Les Heures Abîmées

Ferdinand Legendre

Par delà les heures abîmées, les yeux gonflés par l'averse, Quatre par quatre temps et douze coups de barres plus tard, s'essuyer le regard sur du papier de verre. C'est que, par moment, chaque seconde à goût de fin de semaine. Il subsiste une impression d'irritation, notre thermomètre interne se la joue bipolaire et, sous les ongles, les crissements guettent, tapis dans l'ombre. On traîne une multitudes de rejets desquels on fait quelques écrits avec un peu de chance, un peu d'alcool et beaucoup d'auto-persuasion. Par delà les heures abîmées on s'en veut d'être irascible, de ne plus être aussi agréable qu'avant. On a l'impression que notre impatience et notre manque de motivation se livrent un duel fratricide afin de désigner le grand gagnant de notre perte. Bien heureux celui qui peut coucher ça sur du papier. Peur bleue de l'inaction, l'immobilisme est un éternel ennemi qui ne cesse de nous suivre. Au fond du couloir, lorsque l'ampoule grésille, il subsiste. On ne se retourne plus, ou alors le moins possible, afin de se confirmer sa présence du coin de l'œil, en se disant que, moins on le voit, moins il existe. Par delà les heures abîmés on remet bien des choses en question sans pour autant trahir ses convictions, on pratique le changement avec modération. Par delà les heures abîmés on veut sortir la tête hors de l'eau, mais c'est le grand hiver et il faut ronger son frein et continuer à baisser les yeux pour éviter les merdes de chiens. A ce propos, si je ne les lève pas, c'est aussi et surtout pour ne pas voir vos sales gueules, ça faisait un moment que j'attendais de le dire. Par delà les heures abîmés on est sûrement un peu plus franc. C'est que les moments durs viennent user les politesses échangés, freiner les bonnes manières et aiguiser les phrases de refus. Autant d'entretiens non désirés, de coït interruptus sur le fil, de sourires forcés et de soupirs intérieurs. Autant d'ailleurs qui se font attendre, d'ententes feintes et d'infinis moments de détentes vains. Par delà les heures abîmées il ne subsiste rien que le temps, l'intervalle entre les secondes, des bouquets de minutes fanées, des mots défigurés par la fin des temps à venir, le venin de l'ivresse, l'essence et la paresse, les avances et caresses et les feux de détresse, le recul du canon et les doigts dans les portes.



  • L'on voudrait parfois être sur une île déserte...ça me rappelle un petit texte, bien modeste (je ne suis pas une intellectuelle, j'écris comme je suis) : Des terres de solitude, je vais le mette en ligne...

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

Signaler ce texte