Le burkini de la cancéreuse

J'ai découvert le burkini il y a quelques années, sur le même portant désolant que celui des maillots pour crabreuses, dans une pharmacie aux rayons bien garnis, à deux pas des déambulateurs, en face des bas de contention et des urinoirs.

C'est toujours le charme ineffable de ces pièces de bain au design teuton, permettant de glisser une prothèse dans une poche, de cacher à grands renforts de lycra noir les multiples cicatrices inhérentes au scalpel et aux rayons brûlants.

Je me revois hésiter entre le burkini noir jusqu'aux pieds et le une pièce taillé dans le même désespérant tissu élastique sinistre. J'ai imaginé sur le coup qu'en coupant la robe à mi-cuisses et en y ajoutant un volant, j'aurais pu cacher mon faux sein autocollant ainsi que mes rondeurs d'un seul coup d'un seul, en évitant tout de même d'avoir la sensation de me baigner avec un machin visqueux entre les jambes, poulpe d'élasthanne aux longues tentacules dégoulinantes. Finalement, les lois de la physique me firent renoncer à ce projet créatif. Plus de tissu c'est beaucoup plus de litres d'eau à évacuer de retour sur le sable, des heures à ressembler à une otarie transgouttante et imprégner l'éponge de la serviette.

Je n'ai pas d'avis sur le port du burkini, si ce n'est que des femmes d'un âge certain aux volumes soumis aux dures lois de l'apesanteur feraient peut-être bien de s'en inspirer pour leurs tenues de bain afin de nous éviter le triste spectacle qu'elles imposent à notre regard quand elles parcourent cette terrible distance entre l'eau où elles ont pris pieds et la rabane.

C'est toujours le problème que posent les attitudes extrêmes. Entre le burkini total look lycra noir et le monokini pratiqué par des octogénaires...j'avoue que j'hésite. C'est tout le bénéfice d'être une jeune amazone à cause du crabe: ne pouvoir faire que le choix raisonné, coûteux et austère de fabricants outre-Rhin, proposant chaque année d'immuables modèles sombres et sans chichis, tout aussi couvrants que serrant, totalement désespérants pour le corps et l'âme, sortes de burkas intégrales pour la féminité, la sensualité et le glamour. Sauf erreur de ma part, il me semble d'ailleurs que ce sont les mêmes qui fabriquent les fameux burkinis.