le collectionneur

adriatique

Les basses faisaient résonner sa poitrine, la guitare réveillait la fureur dans son être, elle avait envie de tuer, de mourir et de vivre en même temps. La fosse entiere était un bouillon de vie, une lutte à la mort entre cris, pisse et sueur.

La star chantait, d'une voix grave , orgasmique. Mary parvint à se glisser jusqu'au premier rang, elle avait du mal à respirer. 

L'idole reprit une gorgée de vodka, puis une autre avant de faire de  nouveau résonner la voix hypnotique.Mary ne le quittait pas des yeux.

Pendant ce temps là, à l'autre bout de la fosse, Jason tenait la tête d'un junky en train de vomir. Il ne se doutait pas que dans quelques heures il serait le suspect numero 1 dans une affaire de meurtre, celui de Mary. 

Les notes s'égrenaient, le temps se dilatait, la star était ivre, une symphonie chimique se jouait dans ses veines. La drogue se répendait peu à peu, entraînant son corps  en une dance  endiablée.

Mary était saoule. Un type s'approcha d'elle, commença à la toucher. Elle le laissa faire, elle n'était plus de ce monde. Elle appartenait à la musique.

Le concert se terminait. 

La scène tanguait, la star, faisant son possible pour marcher droit, allait saluer son public. Les cris et les applaudissements résonnaient. Il était bien l'idole.

Il tituba, se dirigea vers le piano et saisit la bouteille de vodka vide qu'il y avait laissé. Il griffonna quelque chose dessus au marqueur noir.

L'idole avisa les groupies au premier rang. Elle étaient toutes jeunes et belles. Il leur jeta la bouteille. Les filles enragées se ruèrent dessus. Mary l'attrapa au vol et une dixaine de corps fondit sur elle, hurlant, griffant, mordant sa chair, arrachant ses vêtements,  ses cheveux. Les vigiles se précipitèrent vers l'endroit du linchage. Jason empoigna Mary, à moitié inconsciente mais qui jubillait malgrès la douleur. Il la souleva dans les airs et l'extirpa de la fosse. Il aurait deux mots à dire à ce rockeur barge. Ce n'était pas la première fois que lui et son égo faisaient des frayeurs à toute l'équipe. Elle aurait pu se faire tuer cette fille!

-"Ca va?" Demanda t-il.

-" Oui, répondit elle. J'ai eu peur mais je vais bien, enfin je crois. Je vais rentrer chez moi, je suis fatiguée."Une bagarre éclata derrière eux. Deux loubards pour une histoire de canette de bière.

Jason soupira.

-"Fais attention à toi." Dit-il. Puis il tourna les talons et alla s'occuper des deux jeunes alcoolisés. Elle était vraiment mignonne pensa t-il. Mais elle avait l'air d'avoir vingt ans alors que lui approchait les cinquante et avait un passé plutôt tumultueux...

Mary fit mine de s'éloigner, puis sortit son téléphone portable de sa poche. Sur la bouteille vide qu'elle avait toujours à la main,  était écrit "rejoins moi" suivi d'un numéro. Elle le composa fébrilement, puis attendit deux sonneries. Au bout du fil, une voix grave répondit. 

-"C'est toi qui as la bouteille? Très bien. Viens jusqu'à mon hôtel, montre la aux gardes du corps à l'entrée, ils te laisseront passer, ils ont l'habitude. Comment tu t'appelles? "

-"Mary." Dit elle.

-"Alors à tout à l'heure, Mary. Je réserve un  traitement de faveur à mes meilleurs fans.Tu va passer le meilleur moment de ta vie!" Elle raccrocha, le coeur battant.

En arrivant devant le palace, elle montra la bouteille aux vigiles qui ne lui en demandèrent pas plus.Les quatre gorilles s'écartèrent de l'entrée.  Elle avait l'impression de rêver. L'endroit était luxueux, tout de marbre, dorures et tentures rouge.  Le concierge la suivit du regard, elle avait l'air un peu paumée cette fille et elle puait l'alcool , ce qui l'indisposait mais il ne dit rien. C'était son métier que de rester discret. Mary entra dans l'ascenseur, en profita pour remettre un peu d'ordre dans ses cheveux. Quand l'ascensseur s'ouvrit , elle vit devant elle un long couloir richement décoré. Elle frappa à la porte du chanteur, l'idole ouvrit.

Dans la chambre résonnaient les notes de Born To Die. C'était la chanson qu'elle préférait. La guitare éléctrisait l'air, la tension en devenait palpable. La star lui tendit un cocktail rouge. Elle avait envie de lui.

-"Bloody Mary, dit-il. On dirait le titre d'une chanson. Je pourrai écrire un chanson sur toi si tu veux. Si tu me montres que tu n'as pas froid aux yeux..."

Un rail de coke, champagne. Puis un autre. Mary ne savait plus très bien où elle était, la voix suave résonnait à ses oreilles. Elle tira une nouvelle fois sur le joint qu'il lui tendait. Sa tête tournait, son coeur battait au rythme entêtant de la musique. Elle était Musique.

Il l'embrassa et tout finit par se mélanger entre sexe, drogue et rock'nroll

Jason venait de finir son service. Il entra dans le bar de l'hôtel, commanda un whishy et alluma une cigarette. Il allait lui faire comprendre qui était le patron, à ce petit con qui le prennait pour son larbin. En tôle, il en avait connu des biens plus durs à cuire. Il suffisait de lui faire un peu peur à ce morveux, il allait comprendre.Il se dirigea vers la réception. Le concierge le dévisagea de ces grands yeux clairs, méfiant.

-"C'est laquelle la chambre du chanteur des Ghosts?"

-"Ca ne vous regarde pas Monsieur." Répondit le concierge d'une voix nasillarde, avec un mépris qu'il ne prit même pas la peine de cacher.

Il l'empoigna par sa cravate. Ce dernier, déjà pâle devint livide. 

-"Dis le moi ou je casse ta sale gueule!"Menaça Jason.

-"C'est au troisième, chambre 366." On pouvait lire la panique dans les yeux clairs.

Il lacha l'homme et se dirigea  vers l'ascenseur. Il regrettait déjà son geste. Il tenait à son boulot. C'était le seul qu'il avait pu trouver après sa sortie de prison. Il faut dire qu'avec son casier judiciaire, personne ne voulait de lui. Qui voudrait embaucher un meurtrier? Il avait de la chance ce jeune con de chanteur : 20 ans, riche, célèbre. Lui, à presque cinquante balais ramassait des jeunes drogués qui lui vomissaient dessus une fois sur deux et habitait dans un lieu qu'on pourrait plus qualifier de taudis que d'appartement....Il chassa ses idées noires. L'alcool avait toujours tendance à le rendre violent et pessimiste. Ou alors il révéllait seulement sa vraie nature.

Des notes de musique et un peu de lumière filtraient sous la porte de la chambre 366.  Jason frappa et attendit. Pas de réponse... Il frappa de nouveau...Toujours rien.

Il posa sa main sur la poignée, la tourna, la porte n'était pas verrouillée. A l'interieur, une forte odeur de fumée lui monta à la tête. On y voyait à peine clair. La pièce était vide, le lit défait et la moquette sale. L'atmosphère était suffocante. Quelque chose crissa sous son pied, des morceaux de verre. Soit il y avait eu  une grosse fête ici, soit on s'était battu.

Jason poussa la porte de la  salle de bain. Ces tripes se nouèrent. Dans la baignoire, le corps de Mary gisait, livide dans une mare écarlate. Ses yeux vides le regardaient, ils étaient grands et fixes.Vitreux. Son nez saignait ainsi que son front et sa bouche. Ses veines étaient ouvertes au niveau des coudes et des poignets. Mais qu'est-ce qui c'était passé ici ? Jason voyait flou, l'odeur était chargée d'hémoglobine. A grand peine, il s'extirpa de la chambre et tomba lourdement sur le sol, alletant. 

Deux policiers se jetèrent sur lui et le maintenirent fermement pendant qu'un troisième lui passait des menottes aux poignets. Plus loin, un quatrième interrogeait le concierge qui racontait en détail son agression. 

" Y'a un cadavre là dedans! cria un des policiers. C'est pas beau à voir! Elle s'est suicidée!"

"Non, quelqu'un l'a tué dit un autre. Regarde, elle a été violentée!"

Jason essaya de parler mais un des types lui décocha un violent coup de poing dans le ventre qui lui coupa la respiration.

"Ta gueule mec!" Fut tout ce qu'il obtint pour réponse. Ils l'emmenèrent au poste. Comme toujours se dit-il, il s'était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.

Ils le jettèrent dans une cellule sombre. Jason était sous le choc, mort de fatigue. Mary, suicidée? Non, il n'y croyait pas. Les policiers non plus d'ailleurs. Pas besoin d'avoir fait des études poussées pour s'en rendre compte...Droguée oui, saoule aussi. Qui l'avait mise dans cet état? Elle même? Ou lui avait-on forcé la main? Et qui? Le chanteur? Il avait déjà tout pour lui. Qu'est-ce qui aurait pu le pousser à vouloir la vie de cette fille? Le poste de radio grésillait, c'était une chanson des Ghosts qui passait sur la bande, comme pour se moquer lui.

Plus tard dans la nuit, on le fit sortir de sa cellule. Un policier braqua une lumière dans ses yeux pour l'interroger. Celui là, il n'avait pas l'air commode. Surtout qu'il avait déjà eu à faire à lui lors de son précédent séjour à l'ombre. Du moins sa tête ne lui était pas inconnue.

-" Je l'ai trouvée comme ça, la fille. Je voulais mettre les choses au clair avec le chanteur. Rien de plus. Je veux pas d'embrouilles moi!"

-"T'es pas bien convaincant mon gars".Répondit le flic, un cure-dents coincé entre les lèvres.

Il se leva de sa chaise et lui décocha un nouveau coup de poing dans le ventre.  Jason, toujours menotté, ne pouvait pas se défendre.

-"J'ai pas que ça à faire! Surtout que c'est pas la première fois si je me souviens bien! T'es cuit mec! Ils vont te passer à la chaise électrique !  Alors crache le morceau, ça t'évitera quelques désagréments supplémentaires!"

Il lui décocha un nouveau coup.  Puis encore un autre. Jason bavait. Sa lèvre inférieure avait doublé de volume.

-"C'est pas moi espèce de gros con! Et pendant que t'es là à te faire plaisir y'a un vrai tueur en liberté dehors! Il s'est peut être dépéché de quitter la ville! Il  a été moins con que moi !" 

Jason savait, accusé de deux meurtres, ce serait la chaise éléctrique, même si la première fois, c'était une histoire de rivalité entre gangs et qu'il avait tué pour sauver sa peau.  Légitime ou pas, un meurtre reste un meurtre. Et la peine de mort est un moyen peu honéreux de se débarrasser des petites racailles dans son genre...

Le flic avait passé un poing americain à sa main droite.Le métal jettait des reflets froids. Il la leva, prête à frapper, quand un autre policier fit irruption dans la salle.

- "Rico! Qu'est-ce que tu fais, t'es malade ou quoi!? Arrête ça, on a récupéré les Ghosts et le chanteur manque à l'appel! Apparement, il aurait passé la nuit avec la fille! C'est peut être lui qui a fait le coup! Laisse ce gars, on verra plus tard. " 

Rico lui jetta un regard noir.

-" Tu perds rien pour attendre toi!" Il sortit de la pièce en boitant, visiblement saoul.

La nuit passa, puis la journée suivante.Jason avait mal à la tête. Qui était le coupable? Pourquoi cette fille? Pourquoi le chanteur était-il introuvable? Ces trois questions tournoyaient dans sa tête en une obsédante mélopée. Il finit par s'endormir, d'un sommeil lourd et tourmenté.

Tout d'un  coup, il sentit que quelqu'un le secouait par la manche. Il se dressa sur son lit, en alerte, prêt à encaisser un nouveau coup. 

-" C'est bon, calme toi". C'était le flic qui était intervenu lors de l'interrogatoire musclé de Rico. Lui non plus n'avait pas l'air en grande forme.

-"Tu es libre, mec. Pour l'instant du moins. Allez, prends tes affaires et fout le camp d'ici"

- "Qu'est ce qui se passe?" Demanda Jason en ramassant son blouson. 

Le policier soupira.

-"On trouve plus le guitariste. On l'a vu rentrer à l'hôtel en fin d'après-midi et depuis, rien. Il a du ressortir en douce, pourtant y'a des flics partout là-bas. C'est dingue.... Aucune trace du chanteur non plus. Pourtant on a ratissé la zone. Elle commence à sentir mauvais cette affaire. Enfin, bon, ça change rien pour toi. Tu es libre, dégage d'ici et vite avant que Rico ne revienne, il ne t'aime pas beaucoup." 

C'est  le moins qu'on puisse dire pensa Jason. Le policier lui demanda encore de ne pas parler de la façon musclée qu'avait Rico de mener les interrogatoires.

"Personne ne te croiera" Dit le flic. Et il avait raison.

Jason s'éloigna. Il fallait qu'il y voit plus clair dans cette histoire. Après tout, elle était sympa la petite Mary et puis avec Rico dans les parages, il était bien possible qu'il retourne à l'ombre plus vite que prévu.  

Un whisky et quelques cigarettes plus tard, Jason était de retour devant l'hôtel. Le bus noir des Ghosts était arrété devant l'entrée principale, un cordon de sécurité délimitait une zone à ne pas franchir. Ils avaient même posté des flics sur le toit du palace. La télé était là aussi. Une belle bande de fouille merde, pensa t-il.

Jason décida de contourner le bâtiment par l'arrière.Bizarrement, le décor changeait du tout au tout dès qu'on quittait Main Street. Les palaces rutilants faisaient place à des immeubles plus petits et plus sales.Peu de gens voyaient l'envers du décor. L'immeuble situé juste derrière l'hôtel était désaffecté. Jason entra dans le bâtiment, il y avait peut être moyen de rejoindre l'hôtel en passant par les caves. Il était assez fréquent que les sous sols communiquent d'un immeuble à l'autre. C'était une façon de construire courante dans les années 70. Si bien que des quartiers entiers étaient reliés entre eux par des réseaux de galeries. Il se dirigeait vers la cage d'escalier quand il entendit un bruit de pas derrière lui.

Instinctivement il se cacha derrière un vieux comptoir en bois et attendit. Les pas se rapprochaient, de plus en plus. Jason hasarda un oeil au dessus du comptoir et vit une silhouette sombre aux cheveux clairs qui se dirigeait justement vers la cage d'escalier. L'homme se retourna, c'était le concierge du palace! Est-ce qu'il l'avait vu? Non, il marqua un temps de pause puis s'enfonça dans l'ombre, ses pas résonnèrent dans l'escalier. Le temps s'écoula, Jason ne le voyait pas ressortir. Il  décida à son tour d'emprunter l'escalier. Plus il descendait, plus le sous sol était sobre. Il failli trébucher à de nombreuses reprises sur des choses molles qu'il n'arrivait pas à identifier.Il déboucha finalement sur un couloir à peine éclairé, plutôt glauque. S'il pouvait se fier à son sens de l'orientation, il était juste sous l'hôtel... Sur les murs de béton nus, la musique des Ghosts rebondissait en un écho sans fin. C'était Too Young to Die, il connaissait la chanson, il l'avait entendu au concert. Elle était belle d'ailleurs. Il avait du talent le petit. On ne pouvait pas lui enlever. Mais qui diable écoutait ça ici? Il décida de suivre la mélodie. Par terre, il y avait une bouteille vide, il la ramassa, ça pouvait toujours faire une arme d'appoint. On ne sait jamais. Sur la bouteille était écrit "rejoins moi"au marqueur noir, mais il n'y préta  pas attention.

Plus il s'enfonçait dans le souterrain, plus la musique devenait entêtante. La voix grave du chanteur résonnait en boucle dans ses oreilles. Soudain, la musique cessa. Jason se figea. L'avait-on repéré? C'était une voix seule qui chantait maintenant, a capella. Mais elle n'avait rien de commun avec celle de la star. Cette voix là était nasillarde, fluette et s'égarait parfois dans des aigus qui glaçaient le sang. Puis la musique reprit, couvrant l'horrible voix. Jason se remit à avancer. Perturbé. Il arriva jusqu'à une porte entrouverte. La musique venait de là.La pièce semblait vide. Il se faufila à travers la porte et ce qu'il vit lui souleva le coeur. 

Au bout de deux crochets de boucher pendaient les corps du chanteur et du guitariste des Ghosts, livides, les poignets tailladés, exangues. Jason réprima une forte envie de rendre. Du sol au plafond, la pièce était pleine de bocaux dans lesquels flottaint des restes humains diverses. La musique résonnait toujours. L'odeur du sang, entêtante, collait à la peau. Il devait mettre la main sur le fou furieux qui avait fait ça!

D'un coup, la porte claqua, Jason eu à peine le temps de se retourner qu'un grand coup sur la tête le fit tomber au sol, inconscient, la bouteille qu'il avait encore à la main se brisa en mille éclats.

Quand il rouvrit les yeux, deux iris clairs le fixaient. C'était le concierge! Jason voulu lui décocher un coup de poing, mais ses mains étaient ligotées. L'autre souriait. Son teint pâle et ses cheveux blafard donnaient à Jason l'impression d'un fou échappé de l'asile.

-"Dommage petit rat d'égout, dit l'homme aux teint pâle. Mais aujourd'hui c'est moi le plus fort!" Il sourit de plus belle.

-"Qu'est- ce que c'est que cet endroit?" demanda Jason, qui s'efforçait de retrouver sa lucidité.

-"Cet endroit, répondit le meurtrier, c'est le plus bel hommage qui ait été fait à la musique.  J'aime la musique, vois-tu, je l'aime plus que tout et cet endroit, c'est le temple que je lui ai dédié."

-"Vous êtes fou" répondit Jason.

Les yeux clairs le dévisageairent, exorbités. 

-"Fou, non. Je suis collectionneur! Toutes ces reliques, je suis allé les sauver, les prélever avant que la décomposition ne fasse son travail et je les ai mis à l'abrit! Grâce à moi, elles traverseront les siècles. Elvis Presley, Curt Cobain, Michael Jackon, ce ne sont que des exemples! Il faut savoir se faire discret, intervenir au bon moment, prélever les bons organes...Puis les préparer, enlever les parties les moins nobles, dégraisser les lambeaux, vider le sang. Pour que la conservation soit parfaite !"

Jason taillait doucement les cordes qui retenaient ses poignets avec un morceau de verre. Ce type était fou, il fallait gagner du temps.

-"Mais ces deux là demanda-t'il en désignant les corps qui se balançaient au dessus d'une bassine de sang caillé. C'est vous qui les avez tués!? "

-"Oui, admit le concierge, c'est moi. Parce que j'ai besoin de voir plus grand pour ma collection. Il me fallait des corps entiers. Ils demandent plus d'astuce pour les obtenir, les préparer, les conserver. C'est un défi pour un  collectionneur. Et plus c'est difficile, plus je prouve mon amour à Musique."  Il montra du doigt une trousse à couteaux posé sur une table non loin de là. Jason retint son souffle. Il s'agissait de matériel de taxidermie.

-"Tu vois, celui-ci sert à ouvrir le ventre, celui là permet d'extirper la cervelle. Et aujourd'hui j'ai de la chance car tu es avec moi, tu va m'aider à les tester!"

L'assassin leva les yeux aux ciel dans une expression de béatitude absolue. Jason frissonna.

-"Tu vois cette carte, repris le fou. Cette carte, je suis tombé dessus par hasard il y a longtemps, quand j'allais dans les sous sols pour réparer les fuites d'eau. Le petit concierge corvéable à merci. Celui qui ne peut rien dire. Celui que tout le monde méprise. Mais mon heure viendra. Le collectionneur se révellera au grand jour et tout le monde sera forcé de reconnaître mon géni et mon amour de Musique."

La carte qu'il montrait ressemblait à un plan des sous sols. 

-"Ce couloir communique directement avec la chaufferie de l'hôtel. Mais ça personne ne le sait, personne ne s'y aventure, sauf moi. Je vais et je viens comme je veux, quand j'ai quelques pièces à faire disparaitre, je les envoie directement dans la chaudière. L'hôtel est toujours bien chauffé les clients ne se plaignent jamais." Quand au transport des corps, et bien, j'ai utilisé le conduit à ordures, puis une trappe toute bête, celle que tu voies là pour arriver jusqu'ici. 

Jason pensa à la centaine de policiers postés dehors. Il avait presque fini de se détacher. Encore un peu de temps.Un tout petit peu de temps.  La voix du chanteur des Ghosts résonnait toujours. C'était Hurry Up maintenant, comme une moquerie.

-"Et la fille?" demanda t-il. 

-"Cette trainée, elle était sans intérêt, mais elle en avait trop vu. Je n'ai eu aucun mal à me débarasser d'elle. La drogue l'avait presque déjà tuée. J'ai déguisé son meurtre pour qu'on accuse le chanteur. Et je dois avouer que ça a plutôt bien marché. Puis, j'ai pris de son sang et je l'ai offert à Musique. Il désigna un autel recouvert d'une substance rougeatre.Pourquoi tu demande ça? Tu la trouvais à ton goût ?  

Jason douta, oui, en fait, il la trouvait à son goût... Encore quelques minutes.

-" Je crois que je t'en ai assez dit maintenant sale rat. Pauvre Musique, quand elle va voir le sacrifice que je lui offre. Elle va me trouver bien indigne. Il va falloit que je lui trouve mieux."

Il se retourna vers les couteaux.

A ce moment là, Jason bondit,  lui prit la tête et la cogna au sol avec violence. L'autre se débattait. Il tentait d'attraper un couteau mais Jason le maintenait fermement. Le concierge se mit à hurler, de sa voix suraigüe. Jason cogna de nouveau sa tête sur le sol, plusieurs fois. Il était comme possédé. L'autre était hors d'état de nuire, un filet de sang coulait de son nez et un sourire béât fendait toujours son visage pâle. Il respirait encore, faiblement. Jason ligota alors fermement l'homme, puis il sortit en prenant soin de refermer la porte à clé et remonta lentement les marches qui le conduisaient vers la lumière. Il prit une cigarette, alluma son téléphone portable et composa le numéro de la police. 

-"Pour votre affaire de meurtre, le coupable est dans l'immeuble désafecté derriere l'hôtel, au sous-sol, les corps y sont aussi."

-"Qui êtes vous?"

-"..."

Il raccrocha. Alluma une deuxieme cigarette et se mit à marcher d'un bon pas. Il ne fallait pas qu'on le trouve ici. On ne sait jamais. Derrière lui, il entendait déjà hurler les sirènes. Il rentrait à la maison. Il en avait assez vu.

Plus tard, il appris à la télé qu'après une enquête difficile, la police avait finalement mis la main sur un dangereux psychopathe qui travaillait depuis des années comme concierge de l'hôtel où les deux Ghosts avaient été retrouvés sans vie. On montrait en boucle des images gores des corps pendus et des bocaux de formol. Il parait que ça fait de l'audience. Le lendemain, Jason appris que le collectionneur avait rejoint Musique. On l'avait retrouvé exsangue dans sa cellule. Un sourire béat sur les lèvres.

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