Le rayon vert. (1)

On faisait une ballade tranquille à vélo depuis pas mal de temps lorsque l'allure d'un champion nous est tombée dessus comme une envie de pisser chez une cystite bien enflammée. Sur le long du chenal, en danseuse à mes côtés, Betty tirait la tronche parce que le faux plat de la route commençait à fabriquer un petit courant électrique sous ses cuisses, du courant névralgique selon elle. Betty ne supporte pas l'effort. Quand celui-ci commence à traduire de la souffrance sur son corps, elle dit que cela paraît sur son visage; que ça le crispe et le rend à moitié moche.

- J'me sens pas bien...

- Betty on y est presque... pff-pff... craque pas... tu vas voir... pff-pff... tu vas pas le regretter ! On arrive bientôt à l'embouchure... pff-pff...

Mes encouragements ne faisaient qu'appuyer sa colère:

- Tu fais chier avec tes couchers de soleil à la con ! On aurait pas pu y aller en bagnole voir ton rayon vert ? J'ai aussi les tendeurs qui me font mal au cul... pff-pff... c'est pas que je veuille m'occuper que de mes fesses... mais quand même pff-pff... t'es bien content de les voir en bonne santé la plupart du temps !

- Ben tiens ! Pff-pff ! Parlons-en de tes fesses ! C'est quand pour toi la dernière fois que je les ai vues ? C'est quand pour toi la notion de 'la plupart du temps' ?

- Le mardi ! Pff-pff...

- Le mardi ? Mais les mardis tu passes soi-disant la soirée chez ta mère ! Pff-pff... et quand tu rentres, tu te brosses les dents et les cheveux puis tu te couches en me tournant le dos sans rien dire... Pff-pff...

- Ben alors ? Je t'empêche pas de les mater ! Tu voudrais quoi ?Pff-pff. Que je me retourne et que je pompe pour voir si ça gonfle ? Tu veux que ça sente le pneu ?

Betty à la colère qui rend sa patience contentieuse: l'on ne peut remettre en cause son jugement sous peine de voir la procédure à exécution.

Des herbes et des joncs se pourpraient de lumière arrondie, de cette lumière que diffuse un brouillard tacite et peu épais ...