Le bain de la nymphe

violetta

 

Le bain de la nymphe

 

Corps voluptueux, corps épanoui, courbé au-dessus du bassin,

Mains potelées apprivoisant l’eau à grand renfort de menus tapotements

Seins lourds tendus vers le clapotis de l’onde,

Cul large et rond innocemment exhibé dans une posture d’inconsciente offrande,

Murmures et éclats de rire frissonnants.

Un pied cambré se soulève, passe au-dessus de la margelle

Et se pose dans la fontaine fraîche.

C’est le moment, ô voyeur tapi dans les buissons !

- Vite avant que le deuxième pied ne rejoigne le premier, -

C’est le moment où tu peux voir dans la fente sombre un éclair de lumière

Dessiner un triangle éblouissant où se profilent des reliefs déchirés,

Auréolés d’un duvet que le soleil couchant rend pareil à des flammes,

Nimbés d’un éclat humide qui signale l’écoulement d’une sève capiteuse.

Tu as vu ? Tu as bien vu ?

Non, pas assez ?

C’est tant mieux !

Ce mystère-là est fait pour être touché, humé, caressé, lapé, fouillé, fendu,

Est-il vraiment fait pour être vu ?...

Les deux jambes sont dans l’eau et ploient dans un accroupissement frileux

Qui met encore ton regard en transes

Tandis que la baigneuse apprivoise l’eau en l’agitant de ses bras plongés jusqu’aux coudes.

Ce faisant, elle tourne sur elle-même

Et ton regard ébloui glisse sur sa nudité généreuse

Sur les plis du ventre à peine convexe,

Sur le galbe des seins bercés par l’agitation des bras

Sur les tétins mauves durcis par le frisson qui parcourt

Le joli corps dodu qui ne se décide pas à s’immerger.

La nymphe trépigne de froid et s’ébroue

Et c’est un bonheur pour toi,

O voyeur tapi dans les buissons !

Et c’est un bonheur pour toi

De voir toute cette chair rose et blanche

Animée de soubresauts et ballottements jolis

Qui mettent ta moelle en feu et tes sens en délire

La belle enfin se décide

Et dans un cri offre à l’eau fraîche

Son corps tiède en pâture.

Et ce n’est pas toi, ô voyeur tapi dans les buissons,

Ce n’est pas toi qui caresses et pénètres

Cette chair radieuse et vivante.

C’est l’eau.

L’eau que tu iras boire, honteux, jaloux, avide, tremblant,

Quand la nymphe n’y sera plus.

Et c’est un peu de ses sucs que tu boiras.

Et elle ne le saura pas.

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Extrait du recueil "Ainsi va la vie" déposé à la SGDL

  

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