La paix

Arrive ce moment de lassitude, où elle ne veut plus du plongeon en soi. Les sombres remuements montés le long des tubulures noires et lisses n'ont plus l'heur de débusquer l'éphémère indocile, fragile mais limpide, qui s'enfuit vers le ciel sans affèterie ni artifice. Faut-il avoir eu une âme d'enfant, pour en espérer la résurgence ! Cependant, c'est enfant qu'elle gémit ses rêves fracassés. Elle n'en a plus de souvenirs, sinon d'un temps lointain, échappés d'une vie antérieure qui n'était pas la sienne, où elle pourrait croire qu'il fut, un temps, heureuse. Insouciante, sans doute. Joyeuse, peut-être. Heureuse… Elle glisse en ombre muette entre deux haies figées aux galons cramoisis, immobiles gardiens de sa langueur extrême, cachant son insatiable honte, protégeant sa faiblesse ; et ces arbustes secs, brûlés, s'allongent sous ses pas pour étirer leurs bras plus loin que le bout de la rue, que les limites de la ville, plus loin que son issue ultime, traçant ce chemin d'échec craquant qu'elle ne quittera plus. Que voudriez-vous pour elle ? Laissez-lui la paix.