Les amours unis d'egoisme

Alexis Venifleis

C’est dans ce cosmos qu’elle est née, comme toi et moi. Elle fait partie intégrante de notre globe, pareil à nos semblables. Elle aussi a deux yeux en forme d’amande, une bouche singulière, un nez à deux cavités, des jambes et des mains symétriques. Jusqu’à preuve du contraire elle est humaine, morphologiquement parlant du moins.

Cette société à défaut de l’avoir construit, elle n’a cessé de la rêver, et de l’imaginer. De la naïveté de son enfance, à la maturité de sa majorité, en passant par l’instabilité de son adolescence, elle n’a pas su embellir, et corriger l’aigreur de son existence.

Elle ne connaît pas directement Adam et Eve, mais c’est pourtant de leur jardin qu’est originaire cette progéniture.

Elle, c’est Eden, 21 ans, 1 m66 pour 55kgs. Etudiante franco serbe, au style unique et immaculé de fioriture. Rousse en hiver, brune en été. Enfin, l’été, à proprement dit, ça fait longtemps qu’elle ne l’a pas connu. Ses journées ne sont qu’une accumulation de peines et de déceptions. Une vie ternie par un brouillard opaque, et inamovible, face à un soleil en berne, qui fait grise mine.

Passionné de Voltaire, elle est cependant l’antipode de Candide. Les deux voyagent mais à différents degrés, l’un à travers les continents, l’une dans sa tête. Eden n’avait jamais fichu un pied dans un avion avant l’an passé, reclus sur elle-même. Soumise à l’obédience de ses parents, dans une marge de manœuvre relative, déchirée par un mal de vivre permanent, elle n’a d’autre solution que de vadrouiller au milieu de ses songes. 

Cela dit, elle est douée, suffisamment pour comprendre que les pratiques culturelles varient d’un pays à l’autre, que les valeurs s’opposent au gré des frontières. Cela étant, du haut de son jeune age, ce qu’elle sait c’est qu’elle ne sait rien, à part que l’amour égoïste s’empare de sa planète. Fief d’un nouveau courant de pensée, il progresse en parallèle de l’évolution des mœurs.

Ainsi, Eden n’est pas dupe, et elle a logiquement pu constater que les dernières décennies ont marquées le triomphe de l’ego. L’affirmation de soi jadis moyen de vivre, est aujourd’hui une finalité, légitimée au-devant de la liberté d’autrui. Ici, rien avoir avec le jardin d’Eden et sa pomme d’amour, ce sont les divorces qui fleurissent à défaut d’y voir la nature, les germes de tromperies poussent à vitesse grand V, et le libertinage prolifèrent comme des orties. Un potager mal entretenu.

Eden ne met jamais un pied dehors par hantise d’affronter les mauvaises herbes. Elle appréhende trop la férocité de cet espace botanique pour s’y risquer. Par élimination, elle opte pour l’isolement par complaisance. A travers sa fenêtre, elle regarde paisiblement les étoiles avant qu’une bande de troublions ne viennent interrompre ses songes. Alors, elle rend grâce à cette vitre qui la maintient à l’abri de cet enfer, en se disant qu’il vaut mieux prévenir que guérir.

En ce soir de février, Eden est donc à nouveau repliée sur elle-même, dans son monde. C’est un monde à part entière, mais pourtant virtuel et manichéen. Son imaginaire est simplement une torpeur inévitable, qu’elle ne parvient pas à résoudre. Incomprise par ses géniteurs, simulatrice selon ses pairs, elle ne cesse de bouillonner dans une culture d’instabilité latente, pour rechuter dans ce qu’elle sait faire de mieux, une introspection de son âme.  Les mauvaises herbes se propagent, tout comme l’égoïsme se transmet à la malheureuse Eden. En fait, elle est une des pionnières de ce mouvement radical. Cela fait presque une décennie qu’elle traîne ce courant de pensée. Or, à la différence de tous, son égoïsme n’est pas un caprice luxueux, mais un besoin vital, un instinct de survie pour notre princesse.

Elle ne jure que par ça, à chacun sa thérapie. Mais comme chaque soir d’ailleurs, elle frôle l’overdose avant de regagner les bras de Morphée. Oui, de 7h à minuit, alors que certains mangent cacher, d’autres Allal, Eden elle s’empiffre d’égoïsme. Adepte par défaut, elle s’en contente. Plus grave encore, les effets non voulus et secondaires de ce comportement ; Non seulement, elle s’empoisonne, mais elle détruit et saccage son entourage si peu sont t ils. 

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