Le devenir de la "valeur travail"

Dominique Capo

Article Philosophique

Je ne sais pas s'il vous st déjà arrivé d'y songer, mais pour ma part, c'est le cas. Le chômage de masse tel que nous le connaissons en France, et dans une moindre mesure dans la plupart des pays industrialisés, est un véritable fléau. Nul ne peut affirmer le contraire. Cependant, il ne faut pas se faire d'illusions : celui-ci est destiné à perdurer, et mème à s'accentuer.


Jadis, l'ensemble des bras de la population active étaient nécessaires et utiles pour faire fonctionner correctement la monstrueuse machine qu'est un État, ainsi que son économie, dans tous les domaines dont cette dernière était constituée. Que ce soit dans le milieu agricole, que ce soit dans le milieu industriel, ou que ce soit dans le milieu tertiaire, ils étaient essentiels. Sans eux, l'activité humaine était paralysée. Les récoltes ne pouvaient être ramassées. Les manufactures ne pouvaient pas fabriquer les produits de consommations nécessaires à la vie quotidienne. Les commerces ne pouvaient ouvrir. Les multiples organes de l'État que les individus qui en dépendaient pour les manœuvrer au service du plus grand nombre étaient immobilisés. J'en passe.


Durant des siècles, voire depuis des millénaires, que la civilisation a éclot, il en a été ainsi. Bien entendu, au fil du temps, les technologies ont évolué. Les rendements également. Ce qui a permis aux peuples – occidentaux notamment – de manger davantage à leur faim, et de façon plus variée. Ce qui leur a permis d'être mieux soigné, de pouvoir vivre plus longtemps et en meilleure santé. Ce qui leur a permis de travailler dans des conditions moins rigoureuses, avec des horaires plus convenables. La mortalité infantile a reculé. Les femmes ont gagné leur autonomie face à la toute-puissance masculine qui prévalait depuis l'Aube de la Civilisation. L'éducation gratuite pour tous a été le moteur d'une ascension sociale plus équitable. Le droit aux congés payés a été un facteur de développement dans le domaine des loisirs. Un confort qui n'était autrefois que le privilège des personnes les plus aisées, est aujourd'hui à la portée de tous ; ou presque. Enfin, la Religion, qui régissait tous les aspects de l'existence, du lever au coucher, chaque jour de la semaine, du mois ou de l'année, s'est tant bien que mal pliée aux lois humaines de notre société ; malgré qu'elle continue à tenter d'influer sur elle, parfois de gré, parfois de force comme on le constate assez souvent dans les pays du Proche et du Moyen-Orient.


Bien sûr aussi, malgré ces progrès, la pauvreté, le fossé entre riches et démunis, entre malades et bien portants, entre favorisés et défavorisés, entre éduqués et analphabètes, entre personnes capables – ou ayant la possibilité – de s'élever socialement ou non, n'ont pas disparu. Certains diront que ces fossés se sont creusés. Je dirais plutôt qu'ils ont pris des formes différentes que celles qui existaient jadis. Une fois encore, qu'on le veuille ou non, qu'on l'accepte ou non, que l'on considère que ce soit un bienfait ou un méfait, c'est ainsi. On ne peut revenir en arrière. Il est nécessaire de regarder ces faits tels qu'ils se présentent à nous, qu'on les apprécie ou pas. Il ne faut en effet jamais oublier que, de tous temps, il y a eu des exploiteurs de la misère humaine, des profiteurs s'enrichissant sur le dos des plus miséreux. Hier, c'était le cas dans l'Egypte Antique, sous l'Empire Romain, au Moyen-Age, dès l'aube de l'Age de l'Industrialisation, pendant la Colonisation, etc. Ce n'est pas parce qu'au fil des siècles, nous avons changé de régime institutionnel, passant de la Royauté à l'Empire, puis à la République et à la Démocratie, que la nature de l'Homme vis-à-vis de ses semblables s'est modifiée. Elle s'est juste adaptée à l'Ère qu'elle traversait dans ce domaine précis. Et ce, malgré les avancées sociales, malgré la réduction de la pénibilité des taches effectuées, etc.


L'Homme demeure humain. Et il cherchera toujours à exploiter, et à tirer un profit substantiel des entreprises qu'il élabore. Avant l'Ère Moderne, ces profits étaient essentiellement concentrés sur l'exploitation agricole et le commerce. Avec l'avènement de l'Ère industrielle, ce sont les entrepreneurs qui se sont constitués d'énormes fortunes, et qui sont devenus les nouveaux privilégiés d'un monde en pleine mutation. Après la Seconde Guerre Mondiale, la reconstruction de l'Occident a profité à l'ensemble des classes laborieuses durant ce que l'on a nommé « les Trente Glorieuses ». Un idéal teinté de possibilité d'ascension sociale pour tous est né, et s'est propagé dans toutes les franges de la société. Avec le Communisme, issu de ces temps où l'avenir s'annonçait radieux pour beaucoup, est venu l'exigence des mêmes droits pour chacun : un salaire décent, se transformer en propriétaire, avoir des loisirs à volonté, se déplacer ou s'informer aisément grâce aux moyens de transports – puis de télécommunication – les plus modernes. Un Age d'Or où tout était possible, où tout était faisable, et où aucun obstacle n'était insurmontable pour accéder au bonheur individuel.


Ceci dit, ce désir de bonheur, de confort, et de salaire décent susceptible de subvenir aux besoins matériels de chacun dans les meilleures conditions possible, est normal. Il est naturel, car nous y aspirons tous ; que ce soit pour nous-même, que ce soit pour notre famille, nos proches, tous ceux et celles que nous aimons et qui nous aiment. Ce désir de bien être, de contentement, d'aisance matérielle individuelle est inconsciemment liée à cette nécessité de perpétuer notre communauté. Autrefois, on contractait des alliances, des mariages, afin de s'enrichir ou de s'élever socialement. On transmettait son patrimoine à l'aîné afin qu'il le fasse fructifier, ou qu'il l'élargisse. Au sein de chaque strate de la population, c'était le but à atteindre au fil des générations qui se succédaient. Et quel que soit le milieu d'où on était issu. Aujourd'hui, ce désir demeure ancré au plus profond de chacun de nous ; mais les moyens de l'atteindre ne sont plus les mêmes.


Il est intéressant de constater que, durant une bonne partie du 19e siècle, et tout le long du 20e siècle, les révolutions qui ont eu lieu un peu partout dans le monde, ont fait croire à l'Humanité que chacun avait des capacités, ou des possibilités identiques à son voisin pour y arriver. En effet, les idéaux humanistes propagés par les philosophes du Siècle des Lumières, puis mis en pratique après la Révolution Française un peu partout en Occident, ont engendré cette illusion : tout le monde a le droit d'être riche, beau, en bonne santé, d'accéder au confort, d'avoir un emploi intéressant et satisfaisant, etc. Et je le répète pour qu'il n'y ait pas d'amalgame, c'est un idéal respectable, honorable, légitime.


Malheureusement, ce n'est qu'un idéal. Et comme n'importe quel idéal, il est inatteignable. Même l'homme – ou la femme - le plus riche, le plus beau, le plus intelligent, le plus savant, le plus doué dans sa matière, etc. est confronté, à un moment ou à un autre de son existence, aux affres de la douleur, de la violence, de la pauvreté, de la faim, de la maladie, j'en passe. Nul n'est épargné – ou ne sera épargné – par la vieillesse, par la mort, par la solitude, et bien d'autres aspects les moins agréables que la vie sème sur notre route.


Nous ne sommes pas tous égaux devant ces choses là. Et nous ne le serons jamais. Par ailleurs, pour en revenir à la valeur travail, et aux profits matériels que chacun peut espérer en tirer, l'évolution de notre civilisation basée sur le « tout » technologie a fait exploser les repères auxquels nous étions habitués depuis des millénaires. Au regard d'une entreprise, d'une industrie, l'être humain n'est plus ce qui compte le plus. Dans un univers mondialisé constitué de marchés boursiers, de rentabilité maximum en un minimum de temps, où la mécanisation a pris le pas sur ce qu'un humain est capable d'effectuer comme tâche, ce n'est plus lui qui prévaut. En fait, lorsqu'on y réfléchit un peu, c'est l'aboutissement naturel, irrémédiable, sans possibilité de retour en arrière, de ce désir de faire accéder au plus grand nombre ce qui était autrefois l'apanage de quelques privilégiés – rois, reines, seigneurs, etc. Et que d'immenses fortunes, par l'intermédiaire de multinationales, de sociétés ayant des succursales à travers toute la planète, n'en n'est que la conclusion logique.


Et une fois encore, le moteur principal en est l'enrichissement personnel. C'est le désir de confort, de pouvoir profiter des bienfaits matériels qui sont à disposition, qui en sont le vecteur essentiel. Car, celui qui investit dans une entreprise, quelle qu'elle soit – c'était vrai hier, c'est vrai aujourd'hui, ce sera vrai demain – en attend un bénéfice afin d'accéder à davantage d'aisance, à davantage de moyens de mettre à l'abri du besoin les siens. Et pour que ceux-ci en bénéficient une fois qu'il sera mort, puis, l'élargissent. Quitte à exploiter et à soumettre ceux et celles qui n'appartiennent pas à son « clan » à des rythmes de travail. Quitte à les assujettir à des conditions d'existence monstrueuses, à la misère et la faim. Des statuts qu'il réprouverait si l'un de ses proches ou lui-même y était confronté.


Une fois encore – et j'insiste lourdement sur cela -, je ne dis pas que j'approuve ou que je réprouve ces faits. C'est ainsi. Je n'y puis rien. Et en ce qui me concerne, j'abhorre l'idée que l'on exploite la misère des uns pour enrichir les autres. j'abhorre de savoir que dans certaines contrées, il y a des enfants qui travaillent comme des forçats pour le compte de multinationales qui les y emploient afin d'amoindrir leurs frais de fonctionnement. J'exècre ceux et celles qui profitent des richesses de pays en voie de développement – en Afrique, Asie ou Amérique du Sud surtout -, sans en reverser au minimum une partie de leurs dividendes aux populations locales. Je suis contre ces entreprises qui délocalisent à tour de bras pour s'implanter dans des pays d'Europe de l'Est ou en Asie, parce que la main d'œuvre y est moins chère. Et ces centaines de milliers – davantage ? - de personnes, en France ou ailleurs, qui sont sous-payés, à qui l'on offre du travail uniquement en contrat à durée déterminée, qui, trop jeunes et sans expérience ou trop âgés et trop expérimentés, qui demeurent sur le carreau parce qu'on a décrété que ce devait être ainsi.


Le monde est constellé d'injustices, cela a toujours été. Et quel que soit le régime institutionnel des pays concernés. Et il n'y a pas de raison que ce fait change. Au contraire, il est plus que certain qu'il va ne faire qu'empirer au cours des décennies qui viennent. D'ailleurs, progressivement, on en constate déjà les premiers effets. Je le répète aussi, parce que c'est une donnée essentielle de ce qui est une véritable question de civilisation : l'Homme n'est plus le centre des préoccupations – que ce soit individuellement ou collectivement. Il n'est devenu qu'un accessoire comme un autre ; que l'on prend et que l'on jette lorsqu'il est trop vieux ou obsolète. Ce qu'on lui demande avant tout, c'est de consommer. C'est, pour que l'économie globale perdure sur des bases à peu près stables – et là, tout est relatif -, qu'il change de voiture tous les deux ou trois ans, qu'il change d'ordinateur, de machine à laver, de téléviseur, de vêtements, etc. le plus souvent possible. C'est un mix entre son désir de confort, d'accès à tout ce qui lui est offert, et les profits des entreprises qui l'incitent à dépenser son argent dans ce but.


Qu'on ne s'y trompe pas pourtant : l'un est aussi coupable que l'autre de cette aberration. Et tous les domaines sont touchés. Même les plus essentiels. Celui qui estime que les produits, que la nourriture, que les loisirs qu'il envie, sont trop onéreux, et exige de ceux qui les lui fournissent, baissent leurs prix pour qu'il ait le droit d'y accéder. Et le manufacturier qui les lui propose, et qui cherche à en recevoir le maximum de bénéfices numéraires en amoindrissant les coûts de production, en exploitant une main d'œuvre dans des pays situés à l'autre bout de la planète ; en contentant des actionnaires exigeant des revenus de plus en plus hauts et de plus en plus rapides. Ce n'est pas l'un contre l'autre, comme souvent on souhaiterait nous le faire croire. Chacun a sa part de responsabilité dans ce système devenu fou et incontrôlable.


Un système basé sur cet idéal, je le répète, ou chacun doit être l'égal de son voisin à tous points de vue ; tout en sachant, paradoxalement que, non seulement, ce n'est pas possible, et qu'en plus, ce n'est pas faisable. Il y a des personnes qui sont douées pour certaines taches ; qui ont les capacités ou les aptitudes nécessaires à occuper certains rôles ; et d'autres qui le sont, mais dans d'autres domaines. Le meilleur exemple que je puisse prendre est le mien :


Vous me connaissez, vous qui me lisez et me suivez plus ou moins régulièrement. Je suis handicapé, je suis un littéraire, un intellectuel, un historien, un philosophe. Je suis également écrivain. Quand j'étais adolescent, mes parents ont insisté pour que je suive des études de comptabilité. Durant trois ans, cela a été un échec total. Et j'ai échoué dans la voie qu'ils avaient choisi pour moi. Mais, la société, par l'intermédiaire du conseiller d'orientation qui leur a recommandé cette option, estimait que j'avais autant de « chances » que quiconque dans ce métier. C'était alors la grande « mode » dans l'Éducation Nationale, d'orienter le maximum d'adolescent dans des filières tertiaires. Par la suite, j'ai eu les moyens de découvrir ce pour quoi j'étais fait en étant employé à la Bibliothèque Nationale. C'est ce qui m'a donné l'occasion de commencer à écrire, à effectuer mes recherches en histoire, en mythologie, en religion, etc. Puis, d'être aujourd'hui l'homme qui rédige ces lignes, et qui, prochainement publiera ces premiers ouvrages chez un grand éditeur ; comme je l'ai toujours rêvé. Et avant d'éditer ce livre sur les origines idéologiques et ésotériques du Nazisme que j'élabore depuis des mois.


Le hasard, le destin, la chance, Dieu, quel que soit le nom qu'on lui donne, a voulu que je réussisse à m'en sortir malgré toutes les épreuves qui se sont amoncelées tout le long de mon parcours personnel. Cependant, combien n'ont pas eu cette possibilité ? Combien se sont retrouvé sur des voies de garage parce qu'on les a orienté dans des filières pour lesquelles ils n'étaient pas compétents. Des manuels qui ont été orientés vers des métiers inadéquats au vu de ce qu'ils étaient aptes à faire. Et des intellectuels orientés vers des emplois manuels où ils n'avaient aucun moyen de trouver leur place. Des enfants de milieux défavorisés qui savent à peine écrire, lire, et compter, à qui l'on demande de devenir ingénieurs ou cadres, alors qu'ils seraient plus utiles et plus heureux dans des domaines tels que la maçonnerie, la boulangerie, etc.


Attention, là aussi, je ne spécifie pas que telle ou telle catégorie d'emploi est plus respectable ou honorable qu'un autre. Ce n'est pas vrai : que serait celui qui construit une maison, s'il n'y avait personne pour en constituer les plans, pour en fabriquer les meubles, pour les décorer, pour les vendre, etc. Et vice-versa. Chaque emploi, aussi anodin, invisible, prestigieux ou non, a une énorme valeur. C'est dans nos yeux, et selon des critères profondément ancrés dans notre inconscient collectif, que nous fixons leur honorabilité ou non.


Ainsi, si les PDG, les artistes, les fonctionnaires, etc. sont mieux « notés » dans le regard de certains, c'est parce qu'ils nous renvoient aux privilèges dont, sous d'autres régimes, ils ont été les détenteurs. Le prestige, l'argent, la gloire, la fortune, dont ils étaient entourés, sont toujours présents. Être médecin ou instituteur, jadis, était l'assurance d'avoir de bons revenus, et d'être un notable local. Être un ouvrir, un menuisier, était vu comme dévalorisant. Une honte, mème, dans quelques milieux.


Cette vision des choses est tenace. Pour reprendre mon propre exemple, lorsque mon grand-père, lui-même expert-comptable durant toute sa carrière, a su que j'étais appelé à suivre des études de comptabilité, ce genre d'automatisme est immédiatement revenu. Il a pesé au sein de l'entreprise où il travaillait pour que j'y effectue un stage. Avec le secret espoir que lui succède dans cette branche. Par contre, lorsque je suis entré à la Bibliothèque Nationale, et que j'ai débuté en tant que chercheur en histoire, mythologie, ésotérisme, etc., l'aura dont j'étais pourvu s'est éteinte. Et encore plus quand, quelques années plus tard, contre l'avis de toute ma famille, j'ai décidé que je consacrerai le reste de mon existence à écrire. « Ce n'est pas un vrai emploi », m'a t-on régulièrement seriné. « Trouve toi un véritable emploi. Et puis, ensuite, tu pourras te consacrer à l'écriture comme un hobby. Cependant, avant, assure ton avenir avec des revenus réguliers, avec un travail bien concret. ».


En ce qui concerne les emplois manuels ou intellectuels, ce réflexes surannés, derniers vestiges d'un autre age, sont toujours plus ou moins présents. Comme le fait que ce sont les hommes qui doivent ramener le salaire à la maison, et que les femmes doivent être des mères destinées à s'occuper des enfants. Ou qu'il y a des métiers qui sont spécifiques aux hommes, et des métiers spécifiques aux femmes. C'est issu de la même mentalité. Dont la religion a pesé de tout son poids, par ailleurs, durant deux millénaires en Occident. C'est encore ce qui rend l'évolution de ces transformations de la société si difficiles à comprendre et à accepter dans des milieux empreints de religion. Et cette confrontation entre rétrogrades islamistes, intégristes chrétiens, et ultra-orthodoxes juifs – ou approchants – si conflictuels actuellement.


Mais, la mondialisation à marche forcée de notre civilisation contraint à revoir en profondeur tous ces aspects qui n'ont que peu été modifiés durant des siècles. Car, avec la fin de l'Ère post-agricole, puis post-industrielle, et enfin post-capitalise, les codes sociaux sont sur le point de basculer définitivement. Comme je le soulignais plus haut, la valeur travail rattachée à l'homme n'est plus essentielle. L'Homme n'est qu'un instrument comme un autre. On exige surtout de lui qu'il soit un consommateur. D'autant qu'avec la robotisation, l'informatisation, Internet et tout ce qui découle de la nouvelle économie, ce qui paraissait indéboulonnable autrefois subit une mutation phénoménale sous nos yeux en ce moment-même. Demain, il est évident que les robots – quelle que soit la forme qu'ils prennent – et l'informatisation de la grande majorité des tâches auxquelles les hommes sont actuellement employés, vont nous remplacer.


Une fois de plus, qu'on le veuille ou non, qu'on l'accepte ou non, c'est inéluctable. Est-ce bénéfique, est-ce nocif ? Tel n'est pas mon propos. Toutefois, si l'on me pose la question, je pense qu'à long terme, il s'agit là du processus naturel d'Évolution de la Race Humaine ; tel qu'on y assiste depuis l'Aube de la Civilisation. Ce n'est, selon moi, ni bien, ni mal. C'est…


L'Homme est destiné à avoir de moins en moins de place dans le monde du travail. Les actes dont il sera le vecteur vont s'amenuiser, puis, vont finir par disparaître presque totalement dans tous les secteurs où il était celui qui dirigeait. Que ce soit dans l'agriculture, dans la vente, dans la production, dans les moyens de transport, etc., partout, on constate désormais que ce qu'on exige de lui régresse. Un jour, ce seront des robots qui construiront nos maisons. Ce seront des robots qui sèmeront nos récoltes, qui les récolteront, qui les emballerons, qui les expédieront dans nos supermarchés. Les caissières seront des machines automatisées. Nos voitures se conduiront toutes seules. Nos courses seront livrées à domicile par des robots. Nous commanderont nos vêtements, ou autres objets par Internet – c'est déjà le cas -, mais ce sont des robots qui nous les apporterons. Dans les usines, tout sera automatisé. Les minerais nécessaires à la fabrications de nos produits seront extraits par des machines programmées. J'en passe.


Économiquement, ce sera plus rentable que d'employer des humains, puisque les machines n'ont pas besoin de salaire, de manger, de dormir, de vacances ; qu'elles travaillent sept jours sur sept, et vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; qu'elles ne font pas grève, etc.


Bref, l'Homme n'aura plus de fonction essentielle dans la gestion et dans la conduite de sa propre existence. Du berceau au tombeau, tout sera ris en charge à sa place. C'est ce à quoi qu'on est en train d'assister lentement, mais progressivement. C'est inéluctable. Et les licenciements, les économies de personnel, y compris dans les pays à la main d'œuvre moins élevée qu'en Europe, ou plus généralement en Occident, ne sont que les prémisses de cette métamorphose de notre civilisation.


Celle-ci ne va pas s'accomplir en quelques années, ou en quelques décennies. Cependant, il est incontestable que cette évolution entamée depuis la fin de l'Ère agricole – à la fin du 18e siècle, en gros – aboutisse à ce résultat. Il s'agit là de la conclusion logique, inéluctable, de notre société néo-capitaliste dont nous vivons les dernières heures. Et ni les grèves de ceux qui ont peur pour l'avenir de leurs emplois ; ni les fervents partisans du repli nationaliste sur soi ; ni la révolte des agriculteurs en colère parce qu'ils ne sont pas payés décemment ; ni les croyants convaincus supposant que la Religion est le seul remède à ces transformations ; ni les ultra-libéraux supposant qu'en payant moins d'impôts, cela incitera les entreprises à embaucher davantage ; etc., ne changera cela.


La seule question qui vaille en fait, est celle-ci : si tout cela est inévitable, si on ne peut rien pour l'empêcher, quelle est l'utilité de l'humain dans ce monde en devenir ? Pour ma part, je pense que ce phénomène étant impossible à enrayer – à moins de vouloir revenir au Moyen-Age -, la réponse n'est pas : comment faire pour qu'il y ait des emplois pour chacun. Mais, par quoi doit-on remplacer ce qu'était jusqu'alors la valeur essentielle représentée par le travail dans notre civilisation ? Si si peu sont destinés à avoir un emploi, tel que nous le concevons, dans le futur, cherchons dans des directions différentes ce que l'Homme est susceptible d'accomplir. Parce que des machines, aussi sophistiquées soient-elles, ne seront jamais capables de le faire à notre place...


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