Largage

J'entendais des gens parler. L'un des hommes du groupe semblait triste. Je n'avais rien de mieux à faire, j'écoutais, puis vint la fameuse phrase:

"Elle m'a largué..." 

Émotion. Silence. Phrases stupides comme reponses:

"Une de perdue dix de retrouvées !" 

Je me prends à réfléchir à ces mots. On emploi certaines expressions, rupture, on a cassé, je me suis fait larguer, jeter, plaquer. Brutal non ? Car oui, ça l'est. Je l'ai vécu deux fois. Le largage n'est pas affreux mais sans parachute, l'atterrissage fait très mal. On est au ralenti. On a des difficultés, à respirer à parler, parfois à avoir envie. Ou plutôt on a envie d'être loin, de se recroqueviller dans un cocon, sous une couette, avec deux bras qui nous serrent. Mais les bras de qui?

Le vilain Morphée et ses rêves brisés ? 

Des amis peut-être ? 

Ou une belle inconnue à la limite ? 

Non. Aucun de ceux là ne nous conviendraient. On le sait. On est brisé, il nous manque quelque chose. Une part de nous vient d'exploser en vol, de casser. Le largage était tellement inattendu que la chute n'a pu être préparé. Notre âme est au sol, en mille morceaux. L'on se dit qu'on ne fera plus confiance, qu'on se méfiera. Que l'amour est un traître. Tourmenteur d'âme, briseur d'illusion, appelez-le comme vous voulez, vous ne serez jamais loin de la vérité. 

Dans l'autre camp, la chute est déjà vécue, la rupture remonte déjà à loin. L'officialisation soulage. Chaque instant, le doute, l'inquiétude, comment ne peut-on pas s'inquiéter pour nous ? Comment ne peut-on pas s'inquiéter pour l'autre ? On ne peut pas vraiment. Mais parfois, les choix cornéliens qui s'offrent à nous n'ont une belle fin qu'après beaucoup de temps. Trop souvent on pense à l'autre, pas assez à nous-même. Le temps est le seul pansement. Peu importe les fracture, la chute est longue, l'atterrissage violent, la douleur intense, la rémission très longue. 

Après de longues semaines, de longs mois, on se prend à espérer de nouveau, folie, que cette fois-ci ça pourrait durer toute une vie... Et on se replonge dans cet ensemble d'engrenages... 

Il n'en faudra qu'un qui lâche pour tout faire sauter. Et c'est bien de ça qu'on parle, l'amour est un engrenage bien complexe mais trop fragile. Un minuscule grain de sable peut faire exploser une énorme machine... 

On continue quand même d'y croire. 

Illusion, folie ou espoir ?