Le mangeur d’homme.

On enferme deux mecs en short sur un ring clôturé de cordes barbelées pour les empêcher de s'enfuir. Ils sont obligés de s'affronter, car ils ont un différend qui n'est pas toujours relaté. Soit, l'un a piqué la femme de l'autre, soit pire, son autoradio, du coup, il règne une certaine animosité entre ces deux gaillards en short trois tailles au-dessus. Ils sont équipés de moufles rouges pour ne pas avoir les mains congeglaglacées de chez Picard, le jeu consiste à foutre une de ses moufles ou les deux, même, sur la gueule de l'autre.

Voilà, donc la règle est relativement simple à suivre.

Etant un avocat, reconnu par les maraichers sur le marché de Pernesiau sous les eaux de pluie, un client était venu me voir pour que je le représentasse à café dans un litige l'opposant à la fédération de boxe à point « mouflé ». Mon client, durant un match, avait mangé l'oreille de son compétiteur, ce qui n'est pas autorisé par le règlement intérieur. Il est formellement écrit qu'il est formellement interdit de manger sur le ring pendant les échanges de points.

Bien sûr, comme vous êtes des experts de ce jeu puéril, vous avez déjà reconnu le match qui opposa, mon client, monsieur Mike Tyson, dit Miky le Bisounours contre monsieur Evander Holyfield, dit Van Gogh-Miché, en combat singulier à dix mètres. J'ai soigneusement préparé ma défense. (Enfin celle de mon client, car moi je n'ai rien fait de mal, enfin, excepté avec ma femme, mais passons ce n'est pas le sujet, ici.)

C'est à mon tour de prendre la parole pour alléger les sanctions encourues par mon client et non par moi et par vaux, je ne suis que l'avocat du barreau de Pernesiau sous flots.

-   Messieurs, mesdames et les petits enfants, je suis devant vous aujourd'hui, car derrière, vous seriez obligé de tourner la tête pour me voir et ce serait très inconfortable pour votre cou… non ne me remercier pas, acquittez seulement monsieur Tyson, ça me rapportera du fric.

-    Maître, je vous rappelle que vous n'êtes pas dans un tribunal pénal, il n'y a pas de jurés et pas de plaidoirie de fait !

-   Merde ! Ça change tout, alors, car j'avais préparé une belle plaidoirie avec effets de manches, progression dramatique et un feu d'artifice pour clore en bouquet mon envolé.

Tant pis, je ne vais donc qu'exposer « factuellement » les faits factuels et innocenter mon client, ici présent, par la seule logique manifeste du déroulement de cet incident domestique.

Mesdames, messieurs et les petits…

-      Dernier avertissement, maître, après, on lâche les chiens !

-     Ok ! Ok ! Veuillez excuser mon emportement professionnel. La boite… non, la boxe… est une discipline violente qui demande énormément d'énergie au corps, aux muscles et à l'estomac, donc il semble normal qu'au fil des rings, les compétiteurs développent une petite fringale. Dans les corps à corps, les têtes se touchent souvent. D'ailleurs, le néophyte pourrait croire à une rencontre amoureuse, de deux poids lourds qui veulent s'embrasser sur la bouche. Il n'en ait rien, cette parodie de parade nuptiale ne sert qu'à récupérer son souffle.

Hors, ce n'est pas mon habitude de critiquer les ingratitudes des physiques, mais monsieur Holyfield a des oreilles en forme de chips, il a deux chips de chaque côté de la tête à la place des oreilles. Comment résister à ces appétissants apéritifs quand on meurt de faim ? C'est de la survie, tout simplement ! C'est Wild Survivor au pays des alligators. J'accuse monsieur Holyfield de provocation manifeste à l'encontre de mon malheureux client affamé !

-         Maître, dernier avertissement après, c'est les chiens, affamés eux aussi !

-         OK ! OK ! Je retire mon accusation. Vous vous en sortez bien monsieur Holyfield… Pardon ? Pas compris ? Dehors ! Oui, vous m'expliquerez dehors, tout à l'heure, là je continue, car on ne comprend à rien à vos borborygmes simiesques

Qui pourrait reprocher à quiconque ou à King Kong, mon client, d'avoir voulu sauver sa vie en mangeant rien qu'une petite chips de rien ? Qui ? Je vous le demande ! Que celui qui n'a jamais…

Oui, monsieur le président, je retire.

Non ! Restez calme, monsieur Tyson, je ne vous ai pas traité de gorille inopinément à la légère, cela fait partie de ma stratégie de défense. Restez calme, oui… on verra cela dehors, tout à l'heure. Putain, je vais être obligé de faire des heures supplémentaires, moi, avec vous deux, vous n'êtes pas commodes chez les macaques, je vous assure ! Pardon ? Monsieur le président ? Mes arguments ne sont pas recevables et pourquoi, donc cela ? Ah, oui, OK d'accord ! Mais c'est fâcheux, car je n'avais pas prévu d'autres défenses…

Regardez, monsieur le Président, messieurs, mesdames et les bébés… oui OK ! OK ! Regardez messieurs, mon client et l'autre babouin se serrent la main, ils sont potes à présent, voilà tout est réglé ! Tout est bien qui finit bien ! Belle prestation de ma part, il faut bien l'admettre. Oui ! J'arrive, j'arrive, ils me réclament les deux Orangs-outans, ce doit être pour aller fêter la victoire de l'amitié devant un verre, un pot au feu improvisé !

Allez bisous à toute la clique, je pars en virée avec les deux Bonobos d'obsédés sexuels, on va arroser ça, on va bien se fendre la gueule ! J'en suis certain ! Allez c'est moi qui régale les garçons !