Le tango de l'ennui

Paul Robert De La Fauvellerie

Chanson de François Béranger.

Je mesure aujourd'hui combien favorisé 
J'étais quand je travaillais chez P'tit Louis 
A Billancourt-sur-Seine dans l'entreprise modèle 
Je participais à l'expansion. 
A 5 heures du matin, levé comme à l'aveugle 
Se lever avaler son café 
S'enfoncer dans le noir, prendre le bus d'assaut 
Piétiner dans le métro c'était le pied. 

Anastasie l'ennui m'anesthésie 

S'engouffrer au vestiaire, cavaler pour pointer, 
Enlever sa casquette devant le chef. 
Faire tourner la machine, baigner toute la journée 
Dans l'huile polluée, quelle santé ! 
Surtout ne pas parler et ne pas trop rêver, 
C'est comme ça que les accidents arrivent 
Et puis le soir venu, repartir dans l'autre sens, 
Vers le même enthousiasme voyage. 

Anastasie l'ennui m'anesthésie 

Heureusement, un jour, Pont-de-Sèvre-Montreuil, 
Dans le bain de vapeur quotidien, 
Dans la demi-conscience, au hasard d'un chaos, 
J'ai senti dans mon dos tes deux seins. 
Je me suis retourné, je t'ai bien regardée, 
Et j'ai mis mes deux mains sur tes seins. 
Tu m'a bien regardé et tu n'as pas bronché, 
Bien mieux tu m'as souri et j'ai dit: 

Anastasie l'ennui m'anesthésie 

Tu t'appelais Ernestine ou peut-être Honorine 
Mais moi je préfère Anastasie. 
On a été chez toi, ça a duré des mois, 
J'ai oublié d'aller chez P'tit Louis. 
Qu'est ce qu'on peut voyager dans une petite carrée 
On a été partout où c'est bon. 
... Suite 
Et puis un soir comme ça, pour éviter l'ennui 
On décidé de se séparer. 

Anastasie l'ennui m'anesthésie 

La morale de ce tango, tout à fait utopique, 
C'est que c'est pas interdit de rêver 
C'est que si tous les prolos, au lieu d'aller pointer, 
Décidaient un jour de s'arrêter, 
Et d'aller prendre leur pied où c'que ça leur plairait 
Ce serait bien moins polluant que l'ennui, 
Y'aurait plus de gars comme moi, comme j'étais autrefois 
Qui se répétaient tous le temps pour tuer le temps. 

Anastasie l'ennui m'anesthésie


Signaler ce texte