La proie idéale

aile68

Ce soir-là il avait sorti sa belle chemise du dimanche, dessous des peintures de guerre lui lézardaient sa poitrine de jeune rebelle. C'était un grand soir de gala, il allait séduire les filles, toutes les filles, il les lui fallait toutes pour assouvir son âme de loup affamé. Il avait à peine dix-huit ans mais dans sa tête il avait un siècle de légendes et de mythes anciens issus de son esprit révolté. Il s'était proclamé prince des prairies fouettées par le vent et la grêle, reniant le nom de feu son père. Sa mère, elle pleurait quand il s'en allait le soir sans rien dire, et qu'il revenait au petit jour, titubant comme un jeune faon sur la glace. Pour elle il n'était encore qu'un enfant, mais il voulait grandir vite, trop vite.

Il avait du succès avec les filles, les marrantes, les faciles, mais lui ce qu'il voulait c'était les jeunes pucelles pour mieux les corrompre, commettre des péchés véniels ne l'intéressait pas, lui ce qu'il voulait c'est être privé à jamais du paradis des sages, des conformistes, lui le marginal il avait pour dieux, les esprits des Indiens d'Amérique  du Nord, pour totem un animal sauvage et pour nom de guerre Asagaya Gigageï, le dieu du tonnerre des Cherokee.

Ce soir-là il avait jeté son dévolu sur une gentille fille arrivée presque par hasard à la soirée de gala, avec une cousine des plus délurées, au parler et au rire bruyants. C'était d'ailleurs grâce à cela qu'Asagaya remarqua la discrète jeune fille, prénommée Alisse, avec deux "s", ce qu'elle ne manquait pas de signaler malgré sa timidité presque maladive. Elle portait une robe simple qui recouvrait sagement sa modeste poitrine, la couleur vert pomme de sa tenue amusa le jeune homme. Convaincu qu'il ne ferait d'elle qu'une bouchée, il vit en Alisse la proie idéale...

(à suivre) 


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