Les Crises et ceux qui en profitent

pluripol

Un adage commun nous dit qu'en Chine le mot « crise » est formé des mots « danger » et « opportunité ». Je n'ai aucune idée de la réalité de cette proposition n'ayant jamais fait d'étude sur le sujet et cette affaire langagière m'importe peu. Ce qui m'intéresse c'est la réalité intrinsèque à laquelle ce fait, s'il est avéré, renvoie.

De tout temps il a été vrai que la confrontation au danger a motivé l'Homme à l'action. La capacité de l'humain de prévoir les problèmes qui l'attendent en songeant au futur pourrait être considéré comme sa plus grande bénédiction puisqu'elle lui permet de prendre de l'avance sur les différents dangers et s'y préparer.

Il est difficile de savoir jusqu'à quel point un danger pressant peut faire se surpasser l'être humain, mais la nature nous laisse des indices : Nous possédons tous de l'adrénaline et avons sans doute pu chacun constater que pour un bref instant, quand une situation d'urgence l'appelle, nous sommes capables d'aller plus vite, être plus fort, plus stable que l'on est habituellement. La fatigue s'en suit mais nous avons pu voir un bref instant que nous étions alors capable de bien plus. C'est une réalité qu'on peut constater à l'échelle individuelle tout comme sociétale.

La crise fait ressortir les ressources cachées des êtres humains mais les crises peuvent aussi faire ressortir égoïsme, violence et brutalité : Quand tout va mal on ne peut pas s'attendre à ce que tout le monde face preuve d'héroïsme surtout quand nos instincts bien souvent nous poussent naturellement à sauver notre peau en cas de coup dur, quitte à renverser le voisin dans notre fuite. Le succès et la gloire des grands dirigeants, des grands généraux, et des héros qu'on admire s'est souvent faite dans ces moments précis quand ils ont réussi à remporter la victoire sur le danger et le transcender au point que la situation en devient une opportunité.

Cette réalité a ses conséquences politiques : Nombreux sont ceux qui ont remarqué qu'on pouvait exploiter les crises afin de provoquer des changements de grande envergure car on tolère mieux le changement en période d'incertitude générale. Le problème émerge alors quand des individus mal ou bien intentionnés (ça n'importe que peu) se mettent à fabriquer des crises de toutes pièces ou à exagérer le danger réel de certaines inefficacités et vulnérabilités inhérentes à toutes sociétés humaines en vue d'un objectif politique. Généralement cet objectif contient presque systématiquement le fait de céder plus de pouvoir ou fonder une nouvelle institution dont le poids viendra s'ajouter au poids écrasant de l'institution actuelle. C'est une demande de pouvoir déguisée sous les traits de la nécessité.

Ainsi, quand quelqu'un parle de crise sans qu'on ne puisse voir de victimes, quand quelqu'un est terriblement sélectif dans ce qu'il montre et demande un appel à l'action qui curieusement fait que lui-même ou un de ses amis avance dans ses objectifs très personnels et dont les prétendus bienfaits ne sont pas clairs ou assez importants, il est nécessaire de faire appel à son esprit critique et faire preuve d'une attention toute particulière.

L'être humain a des ressources à revendre et possède énormément de force et de puissance cachées. Mais chacun possède aussi un intellect et une conscience et devrait s'en servir. Ces vertus sont capitales dans l'ère d'aujourd'hui et l'on devrait encourager leur développement. La façon dont les médias sont construits fait gagner le journal qui saura se faire le plus lire, pas celui qui est le plus honnête, pas celui qui présente les faits de façon neutre posée et calme. Cela contribue à l'escalade de la prochaine crise et à l'avènement du prochain faux prophète politique venu offrir rien de bon. La réflexion et notre conscience sont nos remparts face aux certitudes imposées par les crises manufacturées.

Je m'abstiendrai ici de donner des noms puisque je suis certain que tous les partis politiques possèdent leurs démons et que lancer une accusation ici nuirait au but ultime de cet article. Ce serait offrir une solution simple et temporaire à un problème qui demande une solution plus complexe et définitive. Je ne veux pas désigner de bouc émissaire quand le problème est vaste et profond.

Nos sociétés ne doivent pas tomber dans une addiction à l'adrénaline que lui apporte chaque nouvelle crise. Nos réserves cachées sont vastes mais tout organisme fatigue quand on le pousse à bout. Méfions-nous donc de ceux qui seraient trop satisfaits par l'effondrement de nos systèmes et de ceux qui justifieraient leurs abus de pouvoir par des conditions exceptionnelles.

Gardons les yeux ouverts, il en va de l'avenir.


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Cet article de Gabriel a été publié en premier ici: https://pluripol.ch/article-les-crises-et-ceux-qui-en-profitent/

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