Le vendredi 13

arthur-roubignolle

Le vendredi 13


Quel jour plus rêvé que ce vendredi 13 pour parler d'un bateau qui porte ce nom ?


L'on peut voir à Bordeaux, devant la base des sous-marins, une longue coque noire, démâtée... Elle a servie un temps de squat, elle est taguée par endroits...Voilà plus de dix ans qu'elle est là, à pourrir lentement...

Voici l'histoire d'un bateau mythique qui a marqué le monde de la voile et qui fait partie de la légende du large...


Le Vendredi 13 !


Ce voilier a été imaginé à l'époque par Jean-Yves Terlain pour courir la fameuse « OSTAR », la transat anglaise ralliant Plymouth à Newport USA.

C'est le réalisateur Claude Lelouch qui financera sa construction, menée par les chantiers TECIMAR à Saint-Nazaire.

Au départ de Plymouth en juin 1972, le public, les journalistes n'ont d'yeux que pour ce bateau.

C'est en effet le plus grand voilier de course construit à l'époque, le plus grand des monocoques. Long de 39 mètres, pesant 35 tonnes, c'est un trois-mat goélette, tous ses focs sont tangonnés, ce qui facilite grandement les manœuvres en solitaire.

Car Jean-Yves Terlain va barrer ce bateau en solitaire !

Personne ne pense que c'est possible, c'est la première fois qu'une telle chose est tentée avec un bateau de cette taille...

Depuis la première transat à la voile en 68, le monde de la course évolue très rapidement, c'est l'époque des expérimentations en tout genre, l'apparition de nouvelles techniques de constructions, les gréements, l'accastillage, les voiles gagnent en performances... Des ingénieurs, des architectes, les marins, planchent sans relâche pour trouver des solutions nouvelles. La course au large est un secteur d'innovation technologique important, qui n'hésite pas à s'inspirer des progrès de l'aérospatiale, et qui amène aussi en retour ses propres idées à ce domaine très particulier, ou légèreté et résistance sont recherchées, sans parler de l'aérodynamique, commune à ces deux domaines, qui fait elle aussi de grands progrès...


Cependant, l'idée établie que plus le bateau est grand plus il ira vite est encore bien ancrée dans les esprits...

Ce qui explique la démesure des voiliers de cette époque, cette course à la longueur va atteindre son summum avec la construction du « Club Méditerranée » d'Alain Colas ( 72 mètres de long).


Et nous retrouvons d'ailleurs, au départ de la transat anglaise de 72, Alain Colas, qui est à bord de « Pen Duick 4 » le trimaran en alu de Tabarly.

Lui et Jean-Yves Terlain sont les challengers de cette course...

Terlain est d'abord en tête, mais, fait incroyable, en plein milieu de l'Atlantique, une coque apparaît derrière lui, c'est Colas qui le remonte doucement...

Les deux bateaux vont être à quelques mètres l'un de l'autre, les skippers se filmeront, se parleront...

Il faut savoir que ce genre de chose n'arrive pas souvent, la mer est grande, de plus, à l'époque il n'y a pas de GPS, les liaisons radios ne sont pas évidentes. Il n'y a pas de routage à terre. La probabilité que deux bateaux se rencontrent est infime, aucun d'eux ne sait ou est l'autre...

Alain Colas dépasse peu à peu le Vendredi 13, il a touché des vents portants et son trimaran accélère...

Il laisse derrière lui le géant...

C'est terminé pour Vendredi 13, il arrivera second et Colas remporte l'OSTAR...

Cette course à montré la supériorité des multicoques, c'est le début de la fin pour les grands monocoques, désormais,  ce sont les catamarans et trimarans les voiliers les plus rapides... Les mieux adaptés pour battre des records...


Quelques années plus tard, Le Vendredi 13 fera du Charter aux Antilles, il sera aussi un bateau sur lequel beaucoup de marins de l'époque se sont retrouvés, tous le grands noms de la voile ont été à bord, pour des navigations, des fêtes, des retrouvailles...

Dans les années 90 il est racheté par l'association « Marin du monde » qui l'affecte à des missions de type humanitaire...

Puis, le bateau connaissant des problèmes de structure au niveau de la coque, il est abandonné peu à peu, en attente de quelqu'un qui veuille bien investir pour le rénover...


Ce bateau est la propriété de la mairie de Bordeaux, aux dernières nouvelles il y aurait peut-être un repreneur...

Vendredi 13 naviguera t-il de nouveau ?

Sera t-il mis dans un musée de la mer ?

Restera t-il à pourrir sur son parking ?

Nul ne le sait...

Mais, de toute manière, il fait déjà partie de la légende des grands voiliers...

Témoin de son époque, ou, avant la crise pétrolière de 73, tous les délires étaient permis...

Époque des Trente Glorieuses qui a vue en France, la réalisation de projets originaux et audacieux...



(in « Histoires de mer » par Arthur R.)




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