Larme

Je l'ai vue arriver ce jour.

Cela faisait déjà plusieurs fois qu'elle avait une mine basse. Alors que ma collègue s'avance pour s'occuper d'elle, elle décline l'invitation et l'informe qu'elle souhaite me voir. Étrange en sachant que les fois précédentes, ce n'était pas moi qui m'en était occupé. 

Je finis avec le client en cours et l'accueille avec un énorme sourire. Elle sourit tristement et me tend un ticket pour récupérer un contraceptif. Je vais la récupérer et lui remets, puis la regardant droit dans les yeux, je lui demande ce qui ne va pas.

À ces mots des larmes se mettent à couler. Sans attendre je contourne le comptoir, la prend par la main et l'emmène dans la salle réservée pour l'orthopédie, qui présente deux avantages: un siège et une porte. Je l'installe sur le siège et file chercher des mouchoirs et un verre d'eau, j'en profite pour prévenir mes collègues de ce qui se passe. Revenant, je vois les larmes qui coulent. Je pose le verre d'eau sur une étagère adjacente au siège et entreprends de sécher ses larmes avec un mouchoir. Elle ne dit rien, ni ne fait un geste. Sa tristesse est palpable, elle tremble, son maquillage coule, ses yeux bruns brillent embués, et ses longs cheveux entourent ce visage si doux et si beau malgré les larmes. 

Je continue à lui essuyer le visage. Petit à petit, elle reprend contenance. Je lui ôte ses lunettes et essuie délicatement ses yeux. Elle attrape ma main, toujours sans un mot, et appuie sa joue contre la paume. Je la regarde, la seule réaction qui me vient est un sourire, et une phrase totalement stupide: "ça va mieux?"

Elle hoche la tête répondant par l'affirmative. Je lui demande ce qui ne va pas, elle me fait "non" de la tête. Je prends sa main entre les miennes, et caresse délicatement le dos de la sienne. Elle continue à me fixer de son regard humide. Petit à petit elle reprend contenance. Elle récupère un peu ses esprits, et m'offre un sourire coupable en s'excusant et renifle bruyamment avant de se moucher. Nous restons quelques minutes ensemble dans cette salle fermée, je ne la brusque pas, j'attends patiemment, la sonnerie a signalé plusieurs personnes. Peu importe.

Elle me dit d'aller m'occuper des clients. Je lui réponds en souriant que je le fais déjà. 

Elle me regarde pleine de reconnaissance, également de tristesse. Elle voit à mon air que je ne la laisserai pas. Je lui souris, elle se lève, elle me murmure qu'elle se sent mieux, qu'elle me doit quelque chose.

J'ouvre alors la porte coulissante, et lui souhaite une belle soirée, puis lui murmure qu'elle ne me doit rien.

Coupable et reconnaissante, elle m'offre enfin un vrai sourire, et s'en va en me faisant signe de la main. Je m'aperçois qu'elle a laissé la boite qu'elle était venue récupérer. Elle reviendra bientôt. J'espère avec un grand sourire.

À suivre..