L'arbitre au vestiaire

Jean Claude Blanc

l'éternel homme en noir seul face à des hordes de supporters et de footeux écervelés mais bien payés

                 L'arbitre… au vestiaire !

De politique, gavés, on encaisse dividendes

Il n'est guère mieux loti, le foot de notre enfance

Si l'arbitre siffle pénalty, on se venge sur lui

Les bipèdes manchots, petit pois leur l'esprit

 

Médiateur consciencieux, pour maintenir la paix

C'est la guerre dans le stade, sur le pré, indignés

Chacun a sa couleur, vernie à pas salir

L'homme en noir au milieu, les hordes doit subir

 

Les règles sont bafouées, supporters enragés

On guise de fair-play, lui font des pieds de nez

Dans leurs godasses ferrées, les frappes écervelées

Poursuivent un ballon, impossible à shooter

 

On a beau répéter, que le jeu est truqué

Soulever une coupe, tu parles d'un trophée

Qu'importe la façon, il s'agit de gagner

Au vestiaire l'arbitre, salement injurié

 

Le foot est devenu, reflet de société

Les pros donnent l'exemple, violence et cruauté

Nos gamins les imitent, faut pas s'en étonner

Commentateurs télé, la haine exacerbée

           

Coup franc dans la surface, tir au but indiqué

Mais lève les bras au ciel, le gus qui a triché

Se sentant blasphémé, on va l'encourager

On accuse l'arbitre, la fierté, regonflée

 

Amiable conciliation, vous voulez rigoler

Reconnaitre ses torts, ce serait s'abaisser

C'est la loi du plus fort, en gueule comme toujours

Chacun ses objectifs, faut bien distraire la foule

 

Un carré de luzerne, un ballon, des poteaux

Il faut lâcher les fauves, amuser les idiots

Les cheveux gominés, le short agencé

Aux sacrés dieux du stade, on fait publicité

On tape dans le cuir, réflexe conditionné

 

A ces héros d'un jour, intouchables passagers

On adule leurs prouesses, mais faut se dépêcher

Suffit de pas grand-chose, une petite blessure

Vont regarder le match, sur la touche faire parure

 

22 vedettes nanties, face arbitre amateur

Lui ne fait pas le poids, volontaire solitude

On crie « à mort l'arbitre », il en a l'habitude

Du pain et puis des jeux, rassasient les fureurs

Image d'une société, qu'a l'appétit vorace

Les frustrés, les ringards, défoulent leur cigare

L'anonyme péquin, est noyé dans la masse 

Est livré en pâture, comme toujours l'homme en noir

 

Inscrit dans la routine, de transgresser les règles

Le sport, c'est la cité, réduite mais en pis

Concentration de niais, dribbleurs et espiègles

Habiles de leurs pieds, sans un grain de génie

  

Le fric corrompt tout, le foot, c'est plus du sport

D'un gamin gentillet, on en fait une star

Bagnole, gonzesse, Champagne, soudain est cousu d'or

Pas en âge de penser, que passe son heure de gloire

 

Ces gosses porte-bonheur, faut les récupérer

Ils ont tant de talent, dans leurs petits souliers

L'argent n'a pas d'honneur, pourtant est sanctifié

Les abonnés du foot, doivent payer leur entrée

 

Ce qu'ils en ont à foutre, de leurs flopées de fans

Faut 90 minutes, pour qu'ils atteignent leur but

Sportifs comme métier, ça dure pas longtemps

Illustres dans leurs lustres, plus raide sera la chute

 

L'arbitre, quant à lui, ne sert que faire valoir

On lui offre poignées de mains, en guise de pourboire

Si le match est gagné, on encense ses exploits

Par malheur, dès qu'on perd, ses vertus, on déchoie

 

Cet Homme philosophe, porte la couleur du deuil

Il sait bien que son art, connaitra pas grand soir

Demain devra gagner, sa croûte sans orgueil

Vocation avant tout, le reste est accessoire

 

Mais en poussant plus loin, nos sages réflexions

Faut resserrer les lignes, sinon serait la foire

Emissaires volontaires, humaniste passion

Juger sans distinction, punir les charognards

 

Carton jaune aux manchots, carton rouge aux marioles

C'est dur de distinguer, les bons et les mauvais

Mais aux vicieux tricheurs, faut tacler les guibolles

Aux apprentis fouteux, leurs fautes, les pardonner          

 

Sur nos champs de patates, on distrait nos dimanches

Taper dans un ballon, petit bonheur la chance

Nous, on n'a pas d'arbitre, chacun s'y prend au jeu

Notre seule victoire, c'est ensemble être heureux

On trinque sans rancune, n'est pas un pro, qui veut

JC Blanc           juin 2022  (hommage aux arbitres, qui subissent les cons)  

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