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Gilles de Rais Gilles de Retz 1405 - 1440

Gilles de Montmorency-Laval, plus connu sous le nom de Gilles de Rais -ou Gilles de Retz, en référence à son titre de baron de Retz -sud-ouest département Loire-Atlantique

est né à une date inconnue (au plus tôt, durant l'année 1405), au château de Champtocé-sur-Loire -Maine- et-Loire

mort le 26 octobre 1440, à Nantes, âgé de 35 ans

chevalier et seigneur de Bretagne, d'Anjou, du Poitou, du Maine et de l'Angoumois.



*



XIIe siècle. Geoffroy IV de Thouars 1125-1173 et Aénor de Lusignan 1130-1155 font bâtir le château de Tiffauges -Vendée.

Le château de Tiffauges, aux confins des marches séparant le royaume de France de la Bretagne.



Février 1404. Marie de Craon 1387-1415 s'unit à Guy II de Laval « sire de Rais ». Le couple s'installe au château de Machecoul -Loire-Atlantique.



1405. Naissance de Gilles de Montmorency-Laval, baron de Retz, dit Gilles de Rais. Il est issu d'une noble famille angevine, petit-neveu de Bertrand du Guesclin, connétable de France et de Castille Dinan, 1320-Châteauneuf-de-Randon, 1380.



Fils aîné. Par sa mère, il se rattache à la maison de Craon, riche famille de l'Ouest

Par son père aux Laval, l'un des deux plus importants lignages bretons au XVe siècle. Les Laval comptent parmi leurs ancêtres, par alliance, les barons de Retz — « doyens des barons du duché de Bretagne » —, ainsi que la prestigieuse maison de Montmorency -quoique affaiblie provisoirement à cette époque.



Rais possède trente-six châteaux, dont le principal est Machecoul, au sud de Nantes. Onze tours forment la forteresse d'origine. Le châtelet d'entrée, sur le côté, donne sur le bourg, précédé par un pont-levis -large fossé. Ses domaines sont immenses.

Le site est un acteur important de l'histoire du pays de Retz et de l'histoire de France. Depuis la période romaine : sa situation dans les Marches de Bretagne et Poitou, son positionnement pour la maîtrise de la gestion de l'eau et le commerce du sel, entre la Loire et la baie de Bourgneuf-en-Retz.



"Le jeune seigneur de Rais reçoit une éducation soignée, au sein de sa famille, ainsi qu'à la cour des ducs de Bretagne ; sous les yeux de son père, ses commencements sont bons et nourrissent pour lui, de belles espérances."



La vie de l'adolescent prend une autre tournure. En 1415, Gilles et son frère René de Rais/de la Suze 1414-1473 deviennent orphelins, lorsque leurs parents meurent subitement.

Les enfants sont élevés par leur grand-père maternel, Jean de Craon 1356-1432. Ce dernier leur donne une éducation déplorable. Jean de Craon est violent, sans scrupules. Il se montre en exemple : Rais est libre d'agir à sa guise, il est au-dessus des lois.

Rais signe « Gilles », tel un prince -appartenant à la famille souveraine-, alors qu'il est seigneur -vassal, possesseur d'un fief.



La fortune de Rais est colossale. Aîné, il hérite de la fortune familiale à ses seize ans.

Par mariage, il reçoit de nombreux fiefs en Bretagne, Maine, Anjou et Poitou.

Les terres sont réparties sur six ou sept provinces différentes, entre Manche et Garonne.



30 novembre 1420. Rais épouse à quinze ans un beau parti, sa cousine Catherine de Thouars. Fille de Miles II de Thouars -décédé en 1423 et de Béatrice de Montjean.

Rais devient le maître de Tiffauges en 1422 -le château est la dot de Catherine. Vendée, entre Nantes et Cholet. Tour carrée massive en entrée. Large chemin, accès à la voûte surplombée par le blason de Gilles de Rais : croix noire sur fond jaune, (bordure) lys jaunes sur fond bleu.

D'or à la croix de sable (Rais) à l'orle de France, d'azur semé de fleurs de lis d'or (depuis septembre 1429).



1419. Rais a quinze ans. Tempérament brutal.

Actif durant la seconde phase de la guerre de Cent Ans qui mêle conflit contre le royaume d'Angleterre et guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons, Rais se rallie au camp du roi Charles VII et du grand chambellan Georges Ier de La Trémoille.

Il se lance dans une carrière militaire, d'abord sous les couleurs bretonnes puis rapidement, sous la bannière du roi de France -Charles VII, roi en 1422. Fils de Charles VI "le Fou", en raison de ses crises de démence.

Il a 25 ans, il s'illustre au siège d'Orléans 1428-1429, aux côtés de Jeanne d'Arc 1412-1431 -Jeanne a 17 ans. (Relations mal connues) Il est à ses côtés à Chinon, Poitiers, Blois, Orléans, Jargeau, Meung, ... Il ne la quitte plus, jusqu'à sa capture par les Bourguignons (23 mai 1430) et sa vente aux Anglais.



Il se jette dans les batailles et les guerres en ces temps troubles. Il fait preuve de courage et de bravoure, il mène les assauts en tête.

Capitaine cruel, sanguinaire, à la tête d'une « bande d'écorcheurs ». Ainsi que les compagnons d'armes de Jeanne, La Hire 1390-1443 : "un pillage sans incendie, c'est comme une andouillette sans moutarde". Georges Ier de la Trémoille 1386-1446 ou Jean II d'Alençon, le « gentil duc » 1409-1476.



Gilles de Rais possède la plus grosse fortune de France. Il prête de l'argent à Charles VII, "le petit roi de Bourges".

1425, une nouvelle campagne contre les Anglais est lancée. Gilles de Rais lève à ses frais, cinq compagnies -500 hommes de guerre -des mercenaires- grassement payés par le seigneur de Tiffauges. Les résultats militaires sont là.



Rais, "Un brigand qui harcèle ses voisins. Un homme violent. Il dépense une fortune pour entretenir ses hommes de guerre, pour mener aussi un fastueux train de vie. Il se ruine en partie pour commémorer la libération d'Orléans. Il finance le Mystère du siège d'Orléans."

Pièce de théâtre religieux. Elle met en scène le siège d'Orléans par les Anglais en 1428-1429 et la levée de ce siège par l'intervention victorieuse de Jeanne d'Arc.



Les succès sont faciles, font des jaloux. Le doute s'installe.

Gilles de Rais conduit lui-même ses troupes à l'attaque. il infiltre des espions dans les armées anglaises et même françaises, qu'il paye au prix fort. Son autorité est considérable. Il est impassible, sans pitié. Terrible guerre de Cent Ans, dynastie des Plantagenêt d'Angleterre, contre dynastie des Valois de France.

En réalité, suite de guerres, entrecoupée de trêves plus ou moins longues. 116 ans,

de 1337 -Edouard III d'Angleterre revendique la couronne de France

à 1453 -bataille de Castillon, victoire des Français contre les Anglais.

Tuer l'ennemi. Pas de prisonniers dans les hommes de troupe, les soldats qui se rendent sont pendus sur place. 12 février 1429, Journée des Harengs, bataille de Rouvray-Saint-Denis (Eure-et-Loir) : les troupes françaises attaquent les chariots de ravitaillement que les Anglais destinent à la population d'Orléans assiégée, affamée.



Le 17 juillet 1429, le jour du sacre de Charles VII à Reims, Rais est fait maréchal de France -à 25 ans, le plus jeune maréchal de France- pour avoir combattu bravement aux côtés de Jeanne d'Arc et lever le siège d'Orléans. Jeanne monte à l'assaut des défenses anglaises. Les soldats épuisés reprennent confiance. Dans la nuit du 7 au 8 mai 1429, les Anglais déguerpissent. Brexit avant l'heure.

Orléans. L'évènement a un retentissement considérable en Europe : le contraste est saisissant entre la lenteur du siège et la vitesse à laquelle il est levé, dès l'intervention de Jeanne. Un miracle, pour les contemporains. Du côté français, du côté anglais, la propagande fait rage.



Sacre de Charles VII à Reims.

L'onction du roi par les saintes huiles, le Saint Chrême. La Sainte Ampoule est conservée en l'abbaye de Saint-Remi, qui jouxte la cathédrale. En tunique bleue, Le maréchal Gilles de Rais fait partie de l'escorte. Au retour, les cavaliers remontent à cheval à l'intérieur de la nef de la cathédrale. Charles VII place Jeanne à sa droite et le maréchal Gilles de Rais, à sa gauche.

Le roi leur accorde un rare privilège, il donne à Jeanne et Rais le droit de faire figurer sur leurs blasons respectifs, les armoiries royales.

Pour Jeanne (?) Une épée, la pointe en haut, portant une couronne et flanquée de deux fleurs de lys ; d'azur à une épée d'argent garnie d'or mise en pal et férue dans une couronne royale du même, accostée de deux fleurs de lys aussi d'or.



1429. Son épouse Catherine de Thouars lui donne une fille, Marie.

Catherine de Thouars donne à son époux une fille unique, Marie de Rais (vers 1433 ou 1434 - 1er novembre 1457). Elle se mariera à l'amiral Prigent de Coëtivy puis au maréchal André de Lohéac, et succédera à son père en tant que baronne de Retz.



Rais est au sommet de sa gloire.



*



Hiver 1430, Jeanne s'ennuie à la cour du roi Charles VII. Elle est venue pour bouter les Anglais hors de France. Le roi lui a retiré le commandement des troupes qu'il lui avait confiées.

Les hommes qui l'ont soutenue -de La Trémoille, rôle ambigu- ourdissent un complot.

Dans un contexte de jalousie qui monte à son égard, Jeanne commet l'irréparable, désobéir au roi. Elle part se battre contre les bandes d'écorcheurs.

Ses compagnons d'armes félons vont se plaindre au roi : ils ont des preuves, « Jeanne est devenue orgueilleuse ».

Durant le siège de Compiègne à Margny-lès-Compiègne, Jeanne d'Arc tombe de cheval. Elle se rend, est faite prisonnière par les Bourguignons, le 23 mai 1430.

Elle est emprisonnée à Rouen. Rais veut la libérer. Le roi Charles VII s'y oppose. Il ne souhaite pas la guerre, mais négocier. Conseiller par de La Trémoille, le roi refuse de payer la rançon demandée pour sa libération.



Jeanne essaie plusieurs fois de s'évader -une tentative de suicide ? Ses geôliers lui font peur avec un simulacre d'exécution. Elle signe un document -accepter de se rhabiller en femme. Elle renonce -tentative de viol ? Vol de ses vêtements de femme ?

30 mai 1431. Procès inique, l'ordonnateur est Pierre Cauchon, l'évêque de Beauvais Reims, 1371-Rouen, 1442. Proche des Bourguignons, pion des Anglais.



« Sur l'amour ou la haine que Dieu porte aux Anglais, je n'en sais rien, mais je suis convaincue qu'ils seront boutés hors de France, exceptés ceux qui mourront sur cette terre. »

15 mars 1431. Jeanne d'Arc à son procès



Jeanne est déclarée hérétique, schismatique, devineresse et menteuse. Apostate non sincère, elle est brûlée vive à Rouen -non étranglée préalablement par le bourreau-, sur la place du Vieux-Moulin. Elle a 19 ans.

Le cardinal de Winchester insiste pour qu'il ne reste rien de son corps. Éviter le culte posthume de la « Pucelle ». Il ordonne trois crémations successives.

Des cendres, des débris osseux sont dispersés, à quinze heures, par le bourreau de Rouen, Geoffroy Thérage, dans la Seine.



« Nous sommes perdus, nous avons brûlé une sainte. »



Secrétaire du roi d'Angleterre, après l'exécution de Jeanne, Rouen, 30 mai 1431



Janvier 1429 à Domrémy (Vosges, entrevue avec Robert de Baudricourt) à mai 1431, environ deux ans et demi. Fulgurant passage dans l'Histoire.



Le duc de Bedford, régent anglais, fait couronner en hâte Henri VI d'Angleterre à Paris, le 16 décembre 1431.

Trop tard : les Anglais sont perçus comme des occupants, les soulèvements se multiplient. La situation politique et militaire des Anglais se dégrade. De fait, depuis le traité de Troyes -21 mai 1420, ils sont loin de contrôler physiquement le territoire qui leur a été assigné. Ils n'occupent qu'en partie la Picardie et la Champagne. Ils ne contrôlent qu'imparfaitement l'Île-de-France : les partisans de Charles VII tiennent encore plusieurs places fortes et se cachent dans les forêts du Hurepoix.

Vingt ans plus tard, la guerre de Cent Ans prend fin à Castillon, le 17 juillet 1453.



*



1431. Rais s'illustre encore en tant que maréchal de France, notamment au siège de Lagny-sur-Marne.

Rais a 28 ans. Il bascule. Croyant, il se laisse entraîner dans des messes noires, des offrandes aux diables. Son entourage de charlatans l'encourage.

1432-1440, huit années à la dérive.



Jean de Craon meurt le 15 novembre 1432, Rais hérite de la fortune de son grand-père. Baron le plus riche de France, sa vie est luxueuse. Il possède trente-six châteaux, quarante fiefs dans l'Ouest, de Pornic (Loire-Atlantique) à Angers (Maine-et-Loire). Une seule seigneurie comporte parfois un ensemble de terres, jusqu'à des milliers d'hectares.

Sa soif de reconnaissance est insatiable, il dilapide son immense fortune. Il se retire sur ses terres de Machecoul et Tiffauges, près de Nantes. Il étale sa magnificence, monte des pièces de théâtre, décors et costumes dispendieux. Succès, fastes, Rais est admiré.



1433. Disgrâce de son cousin, Georges de La Trémoille.

En septembre 1428, Georges de La Trémoille provoque la disgrâce du connétable Arthur de Richemont.

1433, de La Trémoille est enlevé par le connétable de Richemont qui l'emprisonne au château de Montrésor (Indre-et-Loire). Charles VII n'intervient pas. Richemont retrouve sa charge de connétable.



Magie noire, sorcellerie et alchimie. Transformer le mercure en or. Rais étudie en cachette les sciences occultes. Il est crédule, s'entoure de mages escrocs. Rais dit sentir la présence du Diable.

1432. Rais, crimes en série.



Recherche de la pierre philosophale et adoration du diable. Rais a deux complices,

Francesco Prelati, piémontais, prêtre et alchimiste italien. Âgé d'une vingtaine d'années, né en 1414. Il étudie la poésie, la géomancie. Prelati est installé luxueusement, pourvu des appareils requis par ses expériences

Eustache Blanchet, prêtre malouin défroqué. Confesseur de Rais. Il a amené Prelati de Florence à Tiffauges.



Des rabatteurs, pourvoyeurs de chair fraîche, écument les campagnes.

Henriet Griart et Étienne Corillaut "Poitou".

Gilles de Sillé -il échappe au châtiment ?- et Roger de Bricqueville -lettres de grâce accordé par le roi Charles VII. Cousins et amis, écuyers de Rais.

Les rumeurs enflent dans la contrée.



Rais est accusé par sa famille, par son frère cadet René de La Suze, de dilapider le patrimoine dynastique. Complot familial pour s'accaparer ses biens ? Rais aliène ses terres au plus offrant, afin de pallier ses dépenses. Accusé de sorcellerie.

2 juillet 1435. Le roi Charles VII met Rais sous interdit. Rais est déclaré prodigue, la vente de ses biens lui est interdite.



Rais jouit d'environ 50 000 livres tournois de revenus annuels, l'équivalent de 194 kg d'or fin -2,5 millions d'euros actuels.

Il entretient une nombreuse troupe

une maison pléthorique -personnel à son service

une compagnie théâtrale

une chapelle de chantres -chœur et orchestre.

Dès le milieu des années 1430, Rais est dans une situation financière désespérée. Il vend domaines et seigneuries.



L'alchimie, passion onéreuse. Tolérée par l'Église catholique, percer les secrets de la transmutation des métaux -transmuter le mercure en or- mais surveillée.



Pour surmonter ses revers de fortune, Rais se passionne pour le satanisme. Satan et ses séides Barron, Oriens, Belzébuth, Bélial.

Rais croule sous les dettes. Il est humilié par son frère et ses cousins.



D'après un alchimiste italien, les organes des jeunes enfants permettent la transmutation des métaux.



Dans les campagnes environnantes, autour des demeures du baron, des femmes, des enfants -garçons et filles- disparaissent. La justice ecclésiastique ouvre une enquête.



15 ou 16 mai 1440. Rais tente de récupérer par la force le château et les terres de Saint-Etienne-de-Mer-Morte, qu'il a cédés en 1434 à Geoffroy Le Ferron, trésorier du duc Jean V de Bretagne. Geoffroy a confié ses terres à son frère Jean, un clerc.

Rais tire l'épée. Il menace, moleste le prêtre Jean Le Ferron, qui dit la messe dans l'église de Saint-Étienne-de-Mer-Morte. Profanation d'un sanctuaire. Rais saisit le château local, viole les immunités ecclésiastiques, porte atteinte à la majesté de son suzerain, le duc Jean V de Bretagne.



15 septembre 1440. Rais est arrêté dans son château de Machecoul par Jean Labbé, capitaine d'armes au service du duc de Bretagne. Accusé de crime de lèse-majesté envers l'Église. Il est conduit dans le duché de Bretagne. Avec ses deux complices, Henriet Griart et Étienne Corillaut "Poitou".



Rais enterre une partie de son trésor dans les environs de son château de Tiffauges ?



Rais est déféré devant la haute cour de Bretagne, à Nantes. Cour séculière -clercs qui vivent dans le siècle et non dans une communauté religieuse-, présidée par Pierre de L'Hospital, chancelier de Bretagne.



19 septembre 1440 Le procès de Gilles de Rais s'ouvre au château ducal de Nantes.

Double procès, religieux et civil. Le tribunal religieux siège dans la Tour Neuve du château ducal. Tribunal civil, au château du Bouffay, en face de la Loire.

Les pièces sont conservées aux archives de Nantes. Les « minutes » de procès du seigneur de Retz. Document de 300 pages, écrit en vieux français.



Octobre 1440, Rais est jugé par l'officialité de Nantes pour hérésie, sodomie et meurtres de « cent quarante enfants, ou plus ».



Les aveux d'Henriet et Poitou sont lus à Rais. Il est interrogé par Pierre de l'Hospital et l'évêque de Saint-Brieuc, Jean Prégent.



Une quarantaine de personnes témoignent.

Le duc Jean V de Bretagne et Jean de Malestroit, l'évêque de Nantes ont des intérêts matériels dans l'affaire. Cependant une large partie des terres de Gilles de Rais reviendront à ses héritiers et non, aux ducs de Bretagne.

Jean V de Bretagne va éliminer un remuant vassal.



... disparus...

Le fils de Guillaume Brice, de Saint-Etienne-de-Montluc, Jamet. Le père a envoyé mendier son « très bel fils », âgé de 10 ans, près de Machecoul

Le fils de Jean Bernart, de Port-Launay, envoyé mendier à Machecoul

Le fils de Georges Le Barbier, pâtissier de Machecoul, 15 ans, envoyé cueillir des pommes pour confectionner des tartes

Un enfant de 8 ans. Ses parents, les Sergent, sont allés bêcher au champ et l'ont laissé seul

Aysée, 10 ans, venu mendier à Machecoul. Le sire de Rais résidait en son château

...



Les enfants sont

des jeunes issus de familles pauvres, envoyés faire l'aumône autour des châteaux de Rais

des enfants engagés par Rais, en tant que pages

des enfants, achetés par les sbires de Rais, à leurs parents pauvres

des enfants enlevés par les gens de Rais. Dont la Meffraie, une « vieille qu'on ne connaissait pas, avec une robe grise et chaperon noir. » Une vieille femme, qu'on appelait la Meffraie, parcourt les campagnes, les landes ; elle approche des enfants qui gardent les bêtes ou qui mendient, elle les flatte et les caresse, mais toujours en se tenant le visage à moitié caché d'une étamine noire ; elle les attire jusqu'au château du sire de Retz, et on ne les revoit plus.



En première audience, Rais comparaît, de blanc vêtu. Arrogant, serein. Un devin lui a prédit qu'il se repentira de ses actes et finira sa vie, moine dans un monastère.

« Messire, je vous prie d'expédier vivement mon affaire et de me renvoyer en hâte, car j'ai grand presse de me consacrer au service de Dieu, qui m'a remis de mes péchés. »

Il nie ce qu'on lui reproche.



13 octobre 1440. les interrogatoires de témoins et plaignants sont achevés, l'acte d'accusation est lu à Rais.



Le document comporte quarante-neuf chefs d'accusation, répartis en trois catégories :

crimes sur enfants

crime de magie et sorcellerie

crime de lèse-majesté divine.



Rais injurie le tribunal. Il menace d'en appeler à la justice du roi.

Il est excommunié -pour lui, la pire des sentences. Il se calme.



16 octobre 1440. Les juges entendent Francesco Prelati et Eustache Blanchet, deux complices de Rais. Ils dénoncent les orgies, tortures, crimes de leur maître.

A Tiffauges, des sacrifices démoniaques. La main et le cœur d'un enfant, dans un vase de verre, sur la cheminée.

« Une poudre qu'on disait être d'enfants et une chemise sanglante. »



21 octobre 1440. Rais va être soumis à la question. Il panique, demande du temps.



Il négocie. 22 octobre 1440. En échange de la levée de l'excommunication, il avoue « volontairement, librement et douloureusement. »

« Il n'est personne au monde qui sache et qui puisse même comprendre ce que j'ai fait dans ma vie : il n'est personne qui, en la planète, puisse ainsi faire »



Ses crimes remontent à 1432, à la mort de son grand-père, Jean de Craon, seigneur de la Suze. 15 novembre 1432. Rais a 28 ans.

Il commet ses crimes « suivant son imagination, et sa pensée, sans le conseil de personne, et selon son propre sens, seulement pour son plaisir et sa délectation charnelle. »



Les preuves sont accablantes. Rais avoue. Aussi ses complices, Francesco Prelati,...



Rais tient son imagination débordante, de ses lectures. Des livres d'Histoire, sur l'Empire romain…

"Cette idée diabolique me vint il y a huit ans, année où mourut le sire de Suze, mon parent. Me trouvant alors par hasard dans la bibliothèque de son château, je trouvai un livre latin sur la vie et les mœurs des empereurs romains, écrit par le savant historien Suétone. Ce dit livre était orné de gravures fort bien peintes, montrant les coutumes de ces princes païens. Je lus dans ce beau livre d'histoire que Tibère, Caligula et autres Césars, jouaient avec des enfants et prenaient un plaisir singulier à les martyriser. Là-dessus, je décidai d'imiter les dits Césars, et le même soir, je commençai à le faire en suivant les images reproduites dans le livre..."



Les aveux sont insoutenables : Jean de Malestroit, l'évêque de Nantes, fait voiler de noir, le crucifix accroché au mur.

Rais viole avant de torturer puis égorger ou dépecer de ses mains, les enfants. Il insiste pour que ses acolytes assistent à ces séances.

Il a « plus de plaisir au meurtre des enfants, à voir séparer leurs têtes et leurs membres, à les voir languir et à voir leur sang, qu'à les connaître charnellement (…) ».

Lorsqu'à la fin les enfants reposent morts, il les embrasse, « et ceux qui avaient les plus belles têtes et les plus beaux membres, il les donne à contempler, et il fait cruellement ouvrir leurs corps et se délecte de la vue de leurs organes intérieurs. »



Rais « prit et tua, non pas seulement dix, ni vingt, mais trente, quarante, cinquante, cent, deux-cents enfants. »

Les valets Henriet Griart et Étienne Corillaut « Poitou » avouent avoir enlevé plus de soixante jeunes victimes.



Pierre de l'Hospital, président de la cour séculière et juge universel de Bretagne lui demande pourquoi il a commis ces crimes.

Rais : « Mais, enfin, je vous ai dit suffisamment de choses pour faire mourir 10 000 hommes. »

Le juge répète sa question. « Vous vous torturez, vous me torturez. »

« Tout cela venait de ma tête, de ma volonté »

« Ma planète me porte à agir ainsi. »

Rais assume : il n'est influencé par aucune force maléfique, aucune voix intérieure.



Rais écrit au duc de Bretagne :

« Il est bien vrai que je suis pécheur, et de tous les pécheurs le plus détestable, ayant péché de corps et d'âme en maintes et maintes occurrences, mais à vérité est aussi que je n'ai jamais manqué à mes devoirs de religion, entendant forces messes et oraisons, confessant et déplorant les péchés que nature m'avait fait commettre, et recevant dévotement le sang de notre Seigneur tout le moins une fois l'an, je vous prie mon cousin que vous me donniez licence de me retirer dans un couvent... »



25 octobre 1440. La cour prononce le jugement.

49 chefs d'accusation. Rais est condamné pour le crime de lèse-majesté contre l'Église et le duc de Bretagne. 

Simultanément, Rais est condamné à la pendaison et au bûcher par la cour séculière nantaise pour son coup de force à Saint-Étienne-de-Mer-Morte, ainsi que pour les crimes commis sur « plusieurs enfants », sans précision de leur nombre.

Il est excommunié pour « apostasie hérétique […] évocation des démons […] crime et vice contre nature avec des enfants de l'un et de l'autre sexe selon la pratique sodomite ».



Rais et ses deux valets Henriet Griart et Étienne Corillaut dit « Poitou » sont condamnés au bûcher. Le tribunal accorde trois faveurs à Rais, qui confesse ses crimes et se repent. Il évite le bûcher, et obtient le droit à une sépulture.

Il sera exécuté avant ses deux complices ;

Son corps ne sera pas entièrement brûlé, afin que sa famille puisse l'inhumer ;

Sa famille pourra organiser une procession religieuse.



Rais se réfugie dans la prière.



Blanchet, le prêtre défroqué, est relaxé.

Prelati est condamné à la prison à vie. Il échappe à la prison, est reçu à la cour du roi René d'Anjou, avec son ancien complice Blanchet. En 1445, il est reconnu coupable de détournements de fonds et pendu.

La Meffraie sort de prison, pour marcher vers la potence.



26 octobre 1440, prairie de l'île de Biesse. Rais marche à l'échafaud. Cortège de prêtres et de clercs, les condamnés au milieu.

Le maréchal est placé entre Henriet et Poitou, qui lui baisent les mains. Ils marchent avec calme et fermeté. Ils chantent le psaume « De Profundis ».

« Des profondeurs, je crie vers Toi, Seigneur. »

Le peuple et les religieux chantent à haute voix, ainsi que les bourreaux. Rais engage ses deux complices à bien mourir et leur promet le Paradis.



La foule est dense.



Rais, en larmes, se confesse, demande pardon, implore la foule de veiller à bien élever leurs enfants.



Au moment d'être exécuté, Rais adresse une dernière prière à Dieu. Il demande le pardon, puis s'adresse à la foule : "Je suis votre frère à tous et je suis chrétien. Je vous demande, même à ceux dont j'ai tué naguère les enfants innocents, de prier pour moi."

La foule prie pour le salut de l'âme de Rais.



En raison de son statut et de ses faits d'armes, Rais -35 ans- est discrètement étranglé, avant d'être pendu. Son corps est brûlé le lendemain. A Rouen, le 30 mai 1431, neuf ans plus tôt, Jeanne d'Arc -19 ans- a été brûlée vive.



*



Des parents fouettent leurs fils, afin qu'ils se souviennent de ces crimes sanglants et de leur terrible punition.

Des dames de haute lignée retirent le corps encore intact des flammes, pour l'inhumer dans l'église du couvent Notre-Dame des Carmes, à Nantes. Rais reposa auprès des ducs de Bretagne jusqu'à la Révolution -destruction du monastère.

Le lieu du supplice se transforme en lieu de pèlerinage pour les nourrices qui veulent avoir du lait.



Après la mort de Rais le 26 octobre 1440, sa veuve Catherine de Thouars, se remarie le 14 janvier 1441 avec Jean II de Vendôme, vidame de Chartres.

Le frère de Rais, René (1414-30 octobre 1473), hérite des biens de la fille unique de Gilles, Marie, morte en 1473 sans enfant.



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XIXe siècle. Le personnage de Barbe Bleue est associé à la personnalité de Gilles de Rais.



1889. Salle basse du château de Tiffauges, Barbe Bleue commet des crimes épouvantables. Un archéologue découvre une oubliette qui contient des têtes et des ossements.



XXe siècle. Dans les résidences de Rais sont mis au jour

les restes de 80 corps, au château de Machecoul

46 restes humains, dans le château de Champtocé

autant dans le château de Tiffauges

ainsi que dans l'hôtel particulier de Rais, à Nantes. Paroisse Notre-Dame, hôtel de la Suze.



2018. Sur les 36 châteaux possédés par Gilles de Rais, deux au moins -Tiffauges et Machecoul- proposent des animations autour de son histoire, Jeanne d'Arc, la guerre de Cent Ans.



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