Le lendemain

Cassandra Scintilleri

Ceci est la première nouvelle que je partage aux yeux de qui veut bien la lire. Cette nouvelle a été pensée et écrite après mon viol, et essaye d'expliquer ce que j'ai pu ressentir.

Lorsque je me suis regardée dans le grand miroir de ma salle de bain, le lendemain, je ne me suis plus reconnue, je me sentais étrangère. J'avais les yeux vides, gonflés, juste au dessus de tout ce maquillage qui avait coulé durant des heures sur mes joues, les mêmes joues qui, d'habitude étaient naturellement d'un ton rose, n'étaient plus que d'un blanc fade, cassé. Ma bouche semi-ouverte n'arrivait pas à laisser sortir un seul mot,  ni même un bruit de respiration. Mon expression faciale ne dégageait plus rien. Moi qui d'habitude était si souriante, qui réveillait mon entourage avec le tintement de mon rire, pourtant il n'y avait plus de bruit autour de moi, ni d'oiseaux qui gazouillaient, ni une conversation entre voisins, j'étais au centre d'un silence qui planait, mon propre silence, ma bulle, où je n'entendais que ma propre respiration, mon propre battement de cœur, battant très fort contre ma poitrine, je ressentais chaque vibration qu'il faisait subir à mon corps. Je n'arrivais plus à penser à autre chose que l'événement qui c'était passé la veille. J'allais devoir me laver, de cette chose horrible qui était à présent ancrée dans ma peau et dans ma tête, en espérant bêtement qu'elle s'en irait en même temps que la couche de saleté sur ma peau. J'ai pris une douche, puis une deuxième, une troisième, et la dernière, cette quatrième douche où je n'avais même plus la force de frotter mon corps. À chaque pas supplémentaire, mon corps reprenait ses tremblements, je me sentais observée, comme si quelqu'un connaissait chacun de mes mouvements sans exception, je me retournais sans cesse pour regarder chaque coin de pièce, que ce soit les dessous de meubles ou les intérieurs d'armoires. Je n'y trouvais rien ni personne, jamais, juste du néant et d'une nouvelle vague de silence plombant chaque pièce où j'entrais. Je n'avais presque pas parlé de la journée, adressant des sourires laborieux à toutes les personnes que je croisais, famille, amis, petit ami. Chacun de mes sourires était faux, mais pleins d'espoir, de volonté et d'envie. Oui, d'envie, j'enviais toutes les personnes que je rencontrais, de n'avoir jamais vécu ou même imaginé ce qui a pu m'arriver ce soir la. J'essayais d'en faire un vieux souvenir enfoui, un cauchemar inventé de toutes pièces, ou une idée totalement imaginaire que me jouait mon cerveau. Au fond de moi je refusais toute véracité des faits. Mais je ne pouvais ni fuir ni crier ni courir, comme ce soir là. Je n'avais rien pu faire. J'ai toujours été de nature très vive, extravertie, sociable, ouverte et à l'écoute de tous, un peu rentre-dedans, qui savait dire non sans prendre de gants, qui n'hésitait pas à crier au scandale ou à l'injustice dès qu'un problème ou débat se présentait en face de moi. Pourtant, le soir où je me suis fais violer, je n'ai rien réussi à faire. L'air ne rentrait plus dans mes poumons, je n'arrivais pas à crier, j'essayais, réellement, jusqu'au moment où il m'a dit de bien fermer ma gueule. Depuis ces mots violents, plus aucun son n'est sorti de ma bouche. J'étais bloquée entre deux murs, imaginant toutes les possibilités, toutes les probabilités de me faire aider, ou même, de m'en sortir. Chaque bruit extérieur que j'entendais m'encourageait à faire une tentative pour m'échapper, mais à chaque croisement entre nos regards, à chaque fois que je voyais la noirceur de ses yeux, cela m'enlevait tout espoir que je venais de créer. Ses yeux étaient tellement noirs, mais remplis de joie, me fixant avec une lueur pénétrante que je n'avais jamais pu voir chez quiconque, fier d'avoir réussi à me bloquer et de pouvoir faire ce qu'il voulait de moi. Il passait ses doigts dans mes cheveux, dans mon cou, tout en tenant la ceinture de mon pantalon avec son autre main. En un instant, c'était fait, il avait fini de jouer, et d'une voix sans émotions, il m'assura que j'avais été parfaite, me caressa une dernière fois la mèche de cheveux que j'avais devant les yeux, et s'en alla, en sifflotant. Il était minuit passé, lorsque je me suis laissé glisser contre ce mur auquel je m'étais tellement accrochée, pour au final ne plus réussir à contrôler mon corps, je termina donc couchée, à même le sol, comme si j'étais morte, sans encore une fois réussir à me dégager de cette emprise, qu'il avait allègrement laissé flotter autour de moi. 

J'attendais simplement mon petit ami à un point de rendez-vous, j'attendais simplement sur mon téléphone, et maintenant je n'attends qu'une seule chose, que le temps me permette d'oublier son visage. 

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