Le démon du matin (3)

guegueette

Le tortionnaire

La situation est plus que tendue, en fait. Les portes sont closes, il n'y a pas de jour qui entre dans la pièce mais il est encore temps d'éviter le pire. Un homme et une femme, au petit matin après une nuit de sortie, l'un en caleçon, l'autre en décision. Fuir? Oui, mais comment? Le pas se rapproche du sac à main et la dextre s'en saisit. C'est qu'il ne va rien se passer, il l'a promis, il faut qu'il ne se passe rien. Les promesses matinales ne sont surement pas forcément réalisables et la jeune femme commence à comprendre que ce qui se passe lorsque l'homme lui parle. "Tu vois les clefs, elles sont là." D'un geste, elle virevoltent à l'autre bout de la pièce, et il les désigne de façon nonchalante. Self control.


Et là, le coeur palpite, tambourine. Fuir. En attrapant les clefs et en marchant. Il est encore temps, avant le mal, car rien ne s'annonce de bon. "Allonge toi, viens dans mes bras.". C'est qu'elle ne le souhaite pas, elle a envie de partir de ce bourbier dans lequel elle viens de se fourrer. Il est encore temps, aller oui, de partir, oui encore temps, alors que tu regarde les clefs! Mais le regard se reporte sur l'homme, et on ne saura pourquoi, ce fichu instinct lui disait de ne pas partir trop vite, par prudence. Ah, l'instinct. Il semblait pouvoir se montrer agressif à tout instant, alors qu'il lui délassait les escarpins. Elle s'était assise, pour patienter, sur ce matelas, le coeur lourd et se préparant au pire. Il veut du réconfort, il veut qu'elle se glisse tout contre lui et le fait savoir durement. Son regard de sang rouge l'impressionne. "Il ne va rien se passer, tu le jure sur Dieu?" Dit-elle d'une petite voix.


"Bien sûr, haha." Répond-il sur un air de folie. Tout semble mal engagé, attendre oui il faut attendre avant de s'éclipser, attendre qu'il se calme. Il faut qu'elle rentre, il ne faut pas qu'elle reste, mais ne sais encore pas pourquoi elle se glisse dans ses bras. Peut être un câlin, cinq minutes, après tout, au point ou elle en est.


Les minutes défilent sous un discours incohérent de la part du tortionnaire, elle essai d'écourter l'entrevue à l'ambiance particulière alors qu'elle est glissée tout contre la chair d'un inconnu. Sa peau est douce, porte des cicatrices marquées. Le regard est dur et semble sous l'influence d'on ne sait quel stupéfiant, et pourtant, elle est bien là, et mal à l'aise. "Encore dix minutes et je m'en vais." L'aiguille tourne sur le compteur du temps, le sablier s'écoule alors qu'elle n'arrive pas à partir. Il y a cette force qui la rebute et qui l'attire à rester. La tête se tourne, un couteau est apposé au sol, il lui indique, c'est comme ça qu'elle l'a remarqué. "Tu vois, tu a couteau, là."


Mais que faire alors? S'en saisir? Lui indique-t-il un moyen de défense alors que ses doigts se mettent à lui effleurer les cuisses? Il est sûr que si elle s'en saisit, elle ne ferait pas le poids. Il serait plutôt dangereux de le faire, au risque d'énerver le tortionnaire. A folie du matin, geste de prudence.


"Je dois y aller..." La main caresse la peau, délicatement. On y est, il n'y a plus de doutes sur ce qui va se dérouler, elle le sait, elle le ressens, et ce sera inévitable au vu de la situation. Son téléphone est pourtant là, tout prêt, elle pourrait appeler les autorités. Mais rien ne fait, le corps semble figé, l'esprit embourbé, sous emprise, embrouillé.


"Ta gueule".

Il rit.

 

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