Les lettres. (1)

Ma chérie.

Me voilà loin de toi maintenant et tu me manques déjà beaucoup. Je ne cesse de regarder sur mon téléphone ce selfie que tu viens de m'envoyer et où tu tires la langue devant la Mercedes sous la neige. Arrives-tu à la faire démarrer ?

La vie est ici comme je me l'imaginais: douce et ensoleillée, sans fièvre porcine ni de grippe aviaire. Le poisson et le manioc étant la base de mon alimentation.

Mes matins commencent par un grand étirement de bras à ciel ouvert et une tasse de café soluble au patio (ici la poste ne livre pas de capsules). Vers 8 heures, je me rase dans un petit miroir accroché à la racine aérienne d'un palétuvier de plus de cent ans d'âge, et je déclenche 10 minutes d'eau claire dans la piscine à débordement avant de partir pour la journée relever mes filets. Parfois je suis accompagné.

Hier en fin d'après-midi, alors que le soleil commençait à décliner brutalement sur la mangrove, laissant paraître les premiers instants de la nuit où se figent les silences et les solitudes insulaires, il me souvient que mes mains sont allées sur d'autres seins que les tiens, comme si le délaissement de mon âme se devait de se retenir à quelque chose de plus terrestre, aux pulsions de mon corps.

Tout semblait confus dans ma tête, même si Shaina ne voyait là qu'un petit divertissement touristique, une soirée découverte et patrimoine des Antilles, rien de plus.

Je t'embrasse fort.

P-S: Sinon demande à Ruddy, je crois qu'il a dans son garage, un chargeur de batterie qu'il utilise pour sa vieille Alfa.