Les gardiens

Christian Lemoine

Gardiens du temps. Les voici, ordonnés, toisant de leur sénescence flamboyante les reptations des soumissions. Les voici, garde noble et muette, rempart imperturbable face aux front mouvant des armées myriapodes. Les honorer. Les révérer. A leurs pieds, marnes et loess espanis d'aise sous l'ombre tutélaire. Gardiens des mémoires engourdies, ils conservent sous leurs dermes la succession des annales sans registre. Ouvrirait-on leurs carcasses raides, qu'on y lirait, dans la profusion des sillons, des archives séculaires aux alphabets rompus. Leurs remembrances bienvenues, cependant, souvent échappent à la frivolité des feuillages. Gardiens de l'immobile. Les voici, stoïques, insensibles aux agitations picrocholines des insignifiances. Leurs colonies, exemptes de tout ego, investissent loin des tumultes les alignements de leurs peaux froides, où s'échangent les fluides principaux. Gardiens des sources vitales. Ils psalmodient dans les ramures les cantiques païens. S'y déploient en extases vénéneuses des oracles perfides.
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