L'AUBE DU 21 JUIN

Philippe Larue

Mon regard s'est éveillé. Désarticulé des rêves et débaguenaudé des cauchemars. Les yeux se remplissent de lumières après les œillades noircies de la nuit. La différence est comme une lame de sabre: fine. Des mondes réels et irréels, mais lequel est plus vrai que l'autre?

L'oreiller a massé le cou endolori. Les cerises aussi ont eu le noyau massé par le vent. Du coup, c'est l'explosion d'odeurs précoces. La maturité viendra plus tard, comme l'âme de l'écrivain que je suis. Depuis quatre heures que j'entend les rossignols siffloter, se brancher l'écorce pour des chants polyphoniques, la colombe se laver à plusieurs reprises dans le bar zinc de la gouttière, sous les lauzes et le chat qui regarde, incrédule, frustré et ébahi. L'hérisson sort dessous la tente de romarin et piétine les plates-bandes jusqu'au bois entreposé pour l'hiver.

La théière aujourd'hui boue, comme la Terre du voisin, sculpteur. D'ailleurs, la finesse musicale de mes oreilles en écoutent les pieds du potier y faire tourner la terre glaise. Ça sent aussi le thé vert au gingembre, le yaourt au soja vanille qui coulera sur les mueslis accompagnés de cranberries, de baies de goji et de morceaux de fraises. C'est mon petit déjeuner avec un verre de jus de fruits rouges. J'ouvre aussi la tablette Macbeth: une côte d'or en commentaire sur un texte. Adieu l'aube, mes œuvres d'architectures attendent mes réflexions.

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