L’autruche de maruki

Je n'ai aucune imagination. Tout ce que je relate ici est la stricte vérité vraie !

Enfin, vrai, si on veut, parfois, j'édulcore un peu avec de la couleur pour pimenter le récit, mais si peu.

Tenez, la fois où je fus kidnappé par des Extra-Terrestres. Pour être tout à fait honnête avec vous, mes propos n'étaient pas totalement exacts.

En effet, j'avais prétendu qu'ils étaient tout verts, pour prendre une couleur locale, or c'était faux ! Ils avaient des taches rouges un peu de partout comme une grosse coccinelle, mais cela ne faisait pas trop sérieux, qui aurait bien voulu croire à cela ? J'ai donc dû les unifier pour les rendre plus crédibles et moins ridicules, car, au demeurant, c'était des gens charmants, très bien élevés qui prenaient le thé, l'auriculaire* levé en parlant de la carte de leur dernière partie de golf.

La réalité est souvent trop extravagante pour être relatée stricto sensu. Par exemple, décrivez une autruche à celui qui n'en a jamais vu. Dites-lui, que c'est un oiseau qui ne vole qu'en rase motte sur deux échasses, avec un gros corps de gros poulet, surmonté d'un long cou de girafe, pour peu que cette dernière soit connue de notre bestiaire familier des animaux excentriques. Qu'elle ait une grosse tête d'abruti-ahuri, avec de gros yeux  qui n'ont pas inventé la vision et qu'elle vous fixe comme si vous étiez une originalité biscornue de la nature. Alors que c'est elle l'abracadabrante créature. Non ! Cette personne, à moins d'être maruki, ne le croirait jamais et vous dirait d'y aller mollo sur le Tranxene.

D'ailleurs, pensez-vous que je donnai à ma femme, mon kidnapping par des ET, comme excuse à mon découchage ? Evidemment, non ! Pas envie qu'elle appelle les urgences psychiatriques, je venais à peine d'en sortir. J'ai préféré lui mentir en prétextant que j'avais été retenu par une autre femme. Il faut mieux dire aux personnes, les choses qu'elles s'imaginent, on perd moins de temps et d'énergie à défendre la vérité.

Pour conclure, il est vrai que je prends parfois certaines libertés avec la réalité, mais cela est toujours fait dans le but de la rendre potable. A votre santé, messieurs-dames et les petits enfants alcooliques ! Je vous resserre un doigt de réalité ?

*Le savez-vous, l'auriculaire tient son nom au fait qu'il est, par sa petitesse, le doigt le plus adapté pour se le mettre dans l'oreille. Alors que l'index ne s'appelle même pas le « nasalaire ». Le vocabulaire n'a vraiment aucune constance logique. Comme si chaque mot existait indépendamment du sens global de la phrase qui les relie entre eux par une liaison de covalence déterminée à exprimer une pensée, une idée, une connerie, une « je te tiens, tu me tiens par la bistouquette » ? C'est clair ?