Le parquet, c'est stylé

nat28

Projet Bradbury - Semaine 12

            "Madame Vaillancourt, nous sommes au regret de vous informer du décès de votre grand-père maternel, François Gladu, survenu le..."

 

            Voilà comment commence la lettre qui aurait dû me plonger dans le plus grand chagrin, mais qui, au final, a changé ma vie. Et plutôt en bien.

 

            Je n'ai pas vraiment été attristé par la mort de mon grand-père. Il faut dire que Papy Gladu, il avait déserté le foyer familial quand ma mère était encore gamine, alors je l'ai pas connu. Personne dans la famille n'avait de ses nouvelles d'ailleurs, je félicite le notaire qui s'est embêté à retrouver notre trace. Y'a plus un Gladu dans les parages, en fait, la génération de ma mère étant 100% féminine et 100% mariée.  

 

            Tout ça pour dire que la disparition de mon aïeul ne m'a fait ni chaud ni froid. Mais j'avais pas encore tout lu...

 

            "Vous héritez de..."

 

            Oui, oui, papy Gladu, qui avait fui ses obligations familiales pour je ne sais quelle raison ("pas pour une autre femme !" avait toujours affirmé ma grand-mère), et bien il avait profité de sa vie de célibataire pour amasser de la caillasse ! Une jolie petite fortune à base de comptes en Suisse et de maisons toutes plus grandes et luxueuses les unes que les autres. Je n'ai aucune idée de comment avait été fait le partage, toujours est-il que je me retrouvais soudainement avec un manoir et 180 000 euros, sans rien avoir demandé. Cadeau !

 

            Et vu ma situation au moment où l'ancien a cassé sa pipe... Au chômage depuis 1 an, avec ma fille de 3 ans et mon fils de 6 mois sur les bras, le papa parti, une sorte de tradition familiale, dans un village perdu au fin fond de nulle part... En fin de mois, j'hésitais sérieusement entre allumer le chauffage ou remplir le frigo. Alors on se réchauffait autour de la casserole de pâtes en attendant l'arrivée du printemps. Quand l'héritage inattendu m'est tombé dessus, j'étais plutôt jouasse !

 

            Et puis j'ai réfléchi... Cet argent, fallait mieux pas que j'men vante, histoire d'éviter les jalousies et les taxeurs de tous poils. J'ai fait les fonds de tiroirs pour me payer un billet de train, j'ai dit à ma voisine que ma tante été malade pour lui laisser les gosses pendant 2 jours, et je suis allée signer les papiers chez le notaire, sans rien dire à personne. Le gars m'a expliqué le coup des frais qui me rabiotait bien le pactole, mais j'ai pu garder le manoir et pas mal de thunes.

 

            Et à peine sortie de chez le notaire, j'ai loué une voiture pour aller visiter la maison, 600 bornes jusqu'en Bretagne, une vraie expédition.

 

            Et j'ai pas été déçue du voyage.

 

            Le truc, c'était limite un château, avec un grand parc, des arbres centenaires et un lac ! Une douzaine de chambres, autant de salles de bain, des salons à tous les étages, une cuisine plus grande que mon trois pièces... Un vrai palais ! Alors j'ai flippé : comment j'allais payer pour tout ça, moi ? L'héritage allait disparaître en moins de 2, et je retournerai vite fait à mon HLM...

 

            Et puis je me suis souvenue de l'émission de télé où des gens louent des chambres à d'autres gens, et je me suis dit que je serai tout à fait capable de faire ça, moi aussi. En trichant un peu, bien sûr.

 

            Les confitures maison, c'est facile, suffit de décoller l'étiquette de la "Bonne Maman" et de la remplacer par un bout de papier mal découpé. Concernant le linge de lit, j'avais récupéré il y a super longtemps une pile de draps en lin qui appartenaient à ma grand-mère, ça ferait rustique. Quelques vieux bouquins au dessus de la cheminée et pour le reste... J'improviserai, j'ai l'habitude.  

 

            J'ai passé une semaine sur Internet pour regarder tout ce qu'il fallait comme papier, et puis j'ai fait les valises pour quitter ma Rue des Buissons et m'installer dans la forêt de Brocéliande. Rien que le nom, ça fait conte de fée... C'est sûr, ma maison d'hôte, elle va trop bien marcher !   

 

            Et puis y'a du parquet partout dans le manoir... et le parquet, c'est stylé.

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