La revanche

leo

Exercice n°28 : Rencontre du troisième type

Crée par Sophie D.A. WeLoveWords

Vous êtes une bactérie ! Clandestine, vous voyagez beaucoup et vite pour que l'on ne vous arrête pas. Intelligente, vous avez aussi un sens de l'humour diabolique : non contente de tuer, vous vous moquez. Imaginez être au chaud, comme au bistrot, dans un corps humain et rencontrer un autre envahisseur, un ver solitaire, auquel vous racontez comment vous vous êtes joué de l'Europe entière avec un concombre...Écrivez le récit acide de la bactérie à la PREMIÈRE PERSONNE sur un TON GOGUENARD et au PASSÉ, suivi de la réplique, LARMOYANTE, elle, du ver solitaire.

                                  ....................................

J'étais le must du procaryote, l’Iscariote par procuration comme avait dit Old Ténia. La trahison par excellence, ou comment l’élève dépassait le maître. Je m’en  allais retrouver ce vieux grigou. Il m’avait donné rendez vous dans un rade crasseux. L’intestin’s club, à l’angle d’estomac avenue et d’anus square, ou il végètait depuis des décennies.

Je repèrais sa queue bien en amont, il avait encore grandit, mais de façon presque insignifiante, signe extérieur de richesse en déclin. Je remontais jusqu’à la tête de ce qui constituait le cerveau à l’époque. LE professeur à la mode, celui que toute bactérie rêvait de voir figurer sur son CV.

Il en imposait l’ancien, pas un bacille ne volait lorsqu’il nous contait ces campagnes héroïques. Dans cette admiration monolithique, je dépareillais forcément. Je m’ennuyais ferme à écouter les histoires révolues d’un vieux tout mou, alors que l’avenir devait nous appartenir. Old Ténia m’avait pris en grippe, soit la maladie la plus minable qui soit à son époque ; c’est vous dire toute l’humiliation qu’il avait eu à cœur de m’infliger. Je courbais ma parois cellulaire lorsqu’il me prenait à témoin devant l’assemblée hilare : « Stéphane, vous n’irez pas loin dans la maladie, je n’ai jamais vu bactérie aussi ridicule… ».

C’était l’humiliation la plus terrible que de m’affubler d’un prénom humain. Mon nom est un peu long j’en convenais. Je me présente, je m’appelle Escherichia coli entérohémorragique. Et Old Ténia, se délectait de détailler sa pitoyable moquerie : « Le début de votre nom est formel : Escher comme le Stéphane qui sévit actuellement chez les humains, vous deviendrez  un has been avant même que d’avoir existé. ». Et de chantonner le titre phare « déjeuner en paix » afin de me faire comprendre que, malgré ma récalcitrante attitude, je ne pourrais m’empêcher de chanter à la gloire d’Old Ténia. C’était un ver plus solitaire que jamais, qui feignait la joie des retrouvailles :

 

-          Mon cher et brillant élève, quelle joie que de te retrouver !

 

-          T’enflamme pas Old Ténia, ma visite n’est pas d’ordre courtoise. je voulais juste m’assurer que tu étais aussi aux abois, que ton invitation de suce nutriments, me le laissait présager…ben dis donc, tu dois sacrément avoir la dalle !

 

-          Ingrat ! Comment peux-tu me manquer autant de respect, si tu en est là c’est bien grâce à moi, non ? Si je ne t’avais pas raillé de la sorte tu ne te serais pas surpassé ! 

 

-          Mais regarde-toi pauvre larve ! Qui souhaiterait te ressembler ? Même ton hôte ignore ton existence ! Tu n’es que l’ombre de ses excréments. Alors que moi je suis LA bactérie que l’on invite à tous les plateaux TV ! Tu as eu ton heure de gloire du temps de la TSF, laisse faire les pros maintenant !  

 

-         N'as tu pas finis de me malmener ? Comment peut-on comparer nos deux époques...

 

-          N’essaierais-tu pas de parasiter ma réussite, toi, l’éradiqué d’Europe. Tu as eu beau monter en selle preux chevalier, n’empêche qu’il ne restera bientôt plus qu’à tirer la chasse. La viande mal cuite c’est dépassé comme méthode, de toute manière la plupart d’entre eux ne pourront bientôt plus s’en payer. Le temps est effectivement à la mobilité. On parle tellement de moi et j’ai été tellement vite à me proliférer, que l’on m’a même surnommé Buzz l’éclair…

 

-          N’empêche que la viande mal cuite, c’était un bon créneau, la belle époque…

 

-          Et aujourd’hui papy, c’est le concombre ! Régime minceur à tous les étages, pour sûr c’est très efficace, ma formule fait des émules, je supplante Dukan et toi, tu n’es plus que l’ombre de Ducon…

 

-          Ça te vas bien de fanfaronner alors que je suis dans la mouise jusqu’au cou, tu mériterais une correction…

 

-          Ose seulement lever la moindre ventouse sur moi ! De toute manière tu es déjà fini, tu n’as pas reçu mon message ?

 

-          Mais bon sang quel message ?

 

-          Tu sembles ignorer que l’on communique à l’extérieur par e-mail, enfin bref, moi je viens de te livrer mon E. coli O104. Je viens de produire une toxine qui détruit les parois des vaisseaux sanguins, donc autant te dire que ton hôte est condamné…

 

-          Pitié nonnn ! Je t’en supplie ne fais pas ça ! A mon âge, finir Sans Humain Fixe, sans plus rien à becqueter, le froid, je n’y survivrais pas…

 

-          Bon écoutes, ce n’est pas que je m’ennuis dans le rôle du vermifuge mais j’ai du corps sur la planche. Le secret de la réussite aujourd’hui, c’est de diversifier son offre. De  cul cul la praline aux cucurbitacées, y’avait qu’un pas. Un nouveau concept de prolifération m’attend : les masques de concombre. Là, tu vois par exemple, je vise un nouveau plan marketing pour Matel : après Barbie diarrhée rouge, je propose Barbie myxomatose, ça va faire un ravage…

 

-          Et moi dans tout ça ?

 

-          Ben toi tu n’as qu’à leur proposer une variante de  ken ! Tiens par exemple : Ken  le divorcé. Celui qui s’est tout fait bouffé de l’intérieur sans même le voir venir…c’est très tendance !

Signaler ce texte