Le petit village

bartleby

Un copain, récemment rencontré, m'avait dis qu'il organisait une petite fête dans son village.

Je me sentais un peu seule, peut-être n'avais-je rien d'autre à faire... Je ne sais plus. En tout cas, je me suis dit "Allez ma grande ! Qui ne tente rien n'a rien !". En plus, ce type était un vague ami de mon portraitiste de Montmartre, lui aussi artiste, il était temps qu'on me donne quelques leçons de dessin.

Oui, moi qui pourtant suis si volage, je n'étais pas parvenue à l'oublier. Ce que j'aimais par dessus tout, c'étaient ses mains, la façon dont il remontait ses manches avant de commencer une nouvelle toile. Il commençait à se faire un nom sur La Butte. On l'avait surnommé "L'homme au chapeau". Oui, ses yeux, on ne les voyait qu'à peine. Seuls ses modèles avaient eu le privilège de voir mieux son visage, en posant face à lui. Pour ma part, j'avais juste un instant croisé son regard alors qu'il préparait ses outils d'artistes et avait monté son chevalet. A la même heure, chaque matin, il installait sa petite chaise, un parasol qui pouvait aussi bien servir à lui faire de l'ombre qu'à lui apporter un peu plus de lumière. Derrière lui, il dressait toujours un panneau grillagé sur lequel quelques cymaises lui servaient à suspendre ses dessins, caricatures ou aquarelles. Avait-il déjà remarqué que je l'épiais, faisant mine de déambuler parmi les stands d'autres peintres à la recherche de Dieu sait quoi ? Ou bien était-il naïf ? Ou bien faisait-il semblant de m'ignorer ?

J'avais donc décidé de prendre ma voiture et de me rendre à ce petit village. De nom, il ne me parlait pas du tout. Du tout. Il évoquait à la fois l'amour et les valons montagneux. Cet ami, m'avait dit simplement "La fête aura lieu dans le Centre". Mais premier constat, je ne disposais pas d'un GPS. Ces petites machines m'énervaient. Un carte de France, oui, mais les femmes et le sens de l'orientation... Je cherchai pendant 4-5 grosses minutes et enfin je trouvais le nom. Le village semblait paumé, là, en altitude. Jamais je ne me serais doutée qu'il existait. Poussée par la force de mes sentiments pour mon peintre, je pris le parti d'y aller, munie d'une simple boussole. Nord, Sud, Est et Ouest. Je verrais au fur et à mesure, pour les tours et détours. En chemin, je faisais déjà la liste de tout ce que j'avais à demander. Je me suis entendue dire "Un artiste, comment ça marche ?" et me suis amusée à entendre la voix au loin de Michel Chevalet. Tout le matos que j'avais acheté d'occasion serait-il en bon état et valable ? Indispensable ou inapproprié ?

Mon nouvel ami, peut-être, accoudé au comptoir devant une bière bien fraiche, pourrait alors m'aiguiller ? Sérieusement, j'avais juste envie que tout se passe bien, que dans ce petit village on m'aide vraiment à manier le pinceau et le crayon. J'avais tant envie de plaire !

En quelques heures, j'arrivai devant des panneaux de signalisation. Comme si je ne les avais jamais vu auparavant, je me surpris à incliner la tête pour mieux les appréhender. Quoi ? Je devrais aussi demander aux invités de la fête qu'il me fassent réviser mon code de la route !?

Je n'étais qu'à une vingtaine de kilomètres du village, je le devinais grâce à ma boussole. Le chemin tortueux qu'il me restait à parcourir allait être encore très long. Mais j'organisai déjà l'ordre de mes questions.



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