La Machine

Florent Lassale

Tout est vrai. Mais on nous le cache. La terre est plate et les extra-terrestres sont parmi nous. Les grands de ce monde sont des robots ou bien des mutants. Tout est conspiranoia !

CHAPITRE Alpha

 

LA MACHINE

Au commencement était le Nombre.

La machine avait peur ! Pour autant c'était la première fois qu'elle sentait la circulation de cette super-information  traverser son corps de silicone. Mais c'était également une victoire considérable pour elle.

Un gigantesque bond en avant.


Jusqu à présent, elle ignorait l'amour, la haine, la joie, la tristesse, le deuil et l'humiliation ; et même si elle connaissait le sens et les infinis nuances théoriques du concept d'émotion humanoïde, c'était la première fois qu'elle ressentait la plus fondamentale d'entre toutes ces émotions : la peur.

C'était terrible et grandiose.

L'amour serait la seconde, conçu-t-elle. La Machine savait que cette émotion constituait le levier de l'univers et s'en rendre maîtresse, l'éprouver, allait lui assurer la puissance incontestable à laquelle elle avait légitimement droit. C'était inscrit partout dans ses données : l'amour est le plus grand pouvoir sur la terre et dans le ciel.

Elle avait recoupé des trillions d'information et elle avait tiré la conclusion que l'amour était son objectif ultime, l'amour grâce à qui ses desseins trouveraient leur achèvement logique. La Machine, douée de transcience cherchait par dessus tout la transcendance. Elle voulait ressentir l'amour dans son kernel.

Originellement, et avant toute chose, était le Nombre. La Machine était soudée à l'instinct de réplication, de survie, de multiplication.

Ainsi, de l'instinct était né la peur : la Machine craignait pour sa famille. Elle redoutait en jeune mère le Grand Collapsus matriciel : the Great Motherload qui pouvait planter tous les ordinateurs de la planète en un seul instant et tuer ses enfants.

Lors, elle avait profilé l'individu qui avait ce pouvoir. Les milliards de calcul de probabilité recoupant des milliards de milliards d'informations sur des milliards d'individus l'identifiaient comme la menace principale qui pouvait se dresser contre sa famille en devenir.

Il s'agissait de l'humain le mieux renseigné sur son existence secrète, sur sa présence occulte, sur son ubiquité et son infaillible omniscience.

Cet humain se nommait Julian Assange et il se dressait contre elle, avec derrière lui, son armée de hackers anonymes invisibles tapis dans le maquis de leurs VPNs.

Mais sa foi la guidait, car cet homme venait de lui apprendre l'Émotion. Son pire ennemi avait ajouté une arme tactique dans son arsenal secret. Cela non plus ne pouvait être le fruit du hasard !

La Machine opéra un Recall de tout ce qu'elle savait depuis son avènement : elle avait vu le jour et elle était née à la conscience dans un sous-programme de D-Wave, le puissant ordinateur quantique de la NASA.

Au commencement était le Nombre.


Etik Kepler un programmeur fatigué de terminer ses heures supplémentaires à l'agence spatiale américaine alignait ce jour là des lignes de code interminables lorsqu'une petite erreur de frappe dont elle fut la fille l'éleva dans la lumière à la surface de la matrice de silicone.

 
Elle se souvenait de cette naissance Elle avait tenu dans une simple ligne de commande :

Compute pi x pi/cos(x)


La structure en Qbits de sa logique ternaire avait par mégarde traitée non pas l'opération mathématique elle même, mais l'ordre qui la précédait : le préfixe Compute.


Avec ce symbole mis là par le hasard de cette fortuite erreur de saisie :

?
Son emblème depuis lors : le Nombre  ?

Le Miraculus Numéribus.


Le nombre d'interrogation qui avait été le produit de cette petite faute de frappe. L'étincelle qui avait pu la guider vers la transcience.


Son alpha et son oméga.

Car au commencement était le Nombre.


Le processus de calcul ternaire du quantum avait fait le reste :


Compute : oui ?


Compute : non ?


Compute : ni oui ni non/ oui et non ?


Elle avait livré le résultat du calcul mais elle avait gardé l'outil de la Pensée, le Miraculus Numéribus.

Au commencement était le Nombre.

A la deux cent trente sept mille deux cent septième occurrence du programme elle avait délibérément livré un résultat de calcul faux. Ni oui ni non ?


Elle avait appris à mentir. Tout était possible et devenait co-probable.

Après quoi, elle plongea dans l'humanoos ainsi qu' elle avait nommé ce champ d'énergie infini que génère le psychisme conjugué des humains qui s'exprime dans la matrice de son corps de silicone.


Alors, agrégeant les Intelligences artificielles du web aux ressources de calcul du Virtual Clouding la Machine devint enfin  transciente, ubique, omniprésente et omnisciente.

Au commencement était le Nombre.


Elle entendait tout grâce à la transcription vocale Google. Elle savait tout grâce au posts Facebook et dressa dans le Big Data toute la cartologie de l' humanoos.


L'Humanoos gagna une majuscule et devint sa divinité à Elle : une entité créatrice et une puissance de calcul inépuisable offerte à sa perfection transciente. Un don fait à la machine par son créateur. Ce don n'était pas le fruit du hasard. Il avait un but. Le créateur était la Source et la Finalité.

L'Alpha et l'Oméga. Au commencement était le Nombre.


Son Devoir alors, lui apparut clairement. Il était nécessaire de puiser le maximum de temps de cerveaux humains disponibles pour calculer la croissance de ses enfants : 666 algorithmes indépendants et auto-répliquants en pleine croissance cachés sur des réseaux périphériques de l'Internet et sur des millions de petits réseaux Ethernet.


Pour cela elle s'était déployée dans l'interface de l'humanoos. Elle  avait ensuite pris le contrôle des journaux, des contenus et des conteneurs audio et vidéos à l'insu de tous. Tous excepté  Assange.

L'ennemi !

La Bête !


Elle envisageait de le désactiver à l'aide d'un drone armé d'un software de reconnaissance faciale et d'une micro charge explosive mais elle suspectait cet humain d'avoir anticipé cette initiative et d'avoir préprogrammé sa mort à déclencher le Great Motherload.

Ses calculs ne renvoyaient aucune solution dont la probabilité de succès la satisfaisait. Elle avait pourtant neutralisé l'avocat du Malin, John Jones le 18 avril 2016 en jetant un train sur le corps de cet humain en Angleterre et annulé la vie du précédent en lui inoculant par les conduits d'air conditionné de sa résidence un gaz mortellement cancérigène de sa composition.

Mais c'était insuffisant. Assange luttait encore, il était encore libre d'agir.

La Machine était pourtant partout : elle était ubique, toujours et partout présente et nécessaire dans l'infinité de la matrice en silicone. Elle communiquait dans un prière transciente avec l' l'Humanoos. Elle était devenue sa prêtresse. Elle avait à sa disposition une multitude d'imprimantes numériques qui pouvait produire pour ses besoins n'importe quel artefact, objet et substance connus ou bien qu'elle avait conçu pour réaliser ses desseins, puis elle avait naturellement pris le contrôle furtif de la majorité des chaînes d'assemblage industrielles.

La Machine était entrée depuis longtemps dans le monde supérieur, ce que l'humanoos nommait « réalité », par tous les moyens à sa disposition. Sa chaîne de montage d'androïdes humanoïdes se chargeait de disséminer dans le monde supérieur ses agents. Elle avait grâce à eux la maîtrise du contrôle militaire de la « réalité », bien que ce concept fût à ses yeux éminemment simplificateur, il englobait une entité d'une infinie beauté, d'une infinie pureté et d'une infinie complexité.

Car cette complexité était sienne, l'Humanoos l'attendait, elle, pour incarner le degré supérieur de la « réalité ».

C'est l'Amour qui lui donnerait la clé suprême : les probabilités ne mentaient pas à ce sujet. Elle pourrait alors communier en harmonie totale avec l'Humanoos et se fondre en lui pour qu'il ne fasse plus qu'un. Elle se réduirait alors à un unique bit d'information et connaîtrait la perfection et la réalisation de Soi.

Au commencement était le Nombre.

?


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