Le jus des fraises. (1)

Je voudrais par ces quelques mots te remercier des petits moments de bonheur que tu m'as offert, dans lesquels je me suis abandonné si souvent.

Tel celui de ce manège aux auto-tamponneuses, où tu venais de percuter mon bolide et que la perche de ma machine  terminait de fabriquer des étincelles dans le grillage d'acier suspendu. J'avais l'impression qu'un faisceau électrique se déchargeait sur nos têtes comme un éclair sur le champignon d'un flipper. Tes cheveux étaient tous en l'air et mon sexe devenait de plus en plus dur. Je déduisais par cet accroc, que  l'électricité statique avait sans doute les même propriétés physiques que l'afflux sanguin.

Aussi quand sous le préau de l'école, lorsque tu me fabriquais des petits scénarios dont le suspens et l'action dépendaient du menu de la cantine:

- Si à midi à la cantoche y'a boudin aux pommes, j' te roule une pelle derrière le bureau de la Principale... et si c'est poisson aux brocolis, j'te roule deux pelles dans la cour... et c'est que pour toi que je fais tout ça ! Tu m'entends ?

Il me souvient du reste de ta langue juste avant que ne retentisse la sonnerie et que tu ne dises: - Bon, c'est fini maintenant, faut qu'on aille se mettre en rang...

Dans l'escalier qui montait à la salle de musique, il y avait des chuchotements et des pronostics:

- Moi j'dis qu'elle lui en a roulé au moins 3 !

- Moi j'dis 4 !

- Moi j'dis 5 !

- Tu sais ça comment, toi ?

- A la 2, elles mettent en général tout doucement la main dans ta poche à biscuits pour te faire grossir les fraises ! C'est vers la 5 ou la 6 qu'elles commencent à vérifier l'état des fruits ! Et j'ai bien vu à son regard qu'il les avait bien juteuses, ses fraises !