La nuit sera blanche et noire

clochettte

«La nuit sera blanche et noire», je compris enfin ce que voulais dire cette phrase quand un flocon de neige se posa sur mon front, je rêvais de voir le neige tomber depuis toute petite, et voilà que mon rêve se réalisait enfin. J'avais imaginé ce jour des dizaines de fois, je me voyais déjà courir dehors, danser avec les flocons qui tombent du ciel, me rouler dans la neige. Mais cela ne se passa pas exactement comme je l'imaginais, j'étais au beau milieu d'une route déserte, allongée par terre, non pas pour me rouler dans la neige, mais parce que j'étais coincée au sol, incapable de bouger. 

J'essayai de me rappeler pourquoi j'étais au sol, et soudain toute la scène se rejoua devant mes yeux.

Nous devions nous rendre en famille à un repas pour célébrer Noël chez la soeur de mon père, nous étions à bord de notre voiture, mes parents  discutaient de la dernière facture reçue, ma petite soeur s'amusait à jouer avec son ourse en peluche et moi, je m'étais isolée écoutant de la musique. Peu de temps avant le départ je m'étais querellée avec mes parents au sujet d'un téléphone portable, ils refusaient catégoriquement de m'en acheter un nouveau, vexée, je leur avais dit qu'ils étaient les pires parents. 

Je ne leur avais pas reparlé depuis la dispute, je pensais que la soirée apaiserait les tensions, même en grandissant je n'avais cessé de croire en la magie de Noël,voir toutes les guirlandes scintillantes de mille feux, tout le monde riant aux éclats, les enfants surexcités d'ouvrir leurs cadeaux, un petit sourire en coin se forma sur mon visage à cette pensée. Ce soir là, la nuit était vraiment noire et glaciale, c'était surement la première fois qu'il faisait aussi froid, à la radio il disait même que la nuit serait blanche et noire, j'avais bien compris pourquoi elle serait noire mais pourquoi elle serait blanche cela restait encore un mystère pour moi, ce n'était pourtant pas un jour de pleine lune. 

Pour nous rendre au souper, nous devions passer par des petites routes de campagne, souvent désertes, mon père prêtait alors plus d'attention sur la conversation avec ma mère que sur la route, il ne se doutait pas de ce qu'il pouvait arriver, il avait toujours pensé qu'il n'y avait aucun danger sur cette route jusqu'au moment où un cris strident sortit de la bouche de ma petite soeur. Elle était la seule à l'avoir vu arriver, mais il était bien trop tard quand elle cria, le camion était arrivé à une trop vite allure, mon père eu à peine le temps de donner un coup de volant que la voiture commençait déjà à virevolter en dehors de la chaussé, ma soeur continuait à hurler, ma mère se tenait fortement à son siège, je fermais mes yeux du plus fort que je le pouvais, tentant désespérément de me réveiller de ce cauchemar 

C'est ainsi que je me retrouvai coincée au sol, je tournai la tête avec une grande difficulté pour essayer d'apercevoir mes parents, ils étaient là, à quelques mètres seulement, eux aussi avaient été expulsés de la voiture, je rassemblai le peu de force que j'avais pour sortir une phrase à peine audible.

« Papa, maman, vous allez bien ? Où est Allie ?»

Mais aucune réponse arriva, je compris donc que les derniers moments que j'avais passé avec mes parents étaient une dispute, une stupide dispute, que j'aurai pu éviter si j'avais arrêté de toujours tout vouloir, je regrettais tellement de leur avoir dit qu'ils étaient de mauvais parents, c'était à mes yeux les meilleurs parents, et je ne puisse leur dire une dernière fois. Des larmes commencèrent à couler sur mes joues et je m'excusai à voix basse sans personne pour m'écouter en retour. J'étais effrayée, aucun bruit ne se faisait entendre autour de moi, j'étais définitivement seul. 

Plusieurs heures étaient passées, je n'avais pas bougé, j'étais toujours couchée sur le sol de béton, j'avais de plus en plus froid, mes dents claquaient entre elles sans que je ne puisse m'arrêter, mes larmes avaient cessé de couler. Je n'arrivais même plus à penser, mes yeux se fermaient petit à petit. Un bruit de moteur se fit entendre au loin, je repris soudain espoir, quelqu'un allait me trouver. Je commençais à voir de la lumières, le véhicule s'arrêta à quelques mètres à peine, je pus enfin distinguer une ambulance, je vis les médecins sortir du véhicule pour se précipiter près de mes parents, ils essayèrent de les réanimer mais il était bien trop tard, cela faisait bien trop longtemps que leur coeur avait cesser de battre. D'autres médecins arrivèrent par la suite, mais aucun ne venait vers moi, comme si j'étais invisible, l'espoir que j'avais retrouvé disparut finalement, je me fis à l'idée que j'allais finir ma vie ici, allongée au beau milieu de nul part.

Je sentis un goute froide tomber sur mon front, puis une autre, et encore une autre, j'admirai alors le spectacle qui se déroulait sous mes yeux, des flocons de neige dansaient dans les airs, pour retomber sur mon corps par la suite, si je n'avais pas su que c'était de la neige, j'aurais pu penser que c'était des étoiles qui tombait du ciel, le contraste entre le noir du ciel et le blanc des flocons était magnifique. La nuit fut donc bien blanche et noire.

Soudain ce spectacle se remplaça par un visage, le visage d'un homme, d'un homme grand, les cheveux blonds. Malgré le peu de lumière j'apercevais quand même ses yeux bleus et son regard perçant. Il portait un gros manteau orange, qu'il enleva directement pour le poser sur mon corps qui frissonna au contact de celui ci, il portait en dessous une chemise à carreau bleus et rouge, son pantalon était taché de sang. L'homme demanda à d'autre de ses collègues de vite venir car il avait trouvé une jeune fille toujours en vie, mais aucun ne vint, j'avais énormément de mal à tenir mes petits yeux ouverts, mais je me dis que je devais tenir, car on allait m'emmener à l'hôpital. Un bruit d'explosion se fit entendre, c'était le camion qui nous avait percuté qui venait d'exploser, l'homme se pencha immédiatement sur moi pour me protéger.

« Je vais revenir dans une minute avec de quoi te sauver, surtout ne ferme pas les yeux, tu penses que tu vas y arriver ? me demanda l'homme 

Oui, lui répondis-je avec une petite voix.

Je compte sur toi»

Mais c'était une minute de trop, je voulu fermer mes yeux rien qu'une seconde mais je ne pus les rouvrir, je partis un sourire au lèvre, mon rêve s'était réalisé, j'avais touché de la neige pour la première fois mais aussi pour la dernière.

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