Lady Mystery

Christian Lemoine

Là où elle nage, on ne devine pas les agitations des surfaces, les remous, les longues ondulations des houles. C’est comme une aura liquide, convaincue de tranquillité par les mouvements lents, les courbes harmonieuses d’un fuseau découpant de son ombre l’ombre du soleil, là-haut en surface, dispersé en kaléidoscope, tesselles de lumière scintillant sur la danse des clapotis, sous le plafond aux lumières changeantes, troublant les atmosphères pour les glisser du bleu limpide à l’outremer profond jusqu’à l’obscurité des pressions extrêmes. Ce ciel sans jamais d’étoiles, trop enveloppées par l’épiderme flottant. Dans cette ombre de profondeur, cette autre ombre calme et souveraine trace dans une même arabesque la souplesse du félin et l’angoisse du prédateur. Tigre de feu rodant entre les eaux indifférentes, lionne solaire à l’aplomb des grands fonds, où le nadir perd l’axe primordial des planètes. Lady Mystery. Un nageur t’a offerte au monde, emportant le miracle de ta rencontre au fil de son émoi. Transporté par ta grâce, il t’a portée en gloire sans rien soustraire à ta liberté. Sans doute ignores-tu comment la nimbe de ta silhouette peut enflammer les âmes d’enfant. Lady Mystery. N’être au bord de ton corps accoré qu’une laminaire volant à ta suite, guère plus qu’une algue subjuguée, heureuse de se savoir un instant en ton orbe, reconnaissante de se croire acceptée. Là où tu vas, il est dans ton voyage des échos lancinants que tu ne sais pas, comme le son profond de la cloche marine rappelant aux vivants que dans les profondeurs ignorées, quelqu’un t’a approchée et soupire à espérer être repris une fois de plus en ton sillage.
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