Les grands arbres

divina-bonitas

Chronique des jardins

Les grands arbres ont cette force tranquille et terrienne qui procure au fragile, au tendre, au patient, à l'enfant comme au vieillard, une sérénité pérenne.


Là, dans le bien nommé jardin des cèdres, un costaud du Liban de près de 200 ans. Impossible de faire le tour du tronc avec les bras...même quand on a le bras long! Sa ramure large et sage s'étale simplement par dessus le mur de clôture et l'allée. Rien ne vaut 10 minutes assis à ses pieds sur le tapis d'aiguilles tombées. L'âme s'élève vers les sommets sans efforts, cherche l'expansion au fil des branches sombres. Dos à dos l'énergie délivrée est paternelle, rassurante, sûre et forte. Sous sa frondaison, rien de grave ne peut arriver. L'antique écorce a la douceur d'un sarment, appelle les caresses. Les yeux fermés, la pensée flottant dans ce nirvana boisé, la main effleure les interstices, les doigts se glissent à la rencontre des craquelures, l'esprit s'interroge "combien de blessures?" Lui répond: "Mais non! Les traces de la vie. Tu sens...comme je sens bon?"


A quelques encablures, un cèdre de l'Atlas de 27 ans dont la toise doit chiffrer plus de 20 mètres. Celui-ci a la fraîcheur et la fougue de l'adolescence. Les longues branches fourmillent d'une énergie vivace non contenue, vibrent à la moindre brise, s'ornent de pommes bronze et dures posées comme à Noël sur un Douglas de fête. Je veux un Hémon jeune...Il ordonne: "Caresse mes aiguilles et vois comme elles sont douces"


Dans le grand jardin, Monsieur le tilleul, classé par le commissaire enquêteur du PLU au Panthéon des plus beaux arbres du bourg. Il le vaut bien et c'est légitimement que je fais sa pub! Tout en lui mérite l'hommage: la parfaite circonférence de sa ramure, le doux bruissement de son feuillage léger, les fragrances subtiles des fleurs tant prisées des abeilles, sa hauteur vertigineuse servant de confessionnal aux volatiles locaux. Il protège de tout, du chagrin et de la pluie, des idées noires et du soleil brulant. "Viens t'assoir à mes pieds", murmure-t-il. Un quart d'heure de méditation contre sa base est une ressource précieuse, l'opportunité de ré-énergiser les chakras avant de partir, quelques feuilles tombées froissées au cœur de la paume, sourire aux lèvres et esprit léger.


Dans le pré des ânes, le saule pleureur. Pas si vieux mais déjà si grand! Un arbre symbole de féminité dit-on et je veux bien le croire. Tout en lui n'est que rondeur et douceur, délicatesse et raffinement. Il chante comme bruissent les jupons de taffetas au bal. Les mésanges ne s'y trompent pas qui y jouent à la balançoire en commérant, créant des symphonies de pia-pia joyeux. Je les entends: "On y danse, on y danse..." Le saule boit l'eau au sortir de la mare, l'eau qui tombe de haut, toute expression de trop plein, et chuchote: "Écoute, fais comme moi, secoue toi un peu, mine de rien, plie sous le vent trop fort et vois comme il est possible de grandir quand même. Après la pluie, le beau temps d'aujourd'hui. Viens là que d'un frôlement je t'allège."


Enfin le magnolia. Pas un des ces arbres d'ornements aux fleurs chamoisées de rose et de violet, un des ces buissons modernes vulgarisé, holà non! Il y a un siècle, on se passait bien de ce genre de bariolé. Du haut de sa majesté atteignant le 2° étage, il est le premier en mars à ouvrir ses calices géants d'un blanc virginal, avant de déployer son feuillage vernissé tout l'été, ombrageant les pieds des ellébores. Toute cette blancheur! Cette fausse simplicité immaculée! Une pureté aux parfums de sainteté. Saint Magnolia, je prie pour que chaque année vous fleurissiez, que vos boutons délicats échappent aux horribles gelées, que vous orniez le jardin de votre majesté encore pendant des années. Le magnolia susurre: "Regarde moi. La beauté guérit."


Pour l'anecdote: j'avais écrit un texte de ce genre en classe de 4°. L'épouvantable sorcière à l'âme de corbeau aigri crachotant ses poumons sur les premiers rangs, laquelle nous servait de prof de français, avait noté sur ma copie "complètement immature". Qu'est-ce que ça me fait rire a postériori! Son esprit devait être blet pour en arriver à une telle conclusion. Même cacochyme je continuerai à dire mon amour de la nature. Tant pis si c'est une littérature puérile. Sans doute ne me déferais-je jamais de mon âme d'enfant. Et heureusement!


  • C'est le prof d'anglais qui veille peinard sur sa branche qui m'a portée là ;-) il a bien raison d'être ému par votre goût pour la beauté de la nature

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Loin couleur

    julia-rolin

    • Merci de votre lecture et de ce commentaire Julia.
      Et merci aussi à celui qui veille sur sa branche.

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Img 1518

      divina-bonitas

  • J'aime les arbres et les entourer de mes bras quand je le peux. Ils sont beaux et majestueux comme ces grands cèdres qui ont vu se succéder des générassions...

    · Il y a presque 8 ans ·
    Version 4

    nilo

    • Merci Nilo. C'est si bon de prendre les arbres dans ses bras, à moins que ce ne soit eux qui nous étreignent...

      · Il y a presque 8 ans ·
      Img 1518

      divina-bonitas

  • Merci pour ce beau et émouvant tableau des arbres! CDC et partage !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Merci Astrov de votre fidélité à lire ma prose et à la partager.

      · Il y a presque 8 ans ·
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      divina-bonitas

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