Le président

Christian Lemoine

Qu'il dise un autre temps surveillé et frileux, guindé dans ses mantèlements emmanchés comme autant de camisoles. Qu'il dise cette vision glaçante, et les foules alarmées guettent au creux de sa voix le baume bienfaisant qui réduira leur peur. Qu'il chante une maxime où l'on prétend les mannes dégoulinant des ciels repus, dessinés en gracieux et volubiles effondrements de chevelure dénouée. Qu'il dise l'universel de ce ruissellement, et les foules avides, visage offert au zénith, tètent en l'air hyalin en quête de richesses qui réduiront leurs souffrances. Qu'il dise un monde ouvert, aventureux et enthousiaste, tout harnaché en joutes glorieuses et festives, où le plus déficient est attifé en gentilhomme. Qu'il dise les exploits des preux à la portée du plus insignifiant des portefaix, et les foules ourdies en cohortes crédules piétinent leurs trésors bafoués en tant qu'ils ne sont plus à leurs yeux que vétilles. Et ainsi piétinent-elles leur propre misère. Qu'il dise les vérités hors d'atteinte, transposées en images glacées pour les faire accessibles au commun, ces vérités qui claquent en fouet, à la fois espérées et fuies. Qu'il dise le savoir penché vers lui dans son discernement, et les foules subjuguées, la face vers le sol, morigénées et couardes, glissent dans son sillage en chuintant leurs litanies. Qu'il dise et organise, qu'il commande et ordonne. L'homme providentiel descendu vers la plèbe, inconnu des fardeaux qu'elle charrie. Et la foule scrute dans les ombres émaciées le pivot de sa déchéance. Et le nomade exténué s'engloutit sous la mer.
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