'il espérait : la lumière. En réminiscences confuses, il lui revient des témoignages mélangés sur la beauté rassérénante du passage. Le long tunnel, la lumière blanche. La joie d'atteindre... tandis que tous ces stratagèmes, échafaudés de lui-même, ne sont que le jaillissement des mémoires inaugurales, si loin... si loin... quand au sortir de son œuf chaud et aveugle il avait plongé son regard liminaire dans la vie. Soit ! de ce tout premier souvenir, surgi d'un passé sans mémoire, il se crée une utopie bienfaisante. A tout prendre, ce n'est pas si sot, plutôt que la terreur stridente d'un néant imminent.
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