Les Copains d'Avant...

Jean Pierre Martinez

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D'abord scénariste, Jean-Pierre Martinez est aujourd'hui auteur de théâtre.
Pour le petit écran, il a écrit une soixantaine d'épisodes de séries : Avocats & Associés, Équipe Médicale d'Urgence, Enquêtes Réservées, Sur Le Fil, Extrême Limite, Studio Sud,
Cap des Pins, La Vie Devant Nous, Indaba, La Dernière Réserve...
Pour la scène, il a écrit quinze comédies : Café des Sports, Come Back, Photo de Famille, Elle et Lui, Strip Poker, Brèves du Temps Perdu, Morts de Rire, Vendredi 13, Le Comptoir, Bed & Breakfast, Les Monoblogues, Sens Interdit, Happy Hour, Eurostar, Le Bocal...
Ses pièces ont déjà été montées par une centaine de compagnies amateurs ou professionnelles, tant en France que dans les pays francophones et hispanophones.
Il est sociétaire de la SACD et membre des Ecrivains Associés du Théâtre.
Toutes ses pièces sont librement téléchargeables sur son site : http://comediatheque.net

Les Copains d'Avant...
et leurs Copines

Une comédie de Jean-Pierre Martinez


Nicolas

Antoine

Estelle

Brigitte


ACTE 1


Un appartement sentant la vie de bohême, meublé principalement de cartons, apparemment en prévision d'un déménagement. Nicolas, la trentaine, look de looser sympathique, fait les cent pas, pensif. Il se décide, décroche le téléphone, et attend nerveusement pendant que ça sonne à l'autre bout du fil.

Nicolas (avec une amabilité surjouée) - Allo, Brigitte Paradis ? Vous avez bien fréquenté l'École Saint-Sulpice de Villiers-sur-Marne dans les années 90...? (Se laissant aller petit à petit) Vous êtes brune, avec des yeux noisette, et une poitrine plutôt...? (Brusquement) Excusez-moi, j'ai dû faire un faux numéro. Je cherche une rousse aux yeux gris avec des petits seins...

Il raccroche, et pousse un soupir de soulagement satisfait, interrompu par la sonnerie de la porte d'entrée. Nicolas va ouvrir. Antoine arrive, la trentaine aussi, look de professeur d'éducation physique en civil.

Nicolas - Salut Antoine ! Entre... Estelle n'est pas avec toi ?

Antoine - Si, si, elle est en train de garer la bagnole. Pas facile de trouver une place, dans ton quartier, hein ? Ça fait trois fois qu'on fait le tour. Alors je lui ai dit de me déposer, pour que j'ai le temps d'acheter une bouteille, histoire de pas arriver les mains vides...

Nicolas (ne voyant pas la bouteille) - Ah, ok...

Antoine (regardant Nicolas) - Nicolas ! Eh ben... Si je t'avais croisé dans la rue, je ne t'aurais pas reconnu... Ça fait au moins dix ans, non ?

Nicolas - Neuf.

Antoine - Eh oui ! L'année du bac... Tu te souviens ? Les grèves ! On avait passé tout le mois de mai à draguer sur les pelouses... Ce n'était pas soixante-huit... ni même soixante-neuf, mais bon... On n'avait rien foutu, et ils ont donné le bac à tout le monde...

Nicolas - Oui... Je dois être le seul à l'avoir raté, cette année-là...

Antoine - Je suis désolé, je n'ai rien amené, du coup... Je voulais prendre une bouteille de mousseux en passant, mais la supérette d'en bas était déjà fermée...

Nicolas - Ah ouais...? Normalement, ils ferment à huit heures...

Antoine jette un coup d'oeil sur l'appartement sordide de Nicolas.

Antoine (faux-cul) - Tu es bien installé, dis donc...

Nicolas - C'est un pote qui me prête son appart pendant qu'il n'est pas là, pour me dépanner... L'avantage, c'est qu'il n'y a même pas de loyer à payer. Ça vient d'être classé logement insalubre.

Antoine (ne relevant pas) - Toujours célibataire ?

Nicolas - Ouais...

Antoine - Veinard ! Tu ne sais pas la chance que t'as... Et tu fais quoi, maintenant ?

Nicolas - Je suis comédien...

Antoine - Ce n'est pas vrai ? T'as continué, alors ?

Nicolas - Quand on a le virus... Et toi ? Tu as laissé tomber ?

Antoine (emphatique) - Errare humanum est, perseverare diabolicum !

Nicolas - T'es prof de latin ?

Antoine - De gym... J'ai deux gosses, mon vieux. Alors le théâtre, tu penses bien... Et toi, ça marche ?

Nicolas - Tu as vu le dernier épisode de Navarro ?

Tête d'Antoine signifiant qu'il ne sait pas trop.

Nicolas - Dans la scène avec le légiste, là, c'est moi...

Antoine - Le légiste de Navarro, c'est toi ?

Nicolas - Pas le légiste... Le cadavre...

Antoine - Ah ouais, d'accord... Je ne t'aurais pas reconnu, dis donc... Je me suis toujours demandé comment ils faisaient pour ne pas bouger, comme ça... Ça ne doit pas être évident, hein ?

Nicolas - C'est un métier... Enfin, c'est surtout le maquillage, qui prend beaucoup de temps...

Antoine - Et Navarro, il est sympa... Enfin, je veux dire Roger Hanin...

Nicolas - Tu sais, je ne l'ai pas beaucoup vu, hein... Comme j'avais les yeux fermés...

Antoine - Ah, ouais... Et sinon, tu as d'autres projets...?

Nicolas - Pour l'instant, je suis en arrêt maladie...

Antoine - Ah... (Tentant de plaisanter) Ce n'est pas contagieux, au moins...?

Nicolas (sinistre) - Non, non, rassure-toi... C'est mortel, mais c'est pas contagieux...

Antoine prend évidemment cela comme une blague à froid. Il jette un regard intrigué autour de lui et constate l'absence de tout autre invité et de tout préparatif de fête. Il remarque aussi les cartons...

Antoine (inquiet) - Tu déménages...?

Nicolas - Euh... Non... Enfin, pas tout de suite... Mais comme on risque d'être expulsés à tout moment, je préfère ne pas déballer les cartons...

Antoine - J'ai eu peur... J'ai cru que tu nous avais fait venir pour charger le camion...

Nicolas ne dit rien et semble préoccupé. Antoine commence à se demander ce qu'il fait là. Il regarde Nicolas en essayant de faire bonne figure, mais ne sait plus très bien quoi dire.

Antoine - Ça sent le fauve, ici, non...? Tu as un chat ?

Nicolas - Un iguane.

Antoine - Ah, ouais...

Nicolas - C'est mon pote qui me l'a laissé en partant. Il me prête son appart, et en échange, je nourris son iguane...

Silence embarrassé.

Antoine - Dis-moi, c'est vraiment très sympa de nous avoir invités, mais on fête quelque chose, là...? C'est ton anniversaire, ou...? On est peut-être un peu en avance...?

Nicolas (ailleurs) - Euh... Non, non... On n'attend personne d'autre... Enfin, à part Estelle...

Antoine - Bon...

Nicolas - Ça me fera plaisir de la revoir... On s'est croisé, une fois ou deux... Qu'est-ce qu'elle fait, maintenant...?

Antoine - Elle est dans la communication...

Silence embarrassé.

Antoine - Et c'est sympa, un iguane ?

Nicolas - Quand c'est petit, c'est tès affectueux... Enfin, ça ne bouge pas. Mais en grandissant, il paraît que ça peut devenir agressif.

Antoine - En grandissant...

Nicolas - Ça peut atteindre dans les deux mètres. Non, mais rassure-toi, je l'ai enfermé dans la salle de bain...

Nouveau silence.

Antoine - Alors, comme ça, tu as eu l'idée de nous réunir tous les trois ? Pour se rappeler le bon vieux temps...

Nicolas - En fait, j'avais quelque chose à vous demander. Mais je préfère attendre que Estelle soit là...

La sonnette de la porte se fait à nouveau entendre.

Antoine - Ah... Quand on parle du loup...

Nicolas va ouvrir.

Nicolas - Salut Estelle...! Entre...

Nicolas revient, suivi de Estelle, la trentaine également, et plutôt belle fille. À son absence de maquillage et à son look soigné mais un peu sévère, on devine cependant qu'elle a désormais d'autres priorités que de séduire... même son mari. Estelle a une bouteille de Champagne Moët et Chandon à la main.

Antoine - Ben qu'est-ce que t'as foutu ? Ça fait un quart d'heure qu'on t'attend...

Estelle lance un regard agacé à Antoine, avant de l'ignorer pour s'adresser à Nicolas.

Estelle - Je n'arrivais pas à trouver une place... (Elle tend à Nicolas sa bouteille de Champagne) Tiens, j'ai pris ça à la supérette d'en bas...

Nicolas - C'était pas fermé, finalement...?

Embarras d'Antoine.

Estelle (pas très enthousiaste) Alors c'est une réunion nostalgie, c'est ça ? Les Trois Mousquetaires du Lycée Saint Sulpice, dix ans après...

Nicolas - Neuf... Je vais sortir des coupes...

Nicolas pose la bouteille sur la table et farfouille dans divers cartons à la recherche de coupes, pendant que Antoine et Estelle échangent un regard perplexe, se demandant visiblement pourquoi ils sont là.

Nicolas - Je ne sais plus dans quel carton c'est... (À Estelle) Tu as dû en faire du chemin, toi aussi, depuis qu'on a quitté le lycée... Tu es dans quoi, exactement ?

Estelle - Dans la pub... Je suis assistante de direction...

Antoine (ironique) - C'est le nom qu'on donne aux secrétaires, maintenant.

Air renfrogné de Estelle.

Antoine - Remarque, c'est peut-être ce que j'aurais dû faire, moi, secrétaire bilingue, parce que prof, tu sais... On n'est pas payé lourd... Non, et puis il n'y a plus aucune discipline... Tu ne peux pas savoir ce que les jeunes de maintenant peuvent être violents... Remarquez, nous, on était pas mal non plus, hein ? (À Nicolas, en se marrant) Tu te souviens de ce gamin, en sixième, qu'on avait accroché par le col au portemanteau ? On appelait ça jouer au pendu.  Si un autre élève n'était pas passé par là et ne l'avait pas décroché... Il était déjà tout bleu...

Nicolas - Oui, je m'en souviens très bien... C'était moi...

Antoine - C'est toi qui l'a décroché...?

Nicolas - Non le... le pendu... C'était moi...

Antoine (gêné) - Ah ouais... Ah je ne me souvenais plus du tout que c'était toi, dis donc, c'est marrant... Je crois que c'est comme ça qu'on a fait connaissance, d'ailleurs...

Nicolas - Ouais...

Antoine - Ah, la, la... C'était le bon temps...

Nicolas préfère changer de sujet.

Nicolas - Alors comme ça, c'est toi qui a fini par épouser la belle Estelle ? Petit veinard... Après avoir brisé les coeurs de tous les autres garçons du lycée...

Estelle élude modestement.

Antoine - On n'est pas encore mariés, en fait.

Estelle (piquée) - Mais on a quand même deux enfants ensemble. Ça crée des liens...

Nicolas - Et tu es retourné enseigner au Lycée Saint-Sulpice ? Tu ne milites plus à la Ligue Communiste Révolutionnaire, alors...

Antoine - Je suis chez les Verts, maintenant... Qu'est-ce que tu veux... Il faut voir la réalité en face... Je reviendrai enseigner dans le public quand on aura réformé l'école...

Nicolas pose sur la table les seuls verres qu'il a trouvés : des verres à moutarde genre Disney.

Nicolas - Désolé, c'est tout ce que j'ai trouvé... Les coupes doivent être dans un autre carton (À Estelle, sinistre) Je te laisse déboucher la bouteille... Je ne sais pas si j'ai encore la force...

Antoine et Estelle échangent un regard inquiet, un peu interloqués par cette dernière remarque. Antoine laisse peu élégamment Estelle prendre la bouteille pour l'ouvrir. Antoine tente de relancer la conversation.

Antoine - Alors, petit cachottier... Pourquoi tu nous as fait venir ? Tu te maries, c'est ça ? Tu as besoin de deux témoins, alors tu t'es souvenu de tes vieux amis du lycée...?

Estelle commence à enlever les fils de fer qui retiennent le bouchon de la bouteille.

Nicolas - Euh... Non... Malheureusement, ce n'est pas ma vie de garçon que j'enterre...

Antoine et Estelle sont à nouveau surpris par le ton grave de cet aveu.

Antoine - Attends, ce n'est pas si grave, hein... Tu sais la vie à deux, ça n'a pas que des avantages...

Air offusqué de Estelle.

Nicolas - Vous vous souvenez de cette pièce que j'avais écrite, en terminale ?

Les deux autres, pensant qu'il a changé de sujet, se détendent un peu.

Antoine (hilare) - Ah, oui ! Qu'est-ce qu'on a rigolé, avec ça ! Comment ça s'appelait, déjà ?

Nicolas (très sérieusement) - Premier Amour...

Antoine (se marrant) - C'est ça ! Premier Amour... Quel daube c'était... Heureusement qu'on n'a jamais pu la jouer... Tu l'as toujours ? Ça me ferait marrer de relire ça maintenant...

Nicolas - Évidemment, je l'ai un peu adaptée... Maintenant, ça s'appelle Premier Amour... et Dernière Volonté.

Estelle - Dernière Volonté...?

Un temps.

Nicolas - Je ne savais pas trop comment vous annoncer ça mais... Je n'en ai plus que pour six mois...

Le bouchon de la bouteille saute et Estelle, pétrifiée, laisse le Champagne s'écouler par terre. Antoine aussi s'est figé. Seul Nicolas a le réflexe de placer un verre sous le goulot pour éviter que la bouteille ne se vide complètement. Il récupère la bouteille et termine le service en poursuivant ses explications.

Nicolas - J'ai appris la semaine dernière que j'étais atteint d'une maladie incurable.

Malaise.

Antoine - Et pourtant à te voir, comme ça...

Estelle - T'as l'air en pleine forme... Hein Antoine ?

Antoine - Enfin, t'as l'air comme d'habitude, quoi...

Nicolas - Il n'y a presqu'aucun symptôme, mais ça perturbe les flux électriques qui circulent dans le cerveau. Et un beau jour, c'est comme si les plombs sautaient... Ça disjoncte... (Pour signifier ce court-circuit il fait un grand geste avec les bras en envoyant ainsi gicler sans s'en rendre compte le contenu du verre qu'il tient à la main). Il n'y a plus de réseau... Ça peut arriver à n'importe quel moment...

Les deux autres se regardent, ne sachant pas quoi dire.

Nicolas - Eh oui... Je n'ai jamais réussi à décrocher mon bac, mais je suis quand même au stade terminal... (Un temps) L'avantage, c'est que je ne souffrirai pas.

Estelle - Désolée pour le Champagne...

Nicolas - Tu ne pouvais pas savoir... Mais la prochaine fois, amène plutôt des fleurs... (Levant son verre pour trinquer) Allez, à la vôtre... On ne va pas le laisser perdre...

Ils trinquent dans une ambiance sinistre.

Estelle - Mais c'est quoi, cette maladie, exactement...

Nicolas se lève et revient avec une grande enveloppe dont il sort une radio.

Nicolas - C'est une anomalie très rare. Les médecins appellent ça une maladie orpheline...

Antoine - Au moins, toi, tu ne laisseras pas d'orphelins derrière toi... À part ton iguane...

Estelle lance à Antoine un regard étonné à la mention de l'iguane.

Nicolas - On n'est que trois dans le monde a être frappés de cette maladie génétique. Et encore, sur les deux autres, il y a un Malgache et un Srilankais. Vous pensez bien que les labos n'ont pas très envie d'investir dans la recherche... (Désignant un endroit sur la photo) Vous voyez, les deux taches, là...?

Les autres regardent, ne voient rien, mais acquiescent poliment.

Antoine - Ah, oui, c'est moche...

Estelle - Et il n'y a vraiment aucun espoir...?

Nicolas - Un grand chirurgien de Los Angeles a déjà tenté ce genre d'opération... Mais évidemment, ça coûte très cher... Vous imaginez bien que je n'ai pas les moyens... Je n'arrive déjà pas à payer un loyer...

Antoine et Estelle échangent un regard inquiet.

Nicolas - Je crois qu'il me reste des cacahuètes, quelque part. Je vais aller les chercher...

Nicolas sorti, Antoine et Estelle échangent un regard consterné.

Antoine - Le pauvre...! Il n'aura jamais eu de chance... Trois malades dans le monde, et il fallait que ça tombe sur lui...

Estelle - Bon d'accord, c'est triste, mais... On ne va pas non plus faire le Téléthon à nous deux... On ne le voit pas pendant dix ans, et comme ça, tout d'un coup...

Antoine - Surtout qu'entre nous, Nicolas... Même à l'époque... On n'était pas si copains que ça, non ?

Estelle - C'est pour ça que je n'ai pas très bien compris quand il nous a téléphoné...

Nicolas revient avec un énorme sac de cacahuètes non décortiquées, qu'il dépose sur la table. Antoine et Estelle sont évidemment étonnés.

Antoine - Eh, ben...

Estelle - Je crois que je n'ai jamais vu autant de cacahuètes en même temps...

Nicolas - Ah, ouais... Non, c'est parce que... J'avais tourné une pub il y trois ans, pour des cacahuètes, justement. Et on nous avait laissé emmené un sac, à la fin...

Antoine (hilare) - C'est vraiment ce qui s'appelle être payé des cacahuètes...

Estelle lui lance un regard pour le rappeler à la décence en présence d'un grand malade.

Nicolas - Le pire, c'est que je ne peux même pas en manger. Je suis allergique.

Estelle - T'es allergique aux cacahuètes ?

Nicolas - À l'arachide en général... Mais allez-y, servez-vous...

Estelle et Antoine se mettent à décortiquer et à bouffer les cacahuètes, pour meubler un silence embarrassé.

Antoine - Écoute, Nicolas, ça nous aurait fait plaisir de t'aider pour ton opération, mais tu sais... Avec mon salaire de prof... et le salaire de secrétaire d'Estelle...

Estelle - Assistante.

Nicolas - Ah, non, c'est très gentil de votre part, mais je ne vous demande pas d'argent, hein...

Têtes des deux autres, soulagés, mais qui se demandent alors où il veut en venir.

Nicolas - Non... J'ai renoncé à me faire opérer. C'est trop risqué... Je suis allergique à la pénicilline...

Estelle - En plus des cacahuètes...!

Nicolas - Je risquerais de ne pas supporter l'anesthésie et de finir dans le coma...

Antoine - Ah, oui, si c'est pour finir dans le coma...

Nicolas - Non, je sais que je n'en ai plus pour longtemps... Quelques mois, peut-être... Et je voulais juste réaliser un dernier rêve... C'est pour ça que je vous ai demandé de venir...

Estelle (incrédule) - Ton rêve, c'était de nous revoir une dernière fois avant de mourir ?

Nicolas - Pas seulement... Je vous ressers ?

Antoine et Estelle, qui ont bien besoin d'un petit remontant, ne disent pas non. Nicolas les ressert, et ils vident leurs verres en silence.

Antoine - Ah, c'est du bon, hein ?

Approbation générale, donnant le temps à chacun de reprendre ses esprits.

Nicolas - Prenez des cacahuètes...

Antoine se sert, tandis que Estelle reste prudemment sur la défensive.

Nicolas - Non, c'est à propos de ma pièce. Celle qu'on n'a jamais pu jouer...

Antoine - Eh, oui, vous vous souvenez ? Le second rôle féminin avait disparu à une semaine de la générale... (Nostalgique) Brigitte Paradis...

Nicolas - Et si je vous proposais de m'aider à la monter... Dix ans après...?

Antoine (mort de rire) - De monter Brigitte Paradis ?

Estelle (méfiante) - De t'aider...? Financièrement, tu veux dire ?

Nicolas - Non, qu'on la joue ensemble ! Comme on voulait le faire il y a dix ans. Qu'est-ce que vous diriez...?

Blanc.

Antoine (anéanti) - Eh oui... Qu'est-ce qu'on dirait...?

Estelle - Tu plaisantes, là...

Nicolas (pathétique) - Je voudrais absolument jouer cette pièce avant de mourir... Après, je pourrai partir en paix... Avec un peu de chance, je mourrai sur scène...

Antoine - Eh oui... Comme Molière...

Estelle - Oui, mais... Tu n'es pas Molière...

Nicolas - J'ai complètement réécrit la pièce, vous verrez... Quand vous l'aurez lue, vous serez emballés !

Antoine - Mais... On n'est pas comédiens... Enfin, on ne l'est plus...

Estelle - On ne l'a jamais vraiment été...

Nicolas - Je ne suis pas vraiment auteur non plus... Je vous demande seulement de m'aider à réaliser ce dernier rêve. Au nom de notre amitié...

Les deux autres se regardent, se demandant comment ils vont s'en sortir.

Estelle - Notre amitié...?

Nicolas se prend la tête entre les mains, comme s'il était en proie à un soudain mal de tête.

Nicolas - Excusez-moi, c'est l'heure de mes cachets. Malheureusement, en tant que comédien, c'est les seuls que je prenne régulièrement...

Nicolas quitte la pièce.

Antoine - Oh, putain...!

Estelle - Comme tu dis...

Antoine - Et si on essayait de le convaincre de se faire opérer quand même...

Estelle - Tu l'as entendu... Il a peur de finir comme un légume... Remarque, il n'en était déjà pas très loin... Je ne suis pas sûre qu'on verrait la différence...

Antoine - Qu'est-ce qu'on fait, alors ?

Estelle - Tu nous vois monter sur scène pour jouer sa pièce à l'eau de rose d'adolescents boutonneux ?

Antoine - Avec un peu de chance, il clabotera avant la première.

Estelle - On n'est jamais à l'abri d'une rémission...

Nicolas revient en pleine forme, avec deux textes, qu'il leur distribue.

Nicolas - Je vous en ai fait un exemplaire chacun. J'ai changé la fin, vous verrez... La pièce y gagne beaucoup... Bon, vous n'êtes pas obligés de lire ça tout de suite, hein... Je vous laisse le temps de réfléchir... Enfin, pas trop longtemps quand même... Je vous ressers ?

Nicolas prend la bouteille de Champagne pour une dernière tournée. Se servant en dernier, il vide la dernière goutte dans son verre.

Antoine - Ah, marié dans l'année...

Estelle lui lance un regard consterné.

Estelle - Écoute, Nicolas, on aimerait bien t'aider, mais tu sais... Antoine et moi, on a deux enfants, maintenant. Et puis on a chacun notre boulot... Comédien, c'est un métier... C'est le tien, mais ce n'est pas le nôtre... Et puis il faudrait trouver un théâtre... Avec des têtes d'affiches comme nous...

Nicolas - Non, mais attendez, je ne demande pas la Comédie Française, hein... Toi, Antoine, avec ton lycée, tu pourrais nous trouver une salle... Et toi Estelle, qui est dans la pub, tu pourrais nous faire les affiches...

Les deux autres commencent à être à court d'arguments.

Estelle - Mais il y avait un deuxième rôle féminin, dans ta pièce, non...?

Antoine (se souvenant, grivois) - Eh, eh, eh... Eh oui...! La pulpeuse Brigitte...

Estelle lui lance un nouveau regard pour le rappeler à plus de mesure.

Estelle - Tu avais même écrit la pièce pour elle...

Antoine - Dans le seul but de lui rouler un patin dans la dernière scène...

Estelle - On ne peut pas la jouer sans elle, cette pièce... Ça n'aurait pas de sens...

Antoine - Eh oui... Malheureusement, elle a complètement disparu de la circulation à quelques semaines du bac... C'est même pour ça qu'on n'a jamais pu la jouer, ta pièce... Heureusement, dans un sens... Vous vous souvenez... On n'a plus jamais entendu parler d'elle...

Nicolas (ravi) - Eh ben justement...

Les deux autres le regardent, inquiets.

Estelle - Justement quoi...?

Nicolas (triomphant) - Je l'ai retrouvée !

Estelle - Tu as retrouvé Brigitte Paradis ?

Antoine - La Brigitte Paradis ?

Nicolas - Elle-même !

Estelle - Mais comment tu as fait...?

Nicolas - Les Copains d'Avant ! Vous savez...

Antoine - Les Copains d'Avant...?

Nicolas - Sur Internet ! Ce site qui permet de retrouver la trace des gens avec qui on était à l'école.

Estelle - Ah, ouais... Il suffisait d'y penser...

Nicolas - De temps en temps, je faisais une recherche en tapant son nom... Sans résultat... Et puis la semaine dernière, Bingo ! Elle habite dans le Quinzième...

Estelle - Et tu es sûr que c'est elle ? Il ne doit pas y avoir qu'une Brigitte Paradis, à Paris...

Antoine (se souvenant) - Pas des Brigittes avec des roberts comme ça...

Estelle - Tu l'as appelée ?

Nicolas - Non... Pas vraiment...

Regards perplexes des deux autres.

Nicolas - Enfin suffisamment pour être sûr que c'est bien elle...

Estelle - Et tu crois qu'elle va accepter de jouer dans ta pièce ? Je ne sais pas, moi... Elle a dans les 30 ans, maintenant... Elle est peut-être mariée...

Antoine - Enfin, vu son physique, ce n'est pas le plus probable, mais bon... On ne sait jamais... Elle a pu tomber sur un pervers...

Nicolas - Elle porte toujours son nom de jeune fille...

Estelle - Ça, ça ne veut rien dire, hein ? Moi aussi...

Antoine - Et au sujet de... ta maladie, tu comptes lui dire aussi...?

Nicolas - Non, je ne préfère pas... Enfin pas tout de suite... Je ne voudrais pas qu'elle accepte le rôle par pitié...

Estelle - À nous, tu nous l'as bien dit...

Nicolas - Vous, je savais que sinon, vous n'accepteriez jamais.

Silence embarrassé.

Estelle - Alors qu'est-ce que tu vas lui raconter ? J'ai retrouvé la pièce que j'avais écrite pour toi quand on avait dix-sept ans... On recommence les répétitions ce soir, après un petit intermède de dix ans ?

Antoine - Neuf...

Nicolas - C'est-à-dire que... Je comptais un peu sur vous pour essayer de la convaincre... Elle vous aimait bien, vous aussi... On était très proches, tous les quatre, non...?

Embarras des deux autres.

Nicolas (à Antoine) - Tu ferais ça pour moi...?

Antoine - Tu sais, on ne se connaissait pas tant que ça... (À Estelle) Tu ne veux pas l'appeler, toi ?

Estelle (outrée) - Moi ? Pourquoi moi ?

Nicolas - Tu es une fille, elle se méfiera moins... Et puis tu bosses dans la pub... Le baratin, ça doit te connaître, non ?

Tête renfrognée de Estelle.

Estelle - Non, excuse-moi Nicolas, mais je ne peux vraiment pas faire ça... Qu'est-ce que je pourrais bien lui raconter, à cette pauvre fille ?

Antoine - Elle ne doit même plus se souvenir de nous. Enfin, j'espère...

Nicolas se lève.

Nicolas - Bon...

Pensant qu'il renonce, les autres paraissent un peu soulagés.

Nicolas - Ben c'est moi qui vais l'appeler, alors... Je vais téléphoner de la chambre, je serai plus tranquille.

Nicolas sort vers la chambre. Les deux autres se regardent, perplexes.

Estelle - Eh ben on est mal barrés, hein...

Antoine - Elle va lui raccrocher au nez, c'est évident. Et après, il nous foutra la paix, avec sa pièce à la noix...

Estelle - Je ne sais pas... Je le sens mal... J'ai l'impression d'être tombée dans un traquenard...On ferait mieux de se barrer pendant qu'il est au téléphone...

Estelle se lève déjà.

Antoine - Attends, on ne peut pas lui faire ça. Dans son état... Et puis qu'est-ce que tu veux qui nous arrive...? Si par miracle, elle acceptait, le temps que tout ça s'organise... On jouera la montre...

Silence.

Antoine (se souvenant) - Brigitte Paradis...

Un temps.

Estelle - C'était un thon, non ?

Nicolas revient, la mine soucieuse. Les deux autres se réjouissent déjà.

Estelle - Alors ?

Nicolas - Elle monte dans un taxi, et elle arrive.

Têtes des deux autres.

Estelle - Elle a accepté de venir ? Comme ça ?

Antoine - Mais qu'est-ce que tu lui as raconté ?

Nicolas - Je lui ai dit que Estelle se mariait avec toi, qu'elle enterrait sa vie de jeune fille, et que ça lui ferait plaisir de la revoir...

Estelle (horrifiée) - T'as pas fait ça ?

Nicolas - Désolé, c'est tout ce qui m'est venu à l'esprit...

Antoine - Brigitte "Paradis"... La bien nommée... (À Nicolas avec un geste suggestif) Tu te souviens de cette paire qu'elle avait...

Nicolas est partagé entre la révolte devant la vulgarité d'Antoine en présence de Estelle... et le souvenir ému des roberts de Brigitte.

Nicolas - Et dire qu'aucun de nous deux ne se l'est faite, à l'époque...

Le sourire d'Antoine se fige un peu.

Antoine - Eh oui... Allez, avoue... Ta dernière volonté, ce ne serait pas de sauter Brigitte Paradis, plutôt...?

Estelle est consternée par la balourdise d'Antoine.

Nicolas - Ce n'est pas pour me vanter, mais je crois que j'étais en pole position... Si seulement elle n'avait pas disparu à deux mois de la première.

Estelle - La terminale, tu veux dire. On allait passer le bac...

Nicolas - La première de ma pièce...

Estelle - Ah, oui, la pièce... J'avais oublié... Et tu lui en as parlé, de ta pièce ? En plus de mon mariage...

Nicolas - Ben, non... Je n'ai pas osé...

Estelle (ironique) - Oui, je comprends... Tandis que mon enterrement de vie de jeune fille...

Antoine (toujours rêveur) - Brigitte Paradis...

Estelle - Oui, bon, ça va... Tu ne vas pas répéter ça toute la soirée...

Antoine - Elle est peut-être devenue énorme, hein ? Elle était déjà un peu boulotte à l'époque...

Nicolas - Boulotte...? Elle était bien en chair, c'est tout...

Estelle - Elle n'avait pas des lunettes ?

Nicolas, embarrassé, sort d'un carton une photo agrandie et encadrée.

Nicolas - Tenez, j'ai retrouvé une photo d'elle, par hasard, en faisant mes cartons...

Nicolas regarde un instant la photo, ému, avant de la tendre à Antoine qui la prend, un peu inquiet.

Antoine (regardant la photo) - Ah, oui, quand même... Je ne me souvenais pas que c'était à ce point-là...

Antoine tend la photo à Estelle, qui la regarde avec des yeux effarés.

Estelle - Non, mais vous vous rendez compte...? S'il elle était déjà comme ça il y a dix ans... Maintenant, elle a peut-être de la cellulite, des varices et des double-foyer...

Antoine (se marrant, à Antoine) - Ça expliquerait son empressement à se précipiter dans ce traquenard tendu par un jeune et beau garçon en pleine santé comme toi...

Estelle fait un signe à Antoine pour le ramener à plus de décence.

Antoine - Excuse-moi, Nicolas, j'avais oublié, pour ta maladie...

Nicolas récupère la photo encadrée de Brigitte.

Nicolas - Ce n'est pas grave...

On sonne à la porte.

Antoine - Déjà ?

Nicolas reste sans bouger, comme tétanisé, la photo de Brigitte à la main.

Estelle - Bon ben va ouvrir...!

Nicolas - J'y vais...

Nicolas planque à nouveau la photo dans le tiroir, et va ouvrir la porte.

Nicolas - Oui...? Ah, oui, merci...

Nicolas revient, la mine soucieuse, avec un papier officiel entre les mains, qu'il pose quelque part.

Estelle - Quelque chose de grave ?

Nicolas - Non, non... Un avis d'expulsion...

Antoine - Ah, quand même...

Nicolas - L'immeuble est complètement fissuré... C'est pour ça que je dois déménager...

Têtes des deux autres, qui regardent les cartons.

Estelle (inquiète) - Mais fissuré, euh...?

Nicolas - Ce n'est plus réparable... Ça risque de s'écrouler à tout moment... Surtout avec le métro qui passe en dessous... Vous ne sentez pas les vibrations, toutes les trois minutes ?

Un métro passe. Silence...

Nicolas - Je me suis toujours demandé pourquoi elle était partie comme ça, sans prévenir personne, un mois avant le bac...

Silence embarrassé des deux autres.

Nicolas - Prenez des cacahuètes...

Estelle (pour changer de sujet) - Et toi, ton bac, tu ne l'as jamais repassé...?

Nicolas - Non... Après je me suis attaqué au permis de conduire... Mais je l'ai raté aussi...

Estelle - Mais tu l'as repassé...

Nicolas - Ah oui, évidemment... Tous les ans... Mais au bout de huit fois, j'ai laissé tomber... (Plaisantant) Au moins, le bac, je l'ai raté du premier coup.

Un temps.

Nicolas (soupirant) - Qu'est-ce qu'on a pu s'emmerder, dans cette putain de boîte à bac, vous vous souvenez ?

Estelle - Saint-Sulpice... On appelait ça Saint-Supplice...

Antoine - 98 % de réussite au bac, d'accord, mais à quel prix. C'était même pas mixte, à l'époque... Pour éviter qu'on pense à autre chose qu'à nos études...

Nicolas - Ouais... Brigitte et toi, vous étiez les seules filles du bahut. (À Estelle) Ils avaient fait une exception pour toi parce que tu étais la fille du prof de latin et de la prof de grec. Et pour Brigitte parce que c'était la fille du prof d'allemand et de la prof d'anglais...

Antoine - Les profs, on ne devrait pas les laisser se reproduire entre eux. Ça affaiblit la race. Au bout de trois générations, avec la consanguinité, ça peut engendrer des monstres.

Regard furibard de Estelle.

Antoine - Je ne dis pas ça pour toi, chérie, évidemment... Remarquez, pour Brigitte, ça n'avait pas que des inconvénients, hein ? (Se marrant) Vu comment elle était gaulée, dans un lycée mixte, elle aurait sûrement été beaucoup moins sollicitée...

Regard désapprobateur de Nicolas.

Antoine (à Nicolas) - Attends, tu t'imagines, tout seul dans une classe de 30 filles au milieu d'une école qui en accueillerait 300 ? Même avec ton physique ingrat ?

Nicolas - C'est sûr qu'elle n'avait pas beaucoup de concurrence...

Antoine - Et nous pas tellement le choix...

Nicolas - À part Estelle, bien sûr... Mais Estelle, à l'époque, on ne pouvait qu'en rêver, hein...? C'était l'inaccessible étoile...

Estelle - Etre la seule fille pour faire fantasmer toute une école de garçons en plein rut adolescent... Ce n'était pas forcément facile tous les jours, crois-moi...

On sonne à nouveau à la porte.

Nicolas - Cette fois, ça doit être elle...

Antoine - Brigitte Paradis...

Estelle - N'oublie pas qu'elle pèse peut-être cent kilos de plus...

Nicolas va ouvrir.


ACTE 2


Nicolas - Brigitte ! Eh ben... Je ne t'aurais pas reconnue...

Antoine et Estelle échangent un regard inquiet.

Brigitte entre dans la pièce. Elle a en effet changé. En mieux... Physique de top model et look de star : talons hauts, minijupe, lunettes noires et air éthéré. Antoine et Estelle en restent bouches bées en l'apercevant à leur tour.

Brigitte (aguicheuse) - Salut...

Antoine (estomaqué) - Brigitte Paradis...

Brigitte traverse la pièce en roulant des hanches comme si elle défilait sur un podium.

Brigitte - C'est bien moi, je t'assure... En chair et en os...

Elle se tourne vers Estelle.

Brigitte - Eh ben félicitations, Estelle...

Antoine - Félicitations...?

Brigitte - Pour votre mariage... (À Estelle) Vous vous mariez, non ?

Estelle - Ah, oui, enfin... Oui, oui, bien sûr...

Antoine - La date n'est pas encore fixée, mais bon...

Nicolas (à Brigitte) - Assied-toi, je t'en prie... Tu veux une coupe de champagne ? Pour trinquer aux mariés...

Brigitte s'assied en croisant des jambes interminables. Silence. Les deux mecs avalent difficilement leur salive. Du coup, Estelle, reléguée au second rôle, semble un peu jalouse.

Brigitte (ironique) - Arrêtez de tirer la langue comme ça... Si vous aviez soif à ce point-là, il ne fallait pas m'attendre...

Antoine - C'est-à-dire que... Mais qu'est-ce qui t'est arrivé...?

Tête de Brigitte.

Antoine - Enfin, je veux dire... Ça fait vraiment bizarre de se revoir, comme ça... Après tout ce temps... C'est incroyable ce que tu as changé...

Brigitte - Je ne sais pas trop comment je dois le prendre...

Estelle (ironique) - Oh...! En bien, je t'assure...

Brigitte - Ça non plus, je ne sais pas comment je dois le prendre...

Embarras des trois autres.

Brigitte (levant son verre) - Au bon vieux temps, alors ?

Ils trinquent.

Nicolas - Prenez des cacahuètes...

Antoine - Tu habites à Paris depuis longtemps ?

Brigitte - Non... J'ai vécu aux States, ces dernières années...

Estelle - Aux States...?

Brigitte - Oui... En France, c'était vraiment trop difficile de percer dans le show biz...

Antoine - Dans le show biz...?

Brigitte - Et puis aux US, ma grande soeur a pu me donner un coup de main...

Nicolas - Ta grande soeur ?

Brigitte - Vous comptez répéter systématiquement le dernier mot que je dis ? C'est une sorte de jeu ? (Un temps) Oui, ma grande soeur. Vanessa.

Estelle - Vanessa ?

Brigitte - Vanessa Paradis !

Stupéfaction des trois autres.

Nicolas - Vanessa Paradis ? C'est ta soeur ?

Brigitte - Ben, oui... Vous savez qu'elle vit aux US... Évidemment, elle connaît beaucoup de monde là-bas. Surtout depuis qu'elle est mariée avec Johnny...

Antoine - Vanessa Paradis s'est marié avec Johnny ?

Brigitte - Johnny Depp ! Vous n'allez jamais chez le coiffeur, ou quoi ?

Mesurant leur stupéfaction.

Brigitte - Vous ne saviez pas que Vanessa était ma soeur ? Ça se voit un peu, pourtant, non ?

Les deux mecs en profitent pour la détailler des pieds à la tête. Le charme plutôt charnu de Brigitte est loin du style lolita de Vanessa, mais bon...

Nicolas - Ah, oui, c'est vrai... Maintenant que tu nous le dis... Il y a un petit air de famille... (Aux deux autres) Vous ne trouvez pas ?

Estelle - Je ne savais pas que Vanessa Paradis avait une soeur...

Brigitte - Ça n'a rien de très extraordinaire, tu sais. Beaucoup de gens ont des soeurs...

Estelle - Non, je veux dire, euh... Je ne savais pas que sa soeur, c'était toi, Brigitte...

Brigitte - Qu'est-ce que tu veux... Malheureusement, être parent avec quelqu'un de célèbre, ce n'est pas forcément une garantie de notoriété... C'est comme pour ma copine Monica... Tout le monde connaît sa soeur, mais elle...

Estelle - Monica...?

Brigitte - Monica Cruz ! La soeur de Pénélope ! Tu vois, qu'est-ce que je disais...? Vous la connaissez à peine... Et pourtant, ça ne l'empêche pas de faire une belle carrière.

Nicolas - Eh, oui, ce n'est pas évident de se faire un prénom dans le show biz, hein...? Alors vous imaginez un peu, quand on n'a même pas de nom, comme moi...

Brigitte - Moi, je fais surtout du théâtre, alors bien sûr, on est un peu moins exposée... Évidemment, je suis plus connue aux États-Unis qu'en France...

Nicolas - C'est comme pour David Hallyday. Ici, personne ne sait qui c'est, mais aux Etats-unis, c'est une énorme star... Il paraît... Alors comme ça, tu as continué dans le théâtre ?

Brigitte - Ben oui... Je viens de terminer une pièce à Broadway. Plus de mille représentations... C'était génial, mais épuisant... Alors j'ai décidé de rentrer en France, pour me mettre un peu au vert... Et puis je crois que j'avais un peu le mal du pays. (Un temps) J'attends qu'on me fasse des propositions...

Nicolas - Des propositions...?

Brigitte - Pour une nouvelle pièce ! Je vous trouve un peu ramollis du bocal, là... À l'époque, vous étiez plus vifs, non ? (À Antoine et Estelle) Alors comme ça, vous vous mariez ?

Estelle (embarrassée) - Il paraît...

Brigitte - Et vous vouliez que je vienne à la noce avec ma grande soeur, c'est ça ? Vous savez, chanter dans les mariages, ce n'est plus trop son truc, à Vanessa... Et puis elle est très occupée, maintenant...

Nicolas - Surtout depuis qu'elle est maman, hein...?

Antoine - Comment elle s'appelle, ta nièce, déjà ?

Brigitte - Lily Rose...

Estelle - Ah oui, ce n'est pas banal... Elle, au moins, elle n'aura pas de problème à se faire un prénom.

Brigitte - C'est moins courant que Brigitte, c'est sûr... Mais dites-moi, vous ne m'avez pas invitée seulement pour choisir un prénom pour vos futurs enfants, si...?

Estelle - Mes futurs enfants... J'en ai déjà deux.

Brigitte - Ah, oui... Avec qui ?

Estelle - Ben avec Antoine !

Brigitte sourit ironiquement. Moment d'embarras.

Brigitte - Si vous me disiez vraiment pourquoi vous m'avez demandé de venir...?

Antoine - En fait, c'est plutôt une idée de Nicolas...

Antoine et Estelle se tournent vers Nicolas pour l'encourager.

Nicolas - Je... Eh ben maintenant, je ne sais pas si je vais oser t'en parler...

Brigitte - Allez, vas-y... On est entre vieux amis, non...?

Nicolas - Bon... Tu te souviens de cette pièce, qu'on avait failli jouer, l'année du bac ?

Brigitte - Premier Amour...

Nicolas - Je voulais la monter... Enfin, qu'on la remonte ensemble... Évidemment, c'était avant de savoir que tu étais devenue une star...

Brigitte (avec un soupçon, amusée) - Tu es vraiment sûr que tu ne savais pas...?

Nicolas - Je te jure... Pour moi, tu étais toujours la petite Brigitte que j'ai connue il y a dix ans au lycée...

Brigitte - Pourquoi maintenant...?

Nicolas hésite à nouveau.

Estelle (avec un air de circonstance) - Allez, dis-lui...

Nicolas - Cette pièce, c'est un peu mon bébé, et...

Brigitte - Ton bébé... C'est vrai que c'est long, pour monter une pièce, mais là... Dix ans de gestation... Ce ne sera pas un prématuré... Pourquoi tu es si pressé d'accoucher, tout d'un coup ?

Nicolas - Parce que... Je n'en ai plus pour longtemps...

Brigitte - Tu n'en as plus pour longtemps... à finir de l'écrire, tu veux dire ?

En guise de réponse, Nicolas lui sort ses radios. Brigitte les prend et les examine attentivement à la lumière de la lampe.

Nicolas - Tu vois, au milieu, ces deux taches là ?

Brigitte - Oui...

Nicolas - C'est des tumeurs au cerveau...

Brigitte le regarde interloquée.

Nicolas - Je suis atteint d'une maladie incurable, Brigitte... Je vais mourir...

Silence. Brigitte le regarde, interloquée.

Brigitte (très sérieuse) - Passe-moi ta pièce. Je vais la lire...

Nicolas - Maintenant ?

Brigitte - J'ai cru comprendre que c'était urgent, non ?

Nicolas - Oui, oui... Je vais la chercher...

Nicolas va chercher le texte dans la chambre, pendant que Antoine et Estelle gardent un silence embarrassé.

Estelle - Eh oui, on est bien peu de chose...

Antoine - Surtout lui...

Estelle - Remarque, il paraît qu'il ne souffrira pas...

Antoine - Si tu pouvais faire quelque chose pour sa pièce... J'imagine que tu dois connaître beaucoup de monde dans le show biz... Mais il ne faut pas te sentir obligée, non plus, hein... Par pitié... Je crois que ce n'est pas ce qu'il voudrait... (Un temps). Premier Amour... (Se marrant) Vous vous souvenez de la daube que c'était...?

Nicolas revenant, Antoine reprend immédiatement une mine de circonstance. Nicolas tend la pièce à Brigitte.

Nicolas - Je l'ai complètement réécrite, tu sais... Ça fait dix ans que j'y travaille...

Brigitte - Rassure-toi, je ne mettrai pas dix ans de plus pour la lire...

Elle se lève pour partir.

Brigitte - Bon... Ça m'a fait plaisir de vous revoir... (Les toisant du regard) Je vois qu'au fond, vous, vous n'avez pas tellement changé... Mais là, je ne suis pas sûre que ce soit un compliment... (À Nicolas) Pas la peine de me raccompagner, je connais le chemin...

Elle s'en va. Les trois autres restent seuls avec leur malaise. Long silence. Un ange est passé. Et ils se demandent s'ils n'ont pas rêvé.

Antoine - Brigitte Paradis... La soeur de Vanessa Paradis... Alors, là...

Nouveau silence.

Estelle - Elle se fout de nous, là, c'est évident...

Nicolas - Pas sûr, hein... Regardez Mitterrand, ils nous avaient bien caché sa fille... Pourquoi Vanessa Paradis ne nous aurait pas caché sa soeur...?

Les deux autres le regardent, cherchant le rapport.

Nicolas (plein d'espoir) - Vous vous rendez compte ? Pour moi, ce serait génial ! Si elle aime la pièce, et qu'elle décide de reprendre le rôle féminin, on n'aura aucun mal à trouver un producteur. Avec une tête d'affiche pareille !

Estelle - Attends, ne t'emballe pas trop vite... Même si elle ne nous a pas raconté des craques, ce n'est quand même que la soeur de Vanessa Paradis...

Nicolas - Tu plaisantes ! Un metteur en scène que je connais vient de monter une pièce avec la petite fille de Michèle Morgan, l'ex-femme de Johnny Hallyday et la fille du Commissaire Navarro, c'est un énorme succès !

Estelle - La fille du Commissaire Navarro ?

Nicolas - Bon, évidemment, il n'y a pas de secret, non plus. L'auteur de la pièce, c'est la fille cachée du beau-frère de Roger Hanin...

Le temps pour les deux autres de décoder.

Antoine - En tout cas, Brigitte, elle a drôlement changé, hein ? C'est la classe, non ?

Estelle - Oui, bon, ça va... Elle n'est pas non plus...

Nicolas - Ah, quand même...

Antoine - Si j'avais su, à l'époque... Ça, on peut dire que la grosse chenille est devenue un beau papillon...

Estelle - Un peu vulgaire, peut-être...

Antoine - Tu ne serais pas un peu jalouse, toi ? Non, franchement, c'est dingue, ce qu'on peut changer en dix ans...

Estelle - Oui... Remarque, vu d'où elle partait, ça ne pouvait que s'améliorer...

Antoine - C'est vrai que quand on part de plus haut, on ne peut que redescendre...

Estelle - C'est pour moi que tu dis ça...

Nicolas juge bon de changer de sujet.

Nicolas - Bon, ben... Puisqu'on est là, on va quand même enterrer ta vie de jeune fille, hein, Estelle...?

Il se lève pour farfouiller dans ses cartons.

Antoine - Euh... Je te rappelle qu'on ne se marie pas vraiment, hein ?

Estelle (pincée) - Merci, c'est très délicat de ta part de le rappeler.

Antoine - C'est mon côté anti-conformiste.

Estelle - Celui qui t'a conduit à retourner enseigner dans le lycée privé catholique où tu as fait toute ta scolarité... après un détour par la Ligue Communiste Révolutionnaire.

Nicolas - On n'a plus de Champagne, mais il doit me rester une ou deux bouteilles de Joyeux Vendangeur, quelque part...

Nicolas revient avec une bouteille du dit breuvage, qu'il sert généreusement.

Antoine - En tout cas, je ne pensais pas voir la soeur de Vanessa Paradis aujourd'hui...

Estelle - Moi non plus...

Ils trinquent.

Antoine - Allez... À ta santé, Nicolas ! (Se rendant compte de sa gaffe). Excuse-moi, j'oublie tout le temps...

Nicolas - Ne t'excuse pas, va... Et puis tu sais, ce n'est peut-être pas si grave que ça...

Estelle - Ah bon...?

Nicolas - Enfin, je veux dire... Un miracle est toujours possible...

Ils trinquent à nouveau.

Estelle - Saint Sulpice, priez pour nous...

Antoine et Estelle font la grimace.

Antoine - Je ne pensais pas non plus boire du Joyeux Vendangeur, ce soir. Ça existe encore, ce truc... Ça n'a pas été interdit...

Nicolas - Ah ouais, c'est vrai que c'est plutôt une boisson d'hommes...

Estelle - Tu ne devrais peut-être pas boire ça... Dans ton état...

Nicolas - Oh, comme ça au moins, demain matin, je saurai pourquoi j'ai mal à la tête. Et puis il faut bien mourir de quelque chose, hein...?

Silence. Nicolas leur resert à boire. Ils vident leurs verres d'un trait.

Estelle - Quand on avale vite, on n'a pas le temps de sentir le goût...

Un temps, pour méditer cette pensée.

Antoine - Brigitte Paradis... (À Nicolas) Qu'est-ce qu'on a été cons...

Regard intrigué et réprobateur de Estelle.

Antoine - On avait cette fille sous la main... Si j'ose dire... Et dix ans après, on se rend compte qu'on est peut-être passé à côté de quelque chose... Enfin, je veux dire, de quelqu'un...

Estelle - Ouais... Tu n'as su voir sa beauté intérieure...

Nicolas - C'est vrai qu'elle ressemble un peu à Vanessa Paradis, en grandissant...

Estelle - Ce qui est sûr c'est que vous, en vieillissant, vous ressemblez de moins en moins à Johnny Depp...

Antoine - Allez, ressers-nous un coup de ton élixir, pour oublier cette cruelle vérité...

Nicolas ouvre la deuxième bouteille, et les ressert. Ils boivent en silence.

Nicolas - On dirait que la deuxième bouteille est meilleure que la première...

Antoine - Ça ne doit pas venir de la même vigne...

Estelle - Tu crois vraiment que c'est fait avec du raisin ?

Silence.

Estelle - C'est incroyable, qu'elle ait continué dans le théâtre...

Nicolas - Pourquoi ? J'ai bien continué, moi aussi...

Estelle - Oui, enfin, je veux dire...

Nicolas - Laisse tomber, je sais...

Antoine - On aurait peut-être dû continuer, nous aussi... Je veux dire Estelle et moi...

Estelle - C'est vrai, on n'était pas si mauvais que ça.

Antoine - Aujourd'hui, on serait peut-être des stars... Même sans avoir de famille dans le show biz... Regardez Luchini. Ses parents tenaient une quincaillerie...

Estelle - Les parents de Luchini tenaient une quincaillerie ?

Antoine - Tu ne savais pas ?

Estelle - Non... (Pensive) Et puis ta pièce, au fond, elle n'était pas si nulle, hein...?

Antoine - C'est vrai. On voit tellement de conneries au théâtre... Je te jure que ta pièce, ce n'est pas beaucoup plus con... De toute façon, je n'y vais plus, moi, au théâtre... Je ne sais pas où mettre mes genoux... Et en plus, je suis allergique à la poussière...

Un temps.

Estelle - Vous vous souvenez de son père ? Monsieur Paradis ?

Antoine - Le prof d'allemand... Avec sa petite moustache et sa grande mèche... On l'appelait Adolphe... Ah, il nous a fait vivre l'enfer, celui-là... Il voulait sûrement nous faire expier nos turpitudes avec sa fille...

Nicolas (étonné) - Quelles turpitudes ?

Antoine, gêné, ne répond pas.

Estelle - Et sa mère, c'était qui, déjà ?

Antoine - Madame "Paradise" (prononcer à l'anglaise)...

Estelle - Ah ouais, c'est vrai... La prof d'anglais... (Ironique) C'est pour ça que sa fille était bonne en langue. Ça lui a permis de faire une carrière internationale...

Antoine - Il faut reconnaître qu'à l'époque, la mère était plutôt mieux gaulée que la fille, hein ? Vous vous souvenez ? Pendant les cours d'anglais, quand elle circulait dans la classe, on passait notre temps allongés par terre, à rattraper les gommes qu'on lançait derrière elle... Histoire de savoir de quelle couleur était sa petite culotte...

Estelle - Comme quoi les jeunes peuvent aussi se donner du mal, à l'école, quand ils sont motivés...

Antoine - Ouais... À la fin, c'était plus des gommes, c'était des miroirs, qu'on lui balançait entre les jambes... Elle a dû nous en confisquer une bonne vingtaine... Elle devait se demander ce que tous ces mecs foutaient avec des miroirs de poche dans leur sac...

Estelle - Tu crois qu'elle était naïve à ce point-là ? Peut-être que ça lui plaisait, au fond... Parce qu'avec son adjudant de mari, elle ne devait pas grimper au rideau tous les jours...

Silence.

Estelle (à Nicolas) - Tu as internet, non ?

Tête étonné de Nicolas.

Estelle - Tu nous as dit que tu avais retrouvé le numéro de téléphone de Brigitte sur internet...

Nicolas - Ben oui, pourquoi...?

Estelle - Je voudrais vérifier quelque chose...

Nicolas - C'est là...

Estelle se connecte. Bruits de connexion bizarres, façon modem à l'ancienne...

Estelle - Une petite recherche sur Gogole...

Ils attendent.

Estelle - Eh ben... Ce n'est pas le haut débit, dis donc... Remarque, vu la tronche de ton ordinateur, ça m'étonne même que tu arrives à te connecter... On dirait une vieille console Atari... C'est un héritage familial ? Tu as trouvé ça où ?

Nicolas - Dans une brocante, pourquoi...?

Estelle - Ah, quand même ! Alors... Vanessa Paradis... Biographie express... Ah, voilà... Vanessa Paradis, née le 22 décembre 1972... À Saint-Mandé, Val de Marne...

Antoine - Putain, c'est à côté d'ici...!

Estelle - Deux ans plus tard, installation à Villiers-sur-Marne...!

Antoine - Là où on a fait nos études à l'école Saint-Sulpice ! C'est peut-être là qu'elle est allée, elle aussi, quelques années avant nous !

Estelle - Bizarre qu'on en ait jamais entendu parler...

Antoine - Peut-être qu'à l'époque, elle n'était pas encore connue...

Nicolas - Lis la suite, pour voir...

Estelle - Ah, ça y est... On a été déconnecté ! Ça m'étonnait, aussi...

Antoine - Bon, ben recommence...

Estelle pianote à nouveau... Les deux autres attendent, tendus. Bruits de connexion encore plus bizarres.

Antoine - Ça ne risque pas d'exploser, au moins ?

Estelle - Ah, ça y est, ça remarche... Alors, "aller à"... J'y suis... Première apparition à sept ans dans l'émission de Jacques Martin l'École des Fans...

Antoine - Elle était déjà connue, alors...

Nicolas - Peut-être pas tant que ça... Moi aussi, je suis déjà passé à la télé...

Antoine - Oui, mais pas dans l'École des Fans...

Estelle (continuant) - Quatre ans plus tard, naissance de sa petite soeur Alison...

Déception des deux autres.

Antoine - Alison...

Estelle (poursuivant) - Les parents de Vanessa n'étaient pas du tout profs... Ils tenaient une miroiterie...

Nicolas - Une miroiterie ?

Estelle - Ils vendaient des miroirs, quoi !

Nicolas - Remarque, avec tous ceux que la mère de Brigitte nous a confisqués, ses parents auraient pu ouvrir un magasin...

Estelle - Ouais... En tout cas, les parents de Vanessa Paradis n'ont jamais été profs... Et la soeur de Vanessa ne s'appelle pas Brigitte.

Ils digèrent tous trois cette information.

Antoine - Mais alors pourquoi elle nous a monté cette baraque...

Estelle - Tu ne t'en doutes pas un peu...?

Air penaud de Antoine... et air intrigué de Nicolas. On sonne à la porte.

Antoine - Si c'est pour la redevance, tu dis qu'on vient de jeter la télé. On préfère aller au théâtre...

Nicolas va ouvrir.

Nicolas - Brigitte...?

Tête des deux autres.


ACTE 3


Brigitte revient dans la pièce. Elle a l'air beaucoup moins gaie, et a abandonné son numéro de star précédent. Les trois autres la regardent, attendant qu'elle dise quelque chose.

Brigitte - Je me suis arrêtée au café d'en bas...

Nicolas (anxieux) - Tu as lu ma pièce ?

Brigitte - Je l'ai feuilletée...

Nicolas - Tu trouves &cced

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