Le balcon de Cancale

Christian Lemoine

Du face à face du philosophe qui convoque à rencontrer l'autre : celui qui est différent, celle qui n'est pas soi ; les mains ouvertes sur cette énigme, le cœur penché sur ce mystère : « que vais-je faire de toi ? » Et la question réitérée en écho persistant « que vais-je faire de toi ? » comme une antienne un peu écœurante. D'autant, d'autant plus que s'instille pernicieux le soupçon de l'illégitimité ; le tournis ratiocineur de l'imposture ; tant de fois déjà et dans tant de circonstances vécu et convaincu. A chaque crépuscule, par la fusion primale de l'esprit dans l'inconscient intemporel, les portes de la perception se closent sur l'éclipse, et forclosent l'espérance. A chaque aurore, par l'irruption fanatique de la substance, le savoir de l'irrémédiable ranime la nausée. Entre deux, l'extinction des lumières, le corps recroquevillé sur lui-même, requérant l'ablation des épidermes, le rabougrissement du fœtus en effort d'oubli.

Pour finir, il prit une lettre, résolu à faire perler son dommage car, s'il ne pouvait rêver la guérison, au moins fallait-il exsuder le mal, à l'instar du refrain de trois garçons imaginaires. « Que vais-je faire de toi ? », sa dolente ritournelle. Et contre les faits incongrus, méditer la bienveillante uchronie.

Signaler ce texte