La peur

Christian Lemoine

Comme une écharde dans l'échine, chair déchirée ou crâne en chamboule, la sueur en seule charité. En contrepoint, les chères idées de la déshérence, ce désir sublime enfoncé comme un coin, comme l'en-marge dégagée de toute jachère. Entre deux, la confusion. Et dans l'inconfort, des flagelles pernicieuses qui insinuent des effrois enflammés, des terreurs glaciales. En tout concours de circonstances vient s'immiscer le soupçon, la tyrannie d'une paranoïa sans fard ; les soubresauts d'une mémoire trop lucide réveillent les anciennes défaites et les esclandres cramoisis, pour les dérouler sous les pas fragiles en tapis de trahison. Trop lucide mémoire, et trop vaine. Est-ce moquerie, désinvolture ou ironie ? l'évocation des expériences ne stimule guère qu'une plus profonde syncope dans la partition écorchée. L'heure à venir s'y charge de déflagrations, de souffrances, de délires ; la chaîne des contingences emportant infailliblement vers la lèvre des abîmes où la raison bafouille, où la raison se noie, aspirant au secours d'une main, celle-là toujours un peu trop distante.
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